“Les salariés luttent au nom du bien commun”

Après d’autres porte-parole de la gauche, l’Humanité m’a donné, ce lundi 11 octobre, la parole pour évoquer l’avenir de la mobilisation sociale et les défis devant lesquels se retrouve la gauche. Je la reproduis ci-dessous.

L’entretien avec l'”Humanité”

”Selon le porte-parole de la Gauche unitaire, les Français sentent bien que, sur les retraites, l’intérêt général est en cause. Christian Picquet est satisfait que la gauche se retrouve derrière le front syndical, mais constate l’absence d’une même perspective politique.”

La succession de journées de mobilisation, comme celle de demain, est-elle susceptible de faire reculer le gouvernement sur son projet de réforme des retraites ?

CHRISTIAN PICQUET. Ce gouvernement voit sa politique rejetée par l’immense majorité de la population. Il est discrédité par ses connivences avec le monde de l’argent. Jamais un pouvoir n’aura connu une telle crise de légitimité depuis les origines de la V° République. Il est donc parfaitement possible de l’amener à retirer son projet, voire à le contraindre à plier bagages… sans attendre 2012 !

L’acharnement du pouvoir à vouloir garder sa réforme ne dénote-t-elle pas un persistant fatalisme des salariés sur ce dossier ?

CHRISTIAN PICQUET. Ce n’est pas de fatalisme que souffrent les salariés. Mais d’un contexte où prédominent chômage et précarité, autant que de la difficulté du syndicalisme à se doter d’une stratégie donnant sa pleine dynamique à son unité. L’affrontement en cours recouvrant en outre un enjeu directement politique, et même un enjeu de civilisation, il se heurte à l’inexistence d’une perspective de gauche à la hauteur de ce défi.

La Gauche unitaire estime-t-elle nécessaire une grève générale reconductible ?

CHRISTIAN PICQUET. C’est aux salariés, dans leurs assemblées générales et avec leurs syndicats, qu’il appartient de choisir les modalités de leur combat après le 12. Cela dit, face à un gouvernement qui cherche l’épreuve de force et tente de se maintenir aux affaires en ayant infligé une défaite au monde du travail, la question est posée d’un mouvement d’ensemble, construit sur la durée, reconductible et organisé démocratiquement à partir des lieux de travail.

Le pays est-il prêt à un durcissement ?

CHRISTIAN PICQUET. Si deux Français sur trois soutiennent la lutte pour les 60 ans, c’est qu’ils sentent que le bien commun, l’intérêt général sont en cause, face au minuscule noyau d’actionnaires et de spéculateurs qui trouve avantage seul au capitalisme vorace actuel. Lorsque l’affrontement revêt ce degré d’intensité, c’est le plus déterminé qui gagne. Toute l’histoire de la lutte des classes en fait foi… Comme en 1995, s’il en trouve les moyens, le mouvement populaire aura le soutien de la majorité du pays.

Pensez-vous, comme Jean-Luc Mélenchon, que la gauche affiche une unité de façade sur cette question ?

CHRISTIAN PICQUET. Dans l’intérêt du rapport de force, il est positif que toute la gauche se retrouve derrière le front syndical. Il serait encore mieux qu’elle exige d’une seule voix le retrait immédiat du projet de la droite. Et même qu’elle n’hésite pas à bousculer le calendrier institutionnel : à ce point d’illégitimité, la majorité doit se soumettre ou se démettre ; si elle ne renonce pas, la parole doit revenir aux électeurs grâce à la dissolution de l’Assemblée nationale. Au-delà, il est vrai que deux logiques traversent la gauche. L’une prétend qu’on ne peut échapper aux diktats des marchés, consent à l’augmentation du nombre d’annuités nécessaires à une retraite à taux plein ; elle nous mène droit aux mêmes catastrophes qu’ailleurs en Europe. en Grèce, en Espagne ou au Portugal. L’autre considère que la crise du capitalisme ne laisse aucun espace aux demi-mesures, elle affirme qu’il est grand temps de gouverner contre les banques et les actionnaires, de redistribuer radicalement les richesses, de s’appuyer en permanence sur les mobilisations des travailleurs ; dit autrement, elle s’oriente vers un nouveau Front populaire. Pour que change profondément la vie de la population, cette logique doit devenir majoritaire à gauche et dans le pays. Le moyen en est que ses partisans, des secteurs socialistes restant partisans de la rupture avec l’ordre néolibéral à la gauche alternative parviennent à converger. Voilà la feuille de route du Front de gauche.

Le « programme partagé »semble avoir du mal à prendre corps depuis son lancement à la Fête de l’Humanité. Comment l’expliquez-vous ?

CHRISTIAN PICQUET. Avec le processus d’élaboration d’une « plate-forme partagée », nous avons fait un pas de géant. Ensemble, les trois composantes du Front de gauche disent qu’elles estiment leurs convergences suffisantes pour faire émerger une alternative de pouvoir. Ce n’est pas rien… Après, dans une construction pluraliste et respectueuse de la souveraineté de chacun, les rythmes sont malheureusement plus lents qu’on ne le souhaiterait. Ce qui n’ôte rien à l’acte historique de la Fête de l’Humanité…

Il existe deux candidats potentiels du Front de gauche pour la présidentielle de 2012. Que faire pour éviter une querelle des égos ?

CHRISTIAN PICQUET. Le moment venu, dans le prolongement de ce que nous avons déjà fait, il ne devra y avoir qu’une candidature à la
présidentielle. Pour la désigner, nul besoin de primaires délétères, il suffira d’un processus de concertation à l’issue duquel les composantes du Front de gauche auront à soumettre une proposition à la ratification militante. Deux critères, deux seulement, devront être pris en compte pour choisir : qui peut le mieux porter notre projet, qui peut le mieux incarner notre construction collective ? Tout aussi importante, dans la cohérence de notre refus du présidentialisme, sera la désignation de nos représentantes et représentants dans chacune des circonscriptions législatives.

Quel bilan dressez-vous de votre mouvement, créé à la suite de votre départ du NPA ?

CHRISTIAN PICQUET. Modestement, de par les histoires et les expériences qui se sont vite retrouvées en notre sein, nous portons le projet d’une refondation politique à gauche, autour d’une perspective socialiste et démocratique, avec l’objectif d’une nouvelle force rassembleuse pour l’incarner. Sur cette base, notre principal apport a sans doute été de contribuer à faire de la diversité du Front de gauche sa principale force d’attraction. En un an, notre renforcement militant a été constant, notre implantation sur le territoire s’est élargie, nous disposons d’élus dans sept Régions. Notre premier congrès, en décembre, sera donc l’occasion de franchir une nouvelle étape.

Entretien réalisé par Mina Kaci

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