Nous entrons dans la zone des tempêtes

Quoique les longs ponts de l’Ascension et de la Pentecôte aient pu faire perdre de leur visibilité aux événements de la dizaine de jours écoulés, ceux-ci n’en seront pas moins venus confirmer le contenu de ma précédente note. Ici comme chez tous nos voisins, une véritable épreuve de vérité se rapproche, charriant son lot de souffrances humaines, d’étalement du cynisme des puissants et de révoltes des peuples… Sans que, nulle part hélas, la moindre perspective ait encore pu se frayer un chemin à gauche. Ce qui confère une importance accrue à ce que nous avons entrepris, en France, avec le Front de gauche. Les transformations en cours de l’ordre du monde et de l’Europe apparaissent d’une ampleur telle que je voudrais, par cette nouvelle chronique, prolonger la réflexion amorcée à l’occasion de la dernière conférence nationale de Gauche unitaire.

Alors que nos médias ne savent plus trop où tourner leurs projecteurs, des rebondissements judiciaires de « l’affaire DSK » à l’atmosphère pestilentielle ayant envahi une vie publique désormais en proie à un invraisemblable déballage d’accusations et de rumeurs, des chances que possède Madame Lagarde d’accéder à la tête à présent vacante du Fonds monétaire international aux gesticulations par lesquels Nicolas Sarkozy s’efforce de répondre aux angoisses de petits agriculteurs victimes de la sècheresse, presque personne n’a pris la mesure de ce que les Grecs doivent aujourd’hui subir. En butte, de manière récurrente, aux menées spéculatives des marchés financiers, rendu exsangue par les plans d’austérité que leur a infligé la « troïka » formée du FMI, de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne, le pays a dû faire en urgence appel à ses nouveaux tuteurs.

Ces derniers lui auront fait miroiter la promesse d’une nouvelle « aide » de 60 milliards d’euros, s’ajoutant aux 110 milliards accordés l’an passé, en contrepartie d’un nouveau « tour de vis » fondé notamment sur la vente de ses ports d’Athènes et du Pirée, de ses aéroports, de son eau, de son électricité, de ses télécoms et d’une part importante de son patrimoine immobilier, tout ceci devant s’effectuer sous le contrôle ”« d’une agence de la privatisation professionnelle et indépendante »” censée ne plus avoir à se préoccuper ”« des interférences politiques »”. Tout un programme ! Voilà un « sauvetage » qui ressemble furieusement à une mise à mort de l’économie de la Grèce, à l’asphyxie programmée de sa population, à la mise à l’encan de ses biens, à l’anéantissement de la souveraineté de ses élus. Plus, il va porter à leur paroxysme les effets ravageurs de l’action à laquelle a déjà consenti Georges Papandréou, par ailleurs président de l’Internationale socialiste, pour faire drastiquement baisser la dépense publique, augmenter des taxes saignant à blanc les classes populaires, réduire le nombre des fonctionnaires, diminuer salaires et pensions, aggraver la précarisation du travail.

SOUVERAINETÉ… DES PEUPLES OU DES OLIGARQUES ?

On ne sait, de ce nouvel épisode, ce qu’il convient de retenir prioritairement. L’impasse économique et sociale tragique à laquelle le dogme libéral conduit inexorablement tous les États de l’Union européenne ? La fuite en avant pathétique qui caractérise des gouvernements anticipant toujours plus servilement les pressions des agences de notation ? Le pouvoir réel passant un peu partout, insidieusement, aux banques et aux marchés ? Le fossé que les orientations mises en œuvre creusent entre les peuples et les élites censées les représenter ? L’attitude quasi suicidaire des sommets de la social-démocratie, dorénavant emportés par la logique de l’accompagnement du système à laquelle ils se sont abandonnés, voilà bien des années déjà, jusqu’à y laisser ce qu’il leur restait d’identité fondatrice ? Peu ou prou, toutes ses dimensions se retrouvent d’un point à l’autre du continent. Générant une instabilité dont nul ne perçoit maintenant plus l’issue…

Deux grandes tendances marque l’Europe de leur opposition irréductible. D’un côté, on se doit de noter l’importance du réveil des peuples, des mouvements sociaux, de la jeunesse. Ce réveil se manifeste à travers la puissance, rarement égalée depuis le déclenchement de la contre-révolution libérale sur l’ensemble du globe, des mobilisations syndicales refusant l’austérité, les privatisations, la délocalisation des emplois sous prétexte d’abaissement des « coûts » du travail, l’inégalité croissante de la répartition des richesses. Il vient de susciter, à Madrid avant de faire des émules au Portugal et en Grèce, le surgissement du mouvement des « Indignés », révélateur d’une prise conscience généralisée que les partis établis entretiennent un vide politique de moins en moins supportable, tant leurs attitudes se confondent souvent dans la gestion des affaires publiques. Il se concrétise par la sanction électorale sans appel frappant systématiquement les gouvernants en place, du socialiste José Socrates chassé avec pertes et fracas le 5 juin, à José Luis Zapatero, Silvio Berlusconi, Angela Merkel ou Nicolas Sarkozy, littéralement étrillés lors de divers scrutins locaux. Sans oublier le discrédit phénoménal affectant l’équipe de M. Papandréou, dont tous les sondages attestent que ses décisions sont rejetées par les deux tiers du pays, sans que l’opposition conservatrice n’en bénéficie (droite et Pasok ne sont plus, à eux deux, crédités que de 40% des intentions de vote).

