“Le trotsko et la coco”

Ce n’est qu’un hasard si ce livre paraît à la fin de la campagne des régionales. Depuis des années, Marie-Pierre Vieu et moi nous croisons, dialoguons, agissons. Elle, jeune dirigeante du Parti communiste, moi, le déjà plus ancien dirigeant de l’ex-Ligue communiste révolutionnaire, aujourd’hui porte-parole de la Gauche unitaire et cofondateur à ce titre du Front de gauche. En lançant sa maison d’édition, Arcane 17, elle m’avait suggéré le projet d’un livre commun, sous forme de réflexions croisées. C’était, à un moment charnière de l’histoire de la gauche, et en acceptant de nous affranchir l’un et l’autre de toute langue de bois, l’occasion de revenir sur l’héritage de nos familles respectives, nos propres parcours intellectuels, nos réflexions sur l’avenir de la gauche, les convergences nécessaires dans le futur entre nos deux traditions communistes. J’ai immédiatement accepté. Sylvia Zappi, du Monde, a tenu le micro et la plume. Le résultat surprendra sûrement. J’espère qu’il apportera une contribution utile à la refondation dans laquelle Marie-Pierre et moi, dans nos formations, PCF et GU, nous trouvons engagés. Je reproduis ici l’introduction du livre, qui résume bien, me semble-t-il, nos intentions.

”Pourquoi un livre entre une communiste
et un ex-trotskiste ?”

Marie-Pierre Vieu :__ Quand j’ai décidé de lancer la maison d’édition
Arcane fin 2008, j’avais envie de consacrer une collection à la gauche
et sa reconstruction. On allait rentrer dans le temps de la présidentielle
de 2012 et je voulais lancer une réflexion sur les enjeux de cette
échéance pour la gauche; mais de manière vivante, par des entretiens
croisés. Cela correspondait aussi à la période où je trouvais important
d’interroger le communisme et j’avais besoin de confronter mes réflexions
avec quelqu’un qui partageait mes questionnements. Christian
Picquet a une honnêteté de parcours qui m’a toujours frappée.

Il avance au regard de ses seules convictions politiques et c’est rare. Il y a
peu de gens qui ont une vraie culture politique dans nos milieux ; c’est
le cas de Christian et il prend le temps de la faire partager.
Croiser nos parcours, parce que je suis une femme et lui un homme,
pas du tout de la même génération ni de la même histoire politique ou
familiale, m’a semblé la bonne approche. Je connais Christian depuis
dix ans ; il était alors, pour la LCR, l’alter-ego de Pierre Blotin, responsable
aux relations extérieures. Parmi les dirigeants de la LCR, il a toujours
été celui qui acceptait le débat et cherchait la convergence. Il était
aussi un des rares à accepter le PCF tel qu’il était. De mon côté, j’ai
toujours pensé qu’il nous fallait travailler avec cette aile radicale de
la gauche. On a beaucoup parlé et nos envies politiques ont convergé.
Quand je lui ai proposé d’écrire ce livre, le Front de gauche était lancé
et il en était un des porte-parole national. Vu les positions que j’avais
prises dans le parti – assez en décalage avec la direction ! – il aurait pu
choisir de travailler avec des communistes plus dans le moule. Mais
non, il s’est lancé et m’a suivie. Aujourd’hui, j’ai la confirmation que
nos parcours de communiste et de trotskiste peuvent se rejoindre.

Christian Picquet : Mon compagnonnage avec le PCF ne date pas
d’hier. J’ai eu l’occasion de rencontrer Marie-Pierre Vieu lorsqu’elle
s’occupait des relations extérieures du PCF. Il en est né une amitié, une
estime réciproque et des échanges qui n’ont cessé de s’approfondir.
Elle m’a proposé de collaborer à ce livre sur les enjeux et l’avenir de
la gauche. J’ai accepté sans hésitation. J’espère que ce sera une contribution
à un dialogue qui doit se poursuivre et s’approfondir entre la
tradition que je représente et celle du Parti communiste.
On a connu une longue période où le Parti communiste et la LCR ont
entretenu des rapports de fascination-répulsion. Pour l’un, il s’agissait
de conserver son hégémonie sur la gauche et le mouvement ouvrier ;
pour l’autre, de passer d’un petit noyau militant essentiellement implanté
dans la jeunesse à une force au coeur du salariat. Les conditions
de la situation ont complètement changé à la fin des années 80 et la
chute du mur de Berlin. A partir de ce moment-là, la fracture historique
entre staliniens et trotskistes a perdu l’essentiel de sa substance. Cela
ne veut pas dire que, pour formuler le projet de transformation crédible
dont la gauche a besoin, on peut faire l’impasse sur le bilan de la révolution
russe et de sa dégénérescence en un État bureaucratique et totalitaire.
Mais aujourd’hui, l’enjeu est de rassembler tous ceux qui veulent
contester l’ordre capitaliste du monde. La tradition communiste en est
une des composantes essentielles. On ne peut ignorer le dévouement
de dizaines de militants communistes, l’importance de leur expérience
et de leur enracinement social. C’est la raison pour laquelle, depuis de
nombreuses années, je m’attache à ce que cette culture communiste
soit partie prenante de la convergence des gauches anticapitalistes et
antilibérales. C’est ce qui m’a donné l’occasion de me retrouver avec
les communistes en de nombreuses occasions, notamment aux côtés de
mon amie Marie-George Buffet pour la bataille du « non » de gauche
au traité constitutionnel européen et, depuis un an, pour enraciner la
démarche du Front de gauche. Non pour s’enfermer dans un tête-à-tête
mais pour refonder une gauche digne de ce nom en parvenant à une
synthèse avec d’autres apports.

Christian_Picquet

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