Débat d’avenir au congrès du Parti de gauche21

Je rentre du Mans. Du congrès du Parti de gauche, pour être précis, où j’étais invité à m’exprimer, tout comme l’ami Pierre Laurent, avant le discours final de Jean-Luc Mélenchon. De la sorte, en clôture de ces assises, les deuxièmes officiellement, les premières en réalité en ce qu’elles consacraient réellement un bilan d’étape de la construction de cette jeune formation (le PG est né peu avant GU, à l’automne 2008), c’est à une manifestation de la réalité du Front de gauche que les participants auront assisté. De bon augure pour l’avenir… Pour ma part, j’ai choisi de centrer mon propos sur les responsabilités du Front de gauche dans ce moment politique très particulier dont les coordonnées viennent d’être bouleversées par l’irruption d’un mouvement social à tous égards exceptionnel. J’ai aussi voulu soumettre à nos partenaires communistes et pégistes quelques éléments de réflexion et quelques propositions sur la stratégie à déployer pour changer radicalement la donne à gauche, hisser notre Front de gauche à la hauteur des attentes populaires et du désir d’unité que la classe travailleuse a manifesté avec éclat tout au long des deux derniers mois, contribuer à battre la droite et créer les conditions d’une majorité et d’un gouvernement décidés à affronter les puissances d’argent. Je reproduis ci-dessous mon discours.

MON DISCOURS DU MANS

« Mes Chers Camarades, je voudrais tout d’abord vous remercier de cette invitation à m’exprimer devant votre congrès.

« J’y suis d’autant plus sensible qu’elle marque le renforcement constant des liens qui se sont noués entre nos formations, depuis que nous nous sommes, Parti communiste, Parti de gauche et Gauche unitaire, engagés dans cette belle aventure qu’est le Front de gauche.

« J’ai d’autant plus de plaisir à m’exprimer devant vous qu’à la chaleur de l’expérience réalisée en commun par les militants de nos formations, nous avons pu mesurer tout ce qui nous unissait.

« Vous et nous, partageons la conviction que nous sommes entrés dans une nouvelle période historique, où le nouvel âge du capitalisme a plongé la planète tout entière dans les affres d’une tourmente financière et spéculative, d’une crise globale qui met les peuples en concurrence, place l’humanité au bord du précipice, réveille les spectres hideux de la barbarie et de la guerre. Ce qui appelle, avec plus d’urgence que jamais, la refondation d’un projet socialiste et démocratique, qui sache tout particulièrement intégrer l’exigence écologique et les aspirations portées par les nouveaux mouvements sociaux, tel le féminisme.

« Vous et nous défendons, dans ce nouveau contexte, l’idée qu’il faut sauver la gauche des dérives qui l’ont laissé exsangue, reconstruire une gauche digne de ce nom, et aller à cette fin vers une nouvelle force pluraliste et radicale qui puisse synthétiser le meilleur des traditions du mouvement ouvrier et de la gauche. Un Die Linke à la française, en quelque sorte…

« Vous et nous avons en commun de considérer que cette gauche que nous appelons de nos vœux ne pourra voir le jour qu’en se situant dans la continuité de ce qui a fait son identité originelle dans ce pays. Je veux évidement parler de la défense intransigeante de la souveraineté populaire, qui donne son contenu à la démocratie depuis la grande Révolution française. Je veux parler de la volonté de répondre à l’intérêt général à partir de la question sociale qui dessine une alternative possible aux logiques égoïstes et prédatrices de la mondialisation marchande. Je veux parler, vous l’avez compris, de la belle tradition de la République sociale.

« Vous et nous avons pour point commun de considérer que deux logiques traversent la gauche, celle de l’accompagnement social-libéral, qui a mené à toutes les défaites des trente années écoulées, et celle de la rupture, qui peut seule faire renaître l’espoir au sein des classes populaires.

« Vous et nous, avec nos camarades du Parti communiste, orientons notre politique en fonction de la lutte des classes. Ce qui nous amène à nous retrouver systématiquement dans la solidarité avec les travailleurs et dans les luttes pour les droits et la démocratie.