Face à cette exaspération grandissante de « ceux d’en bas », la finance s’est dotée d’un instrument dont elle espère qu’elle rendra encore plus efficace son gouvernement invisible. Comme le relève Norbert Gaillard, un consultant de la Banque mondiale, dans un ouvrage consacré aux agences de notation, ”« le modèle général des marchés, c’est le programme que David Cameron applique au Royaume-Uni : à base de coupes budgétaires et de licenciements massifs dans la sphère publique. C’est ce qu’ils attendent de tous les dirigeants en Europe »”. Traduit sans précautions langagières, dans le contexte d’un mode d’accumulation du capital entré dans une crise aussi profonde que durable avec l’éclatement de la bulle financière en 2008, une nouvelle articulation des centres de décision se met insidieusement en place, transférant la réalité des pouvoirs à une oligarchie financière aussi tentaculaire que mondialisée, et ne conservant, des mécanismes délibératifs traditionnels de la démocratie, que l’apparence de la souveraineté.

En vertu de quoi, l’Italie aura vu sa dette publique placée sous surveillance négative entre les deux tours de ses élections locales, l’Espagne aura subi l’augmentation des taux d’intérêt de ses emprunts publics au lendemain de la débâcle de son gouvernement aux dernières régionales, la Belgique se sera trouvée accusée par l’agence Fitch de ne pouvoir assumer sa dette (afin, sans doute, de pallier aux conséquences politiques possibles, dans le futur, de ses soubresauts communautaires), la Grèce aura dû – en dépit de l’obséquiosité de ses dirigeants devant les pressions dont ils font l’objet – recevoir l’ultime coup de pied de l’âne de l’agence Moody’s lui prédisant qu’elle se retrouverait quoi qu’elle fît en défaut de paiement d’ici cinq ans… Et tous les hiérarques politiques d’anticiper la suprématie des marchés sur le suffrage universel. Au Portugal, pour ne prendre que l’exemple le plus récent, le leader de la droite, Pedro Passes Coelho, se sera fait élire chef du gouvernement en récoltant les fruits du rejet de ses adversaires socialistes, mais ce fut en avertissant le pays qu’il irait, pour sa part, jusqu’à mettre fin à la gratuité de la santé et de l’éducation…

C’est d’ailleurs dans le même esprit qu’auront été imaginés les dispositifs du « Pacte euro plus » et du « semestre européen ». Ces derniers font notamment obligation aux gouvernements de l’Union de soumettre leurs lois de finance à l’approbation de la Commission européenne : sauf à encourir les sanctions des technocrates de Bruxelles (jamais élus par qui que ce soit), il ne sera plus possible à aucun Parlement (issus, eux, du vote populaire) de déroger aux règles décrétées intangibles du déficit zéro, de la compression des « coûts du travail » par la baisse des salaires, de la réduction constante du périmètre des services publics etc.

CRISE DE LA DÉMOCRATIE, PANNE D’ALTERNATIVE…

La crise de la démocratie, sur laquelle il est ces derniers temps de bon ton de verser une larme, trouve ici ses racines. Bien sûr, du choc entre la légitimité largement majoritaire des exigences portées par la rue et l’illégitimité d’une férule de fait n’obéissant qu’à la cupidité sans bornes de la nouvelle aristocratie de l’argent, pourrait à terme surgir une explosion salutaire. Les ingrédients s’en accumulent progressivement. Pour l’heure, néanmoins, la confrontation nourrit principalement l’angoisse devant l’avenir et le doute quant aux possibilités de modifier le cours des choses.

L’arme du changement par les urnes n’ayant jusqu’alors débouché que sur des désillusions ravageuses (il n’y a pas si longtemps, treize des quinze États de l’UE étaient dirigés par des formations adhérant au Parti socialiste européen), et les mobilisations citoyennes ou sociales n’ayant pas en elle-même trouvé les ressorts suffisants pour arracher des victoires, la colère populaire se retrouve sans réelle expression politique. Ce qui explique, tout à la fois, les incertitudes que connaissent tous les mouvements de protestation et la passe difficile que traverse la fraction de la gauche qui refuse les dérives du social-libéralisme.

Tant en Espagne qu’en Grèce, les « Indignés » peinent à inscrire leur action dans la durée, leur rejet du système institué les empêche de converger avec les formations de la gauche de combat (Izquierda Unida de l’autre côté des Pyrénées, la coalition Syriza sur les bords du Péloponnèse), sans qu’ils disposent par eux-mêmes de la capacité à incarner une nouvelle offre politique globale. Au Portugal, seul l’abstentionnisme record (41% du corps électoral) aura profité du déferlement de milliers de jeunes dans les rues de Lisbonne, ni le Parti communiste (allié à des écologistes et qui est resté stable), ni le Bloc de gauche (qui aura perdu près de la moitié de ses voix et de ses sièges au Parlement) ne parvenant à apparaître comme des solutions d’espoir. En Italie, si ce sont des personnalités extérieures au Parti démocrate qui ont symbolisé la défaite de Berlusconi aux élections municipales de Milan et Naples, force est simultanément de constater que l’irruption d’innombrables réseaux de contestation citoyenne de l’action du « Cavaliere » n’aura d’aucune manière rebattu les cartes politiques dans la Péninsule (au point que certaines des figures du PD, tel Massimo D’Alema, l’ancien président du Conseil, aillent jusqu’à recommander l’alliance avec les post-fascistes d’Alliance nationale pour former demain une nouvelle majorité parlementaire). Quant à l’Allemagne, Die Linke ne paraît pas en situation de profiter du recul du SPD dans l’opinion progressiste, ce dernier bénéficiant principalement à des Grünen désormais à la tête de l’écolo-libéralisme européen.

L’ENJEU FRANÇAIS

Autant dire que le rendez-vous électoral de 2012 en France recouvre, bien au-delà des frontières de notre Hexagone, un enjeu primordial. Je n’écris pas cela sous le coup d’une soudaine pulsion chauvine. Mais parce qu’il faut bien que l’événement de nature à cristalliser une dynamique de contre-offensive à l’échelle du continent survienne d’une réalité nationale. De ce point de vue, dans cette France s’identifiant par la vigueur du refus que son mouvement social oppose à la toute-puissance des marchés au nom du bien commun, une défaite de Nicolas Sarkozy – figure de proue, avec Angela Merkel, de la régression ultralibérale qui tente de s’imposer à l’Union européenne – pourrait ouvrir la brèche à travers laquelle les peuples seraient en mesure de s’engouffrer, à rebours des revers enregistrés par eux ces dernières années. Encore convient-il que la gauche sache porter un authentique message d’espoir et que son éventuelle victoire, qui est encore très loin d’être acquise, n’apparût pas à l’opinion comme la promesse d’une austérité simplement amortie, la seule différence provenant de l’élimination du personnage catalysant la détestation du pays comme des traits les plus odieux de sa politique.

Voilà bien la question d’avenir posée à la gauche, à toute la gauche, à l’heure où le Parti socialiste (encore orphelin de la candidature de Strauss-Kahn, à l’idée de laquelle un si grand nombre d’électeurs avait fini par souscrire, sous l’impact d’opérations de communication savamment orchestrées pour le présenter comme le seul à pouvoir s’installer à l’Élysée) et Europe écologie-Les Verts, chacun de son côté, s’engagent dans des « primaires » dont ne ressort pas la moindre proposition à même d’initier un élan conquérant. C’est Laurent Bouvet, pourtant à la tête de la très sociale-libérale Fondation Jean-Jaurès, qui formule le bon diagnostic : ”« La coupure entre les partis et même les syndicats, et les forces sociales est devenue abyssale : tous les partis socialistes européens courent après le mouvement des jeunes générations dont ils sont coupés. En 1997, le PS avait su articuler son programme avec le mouvement de novembre-décembre 1995. Plusieurs conventions avaient installé les emplois jeunes et les 35 heures. Il ne se passe rien de comparable aujourd’hui. »” Qui dit mieux ?

Sauf que cela n’a rigoureusement aucune incidence sur l’élaboration des arêtes du programme que le PS vient d’adopter à l’unanimité et qui ferait passer pour un brûlot gauchiste la plate-forme sur laquelle Lionel Jospin ramena pour la dernière fois la gauche aux affaires (quoique un peu abusivement, le futur Premier ministre de la Gauche plurielle la présentait comme le prolongement du soulèvement du service public contre le plan Juppé)… Sauf que c’est sur leur droite que lorgnent présentement un grand nombre de dirigeants socialistes, comme vient opportunément de le rappeler le soutien appuyé de Jacques Chirac à un François Hollande ne cachant pas sa satisfaction (soutien dont nul ne croira un instant qu’il procédait d’un mauvais trait « d’humour corrézien »)… Sauf que la direction de la formation écologiste, tout en ayant réaffirmé lors de son congrès son ancrage à gauche contre les tentations centristes d’un Cohn-Bendit, trouve opportun de faire la courte échelle à un Nicolas Hulot qui n’a pu s’empêcher de rappeler la connivence le liant à Jean-Louis Borloo… ministre sarkozyste de choc jusqu’au moment où il fut sans égards écarté de l’Hôtel Matignon qu’il convoitait avec gourmandise…

Notre monarque élyséