Dans “Libération” : ma réaction à la proposition de Jean-Luc Mélenchon
Ce week-end, le conseil national du Parti de gauche devrait officialiser que son président met sa candidature à la disposition du Front de gauche, dans la perspective de 2012. De quoi provoquer un maelström médiatique. Depuis que quelques organes de presse ont titré, en un raccourci quelque peu saisissant, que Jean-Luc « était candidat », je ne compte plus les sollicitations journalistiques. Et voilà que des amis m’appellent : n’irait-on pas vers un affrontement calamiteux, qui n’aurait pour effet que de disloquer ce que nous avons construit depuis presque deux ans. J’ai envie de dire : on se calme…
Prenons, en effet, l’exacte mesure de ce qui se passe, au sein de notre rassemblement, à propos d’une échéance qui pousse, partout ailleurs sur le théâtre politique, aux concurrences illisibles et aux cheminements solitaires. Je trouve que Jean-Luc Mélenchon et le Parti de gauche procèdent, à cet égard, avec un véritable esprit de responsabilité, exprimant leur option (qui le leur reprochera ?), mais se gardant bien de mettre leurs partenaires devant le fait accompli. Ils formulent une proposition à débattre dans le cadre commun que nous avons constitué. En tout cas, c’est ainsi que je comprends leur démarche. Rien là qui ait de quoi effrayer ou indigner…
De la même manière, je considère que la position adoptée par le conseil national du PCF, le week-end dernier, aura tout autant fait preuve de responsabilité. Nos camarades communistes, soucieux avec juste raison de garantir la souveraineté de décision de leur parti, auront d’un même mouvement confirmé leur choix à long terme du Front de gauche, adopté le calendrier au terme duquel ils arrêteront leur position, dessiné les bases du « contrat » qu’ils appellent de leurs vœux pour 2012 et ouvert, à propos de la candidature à la présidentielle, toutes les hypothèses… sans exclure celle qui verrait la construction pluraliste qu’ils ont contribué à bâtir ne pas être représentée par une figure issue de leurs rangs. Là encore, on peut avoir l’opinion que l’on veut sur les rythmes de leur démarche, chacun n’en conviendra pas moins que la direction prise est positive…
Notre problème commun, maintenant, du moins me semble-t-il, est de ne pas demeurer dans l’attentisme. Car cela aboutirait à un affaiblissement dommageable à un moment où, obnubilés par la seule présidentielle et paralysés par des « primaires » qui hypertrophient la présidentialisation de la vie publique, le Parti socialiste et Europe écologie se montrent incapables d’apporter la moindre réponse aux angoisses et préoccupations des classes populaires. Donnons-nous, par conséquent, l’objectif d’utiliser au mieux les quelques mois au cours desquels chacune des composantes du Front de gauche se préparera à une bataille politique dont nul n’ignore les immenses difficultés, pour avancer ensemble dans la définition de la campagne nécessaire. Avant que Gauche unitaire apporte sa pierre à l’édifice à l’occasion de son Premier Congrès, les 5 et 6 février, tel est le message que j’ai voulu délivrer en répondant, aujourd’hui, aux questions de Laure Equy, pour ”Libération”. Parce que j’imagine que cela devrait intéresser les lecteurs de ce blog, je reproduis ici cet entretien.
« PERSONNE NE PROPOSE DE PRIMAIRES AU FRONT DE GAUCHE »
Jean-Luc Mélenchon candidat pour 2012: vous ne devez pas être étonné…
- Non, cela fait un moment que la discussion sur les candidatures est ouverte au Front de gauche. Sans crispation outrancière. Le PCF avait ouvert un appel à candidatures, André Chassaigne a dit sa disponibilité. Jean-Luc Mélenchon officialise maintenant sa mise à disposition auprès du Front de gauche. Son annonce permet d’accélérer notre travail collectif pour nous mettre en ordre de bataille pour 2012. Nous devons travailler pour proposer un candidat à la présidentielle, des candidats aux législatives et une méthode pour une campagne collective. Il est important que le Front de gauche s’identifie par sa diversité.
Cela signifie-t-il que vous voulez accélérer le calendrier pour choisir le candidat Front de gauche ?
- Gauche unitaire tiendra son congrès les 4, 5 et 6 février, au cours duquel nous discuterons de la tenue d’un vote, probablement au début du printemps, sur les candidatures. Il nous faut évidemment tenir compte des rythmes de décision de chacun.
D’ici la décision finale, à partir du programme partagé que nous sommes en train de finaliser, le Front de gauche doit porter le débat en direction de toute la gauche sur les choix politiques. Face à l’exaspération populaire contre la droite, à la révolte contre le système libéral, une partie de la gauche paraît tétanisée, encore prête à accompagner ce système en faillite. Le peuple de gauche est décontenancé par ces atermoiements et la logique délétère des primaires au PS.
Vous aussi devrez départager plusieurs candidats. Une sorte de primaire du Front de gauche, en somme ?
- Personne ne propose des primaires au Front de gauche, on ne veut surtout pas entrer dans ce mécanisme de casting. Les primaires du PS impliquent une prise de distance des candidats avec leur parti. Cette mise en sène du choc des egos est profondément dépolitisante. C’est la négation de la politique comme aventure collective. Au Front de gauche, nous débattrons pour savoir qui réunit le plus de qualités pour porter le plus fort possible notre parole et incarner notre dimension collective. Nous refusons la personnalisation et le présidentialisme.
Le PCF est-il vraiment prêt à renoncer à un candidat communiste à la présidentielle au profit de Mélenchon? Et vice-versa pour le PG ?
- Depuis deux ans que le Front de gauche existe, on nous a toujours dit que nous allions éclater. Il y a inévitablement des débats, des frottements, des crispations, mais nous avons prouvé que nous pouvions surmonter ces difficultés. Nous allons traverser cette période sans problème. André Chassaigne et Jean-Luc Mélenchon ont indiqué leur choix de s’inscrire dans une ambition collective.
Et puis, nous abordons les élections de 2012, présidentielle et législatives, comme un «paquet». Le Front de gauche n’aura pas un candidat, mais des centaines. Personne n’y perdra. Il n’y a aucune raison de ne pas poursuivre notre démarche des européennes (2009) et des régionales (2010).
Mélenchon a dit vouloir s’adresser «à d’autres», comme «ceux du NPA». Un rapprochement avec votre ancien parti est-il encore possible ?
- Le NPA a un choix à faire. Est-ce qu’il privilégiera sa logique d’incantation et de dénonciation du reste de la gauche, est-ce qu’il maintiendra sa position d’isolement gravissime? Ou acceptera-t-il enfin de s’inscrire dans une construction pluraliste pour changer la donne à l’intérieur de la gauche? Nous verrons mais les déclarations de ses dirigeants ne me laissent pas très optimiste et je déplore tout ce qui concourt à disperser les énergies.
Je reviendrai prochainement sur les questions effleurées dans cette interview, notamment à propos du congrès de GU…