Un entretien avec “Politis”
Dans ma note précédente, j’évoquais allusivement les travaux du conseil national de notre Gauche unitaire, qui venait tout juste de se tenir. Il s’agissait de la première des instances dirigeantes des composantes du Front de gauche à se réunir, afin de fixer son orientation en vue de 2012, les militantes et militants de chacune de nos familles ayant ensuite à en débattre. Le week-end prochain, ce sera au tour de nos amis communistes et « pégistes » de se livrer au même exercice. Pour sa part, notre mouvement réunira ensuite, fin mai, les délégués désignés par ses comités. Le processus s’achèvera avec la conférence nationale qui, fin juin, décidera de l’attitude du Parti communiste à la présidentielle et aux législatives. L’ami Michel Soudais m’a donc interrogé, pour Politis.fr, à propos de nos propres travaux. Cet entretien balayant fort complètement les problèmes qui sont aujourd’hui posés au Front de gauche, je la reproduis intégralement ci-dessous.
« GAUCHE UNITAIRE : POURQUOI MÉLENCHON »
”La Gauche unitaire a confirmé ce week-end sa préférence pour une candidature de Jean-Luc Mélenchon en 2012, lors de son premier conseil national depuis son congrès début février. Christian Picquet, son porte-parole, nous explique les raisons de cette décision, à une semaine d’un conseil national du PCF qui devrait donner une indication sur le choix des communistes.”
Politis : Le conseil national de Gauche unitaire, réuni ce week-end, a confirmé sa préférence pour la candidature de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle. Qu’est-ce qui motive ce choix ?
Christian Picquet : Jean-Luc Mélenchon nous paraît le mieux placé pour porter les couleurs du Front de gauche et illustrer à l’élection présidentielle la diversité qui est la carte d’identité du Front de gauche. Au vu des éléments en notre possession depuis plusieurs mois, le conseil national, unanime, a confirmé ce choix préférentiel, qui n’est évidemment pas une appréciation sur les qualités d’autres candidats possibles, mais une appréciation politique sur les potentialités de cette candidature.
Comment voyez-vous cette campagne présidentielle et celle des législatives ?
Pour nous, c’est un paquet commun. Il n’y aura pas un candidat à cette séquence, puisqu’il faut lier les deux élections, mais plusieurs centaines de candidates et de candidats, avec une personnalité à la présidentielle qui nous représentera sur le bulletin de vote. Mais ce sera une campagne collective, comme le souligne d’ailleurs la lettre que Jean-Luc a adressé à notre conseil national pour lui indiquer qu’il souhaitait être non le candidat du seul Parti de gauche mais aussi celui du Parti communiste et de la Gauche unitaire, donc le candidat d’une construction conjointe.
Il va donc falloir que dans les semaines et les mois qui viennent nous nous attelions à mettre effectivement en place les différents aspects de cette campagne qui liera législatives et présidentielle. Il nous faudra, en particulier, trouver les modalités pour qu’un groupe de porte-parole traduise visiblement la diversité du Front de gauche. Cette conception est d’ailleurs tout à fait cohérente avec l’objectif d’une Constituante en vue d’une VI° République, qui sera au cœur de nos propositions, afin d’en finir avec la présidentialisation et la personnalisation délétère de la vie publique.
Que retenez-vous des cantonales ?
Ce week-end, nous avons noté que le fait d’être devenu la deuxième force politique de la gauche en pourcentage, en voix et en élus, ne relève pas de la simple addition de nos trois composantes, mais découle de la dynamique que le Front de gauche, comme construction nouvelle dans la vie politique française, est parvenu à susciter. De ce point de vue, il est assez naturel, pour les deux échéances de 2012, que nous poursuivions dans cette voie et renforcions cette image de rassemblement et de pluralité au service d’une grande ambition : rassembler les forces vives de la gauche sur une politique de rupture anticapitaliste et antiproductiviste, donc devenir majoritaire dans la gauche et dans le pays.
La Fédération pour une alternative sociale et écologique (Fase) se plaignait très récemment encore de ne pas avoir eu de réponse à la lettre qu’elle avait adressée au Front de gauche il y a trois mois en vue d’être associée à sa démarche. Que leur répondez-vous ?
Notre conseil national a réaffirmé que le Front de gauche devait s’élargir, ne pas rester un simple cartel électoral de sommet. L’objectif, nous semble-t-il, est de nous ouvrir maintenant aux acteurs du mouvement social, syndicalistes, militants associatifs qui sont très nombreux aujourd’hui à vouloir s’impliquer, à condition d’avoir les moyens de s’approprier cette construction politique. L’objectif est aussi de nous ouvrir à toutes les forces politiques qui partageront le document de démarche stratégique rendu public à la fin de la semaine dernière, et le programme que nous sommes en train de finaliser. Donc, tous ceux qui sont prêts à s’engager dans ce cadre politique-là seront évidemment les bienvenus, nous l’avons toujours dit. Il n’y a pas de retard.
Je comprends que la Fase et d’autres forces veuillent discuter avec le Front de gauche : il est aujourd’hui une réalité incontournable pour changer la donne à l’intérieur de la gauche. Mais il était aussi normal que les trois initiateurs du Front de gauche proposent à la discussion des documents qui fixent très clairement le cadre qu’elles entendent donner à leur action. Une ambition stratégique : porter le combat au cœur de la gauche et créer les conditions d’une majorité et d’un gouvernement qui agissent contre les intérêts dominants, ceux des banquiers et des actionnaires. Des propositions programmatiques fortes qui répondent clairement à cette souffrance sociale immense que les cantonales ont révélée.
J’ajouterai que le Front de gauche ne doit pas seulement s’ouvrir à des personnalités et des organisations. Il doit encore devenir une vraie force militante dans le pays. Pour cela, nous sommes très attachés à ce que se concrétise très vite, dans les départements, les villes et les circonscriptions législatives, la proposition d’assemblées citoyennes que ses trois composantes viennent de formuler.
Un nombre important de cadres et militants PCF semblent réticents à accepter un candidat non issu de leurs rangs et craignent que l’ouverture à de nouveaux militants ne les fasse disparaître. Qu’avez vous à leur dire ?
Il est normal que des débats aient lieu dans chacune des familles engagées dans une construction inédite qui nécessite de respecter scrupuleusement les apports et la souveraineté de chacun. Et il est compliqué de bâtir quelque chose qui ne soit pas seulement un cartel éphémère mais qui fasse force politique dans le pays. Je comprends que, dans un grand parti comme le Parti communiste, qui a beaucoup donné à l’effort commun depuis 2009, ces choix fassent l’objet de débats, de réflexions, voire d’hésitations.
Toutefois, en deux ans, nous avons montré que le Front de gauche était un processus gagnant-gagnant. Chacun s’enrichit des apports des autres et chacun se renforce dans l’approfondissement de la démarche commune. On l’a bien vu aux cantonales ; personne n’a perdu, tout le monde a gagné. Même s’il n’y a, bien évidemment, qu’un candidat à l’élection présidentielle, notre engagement sera collectif, avec un porte-parolat commun et des décisions conjointes. Et aux législatives, c’est notre pluralité qui fera appel d’air. Ce que je peux dire aux militants communistes qui vont en débattre à partir de leur conseil national du week-end prochain, c’est que, si le Front de gauche progresse encore, cela profitera à tous, sans que personne n’abdique de son identité, ni ne recule en influence et en visibilité.
Nous avons commencé à ouvrir un chemin qui peut changer totalement la donne à gauche. Plus nous avançons, plus nous avons confirmation que notre choix est non seulement décisif mais réaliste.