« Cela fait déjà beaucoup de convergences. Suffisamment de convergences pour que, vous le savez, les militantes et militants de Gauche unitaire aient pris pour une insulte les visant directement les attaques ignominieuses dont Jean-Luc Mélenchon a fait l’objet. Je veux profiter de l’occasion de ma présence à cette tribune pour t’assurer, Jean-Luc, de mon amitié personnelle et vous assurer, Chers Camarades du Parti de gauche, de la solidarité collective de Gauche unitaire.

« À ces convergences, il faut évidemment ajouter tout ce que nous avons su apporter à la gauche, aux côtés de nos camarades communistes, avec la création de notre Front de gauche. Ceux qui ironisaient sur notre entente à l’occasion des élections européennes, qui critiquaient notre méthode, qui prédisaient notre échec, en ont été pour leurs frais.

« La preuve du pudding, c’est qu’on le mange, disait le vieil Engels. Grâce à notre rassemblement sur des contenus forts, nous avons su conjuguer radicalité des propositions et volonté de nous inscrire au cœur de la gauche.

« Nous inscrire au cœur de la gauche… Pas à la gauche de la gauche, pas aux marges de la gauche… Non ! Au cœur de la gauche ! C’est une formule qui nous est chère, n’est-ce pas, Pierre et Jean-Luc, j’ai souvent constaté qu’elle structurait nos discours respectifs… Et c’est parce que telle a été notre approche à tous les trois, que nous avons su nous prémunir des incantations et des dénonciations abstraites. Nous sommes ainsi devenus une réalité incontournable du paysage politique.

« Une réalité à faire grandir, bien sûr, mais qui lie déjà nos existences : Parti communiste, Parti de gauche, Gauche unitaire, nous ne pourrions aujourd’hui défaire ce que nous avons construit sans détruire du même coup l’espoir que nous avons commencé à susciter. Nous serions alors responsables d’un immense gâchis, mais nous en serions aussi les premières victimes. Cela nous crée des responsabilités considérables pour demain.

« Voilà pourquoi, je le dis au passage, la question de l’élection présidentielle ne doit, sous aucun prétexte, nous paralyser ou nous opposer. Sans doute, est-elle compliquée pour des courants comme les nôtres, qui nous opposons à la personnalisation de la politique. A l’arrivée toutefois, il ne devra y avoir qu’une seule candidature nous rassemblant. Et nous choisirons ensemble la personnalité qui nous représentera tous sur le bulletin de vote, en fonction et de sa capacité à porter avec force notre parole commune et de son aptitude à incarner la construction collective qui est l’esprit même du Front de gauche.

« Je le dis avec d’autant plus de conviction que 2012 ne peut être l’unique objet de nos préoccupations.

« Les dernières semaines ont vu l’irruption du mouvement social le plus puissant et le plus porteur de renouveau que la France ait connu depuis Mai 68.

« Au cœur de cette lame de fond, se sera exprimée l’exigence d’une autre politique et d’un modèle de société orienté vers la recherche du bien commun.

« À travers cette épreuve de force, et portant jusqu’au bout le front syndical exceptionnel que l’on sait, se sera manifesté le désir d’unité d’un salariat qui aura repris confiance en lui-même et pris conscience de sa force comme de sa capacité à changer le cours des choses.

« La mobilisation populaire n’a pas été défaite, même si elle n’est pas parvenue à imposer le retrait de la loi liquidant la retraite à 60 ans. Non seulement, rien n’est fini et nous allons, de nouveau, nous retrouver dans la journée du 23 – comme Marc Dolez nous y appelait tout à l’heure -, mais c’est même le sarkozysme qui se retrouve en pleines turbulences. Au bord parfois de la crise de nerfs de notre César élyséen, au bord incontestablement de la crise de régime. La pantalonnade du remaniement ministériel du dernier week-end en atteste.

« Nous nous trouvons, par conséquent, devant un contexte inédit, propice à des accélérations inopinées, à des tournants brusques, à des moments de tension paroxystiques. Et c’est bien la raison pour laquelle on ne peut se contenter de donner maintenant rendez-vous aux électeurs en 2012, comme ne cesse de le faire Martine Aubry.

« Mes Amis, l’illégitimité du pouvoir au sortir de la secousse des dernières semaines appelle à gauche la perspective d’une majorité et d’un gouvernement tournées vers la satisfaction des aspirations du peuple. Pas un gouvernement qui, élu à gauche, s’empresserait aussitôt de s’incliner devant les diktats des agences de notation au service des marchés financiers, mais un gouvernement en rupture avec les dogmes libéraux et capitalistes.

« Il nous faut donc accélérer le travail engagé à partir de notre « plate-forme partagée ».

« D’abord, en concrétisant notre volonté d’élaborer une alternative programmatique à la hauteur des défis du moment, avec tous ceux et toutes celles qui se reconnaissent dans la démarche à vocation majoritaire du Front de gauche. Oui, comme Marc Dolez l’a dit à l’instant, il faut enraciner le Front de gauche dans le pays, en multiplier les comités locaux. Et commencer par nous tourner vers ces forces du mouvement social, ces syndicalistes et acteurs associatifs, qui sont disponibles pour apporter leur expérience de la confrontation avec la droite et le patronat à une construction politique qu’ils doivent pouvoir s’approprier.

« Ensuite, en mettant sans attendre dans le débat public quelques grandes propositions phares que devraient initier une majorité et un gouvernement de rupture sociale et démocratique.

« Ces propositions, nous ne cessons de les développer ensemble depuis deux ans. A elles seules, elles dessinent la cohérence d’un projet de société. La seule cohérence qui puisse permettre de battre la droite, non seulement l’instant d’un vote, mais sur le fond et dans la durée…

« Dans la nouvelle donne politique et sociale, qui met en premier lieu la gauche au défi de s’engager à rétablir la retraite à 60 ans et à taux plein, elles se déclinent autour de questions comme : la redistribution des richesses ; la réappropriation publique du système bancaire et des secteurs de l’économie correspondant à des besoins vitaux des populations ; l’instauration d’une grande politique de planification écologique pour faire face au dévastations engendrées par un capitalisme vorace ; l’ouverture d’un processus constituant destiné à en finir avec la monarchie présidentielle et à jeter les bases d’une VI° République ; l’émancipation du traité de Lisbonne, à la fois pour desserrer l’étau de l’austérité qui saigne à blanc les peuples du continent et concourir à la refondation de l’Europe (car nous ne sommes pas des anti-européens, comme on nous en a accusés si souvent depuis 2005, nous sommes même des Européens fervents, qui voulons que la construction européenne soit faite par les peuples et pour les peuples).

« Pour résumer, nous, à Gauche unitaire, plaidons pour que le Front de gauche s’identifie très vite par son souci de se hisser au niveau des attentes que les classes populaires et la majorité des citoyens ont manifestées au cours de la mobilisation pour le droit à la retraite.

« En d’autres termes, nous plaidons pour qu’il se fasse porteur du plan d’urgence qu’appelle la situation de crise globale devant laquelle nous sommes.

« Qu’il se tourne, que nous nous tournions ensemble, sans frilosité, vers le peuple de gauche tout entier.

« Que nous sachions nous montrer à la hauteur de l’aspiration unitaire que vient d’exprimer la mobilisation populaire, en lui donnant une réponse qui interdise que cette demande d’unité ne soit dévoyée par n’importe quelle tentation de vote en faveur du moindre mal.

« Que nous engagions la confrontation publique, à partir de nos propositions, avec les autres composantes de la gauche.

« Que nous travaillions à faire bouger les lignes au sein de cette gauche, afin qu’y prévale enfin une logique résolument déterminée à s’affronter aux intérêts dominants, plutôt que de chercher, comme certains, un salut illusoire du côté du directeur du Fonds monétaire international.

« Que, de troisième force de la gauche que nous sommes, nous devenions l’aile marchante de la gauche !

« C’est Jaurès qui disait que la grandeur de la révolution socialiste venait du fait qu’elle entendait répondre aux besoins de tous.

« C’est à ce niveau que nous situons, vous et nous, notre démarche. C’est une politique changeant concrètement les conditions de vie du peuple que nous voulons voir mener à la tête de l’Etat.

« Amis et Camarades, je vous adresse le salut fraternel des militantes et des militants de Gauche unitaire. Vive la gauche, celle des résistances, de la contre-offensive et de l’espoir réhabilité ! Vive notre Front de gauche ! »

Christian_Picquet

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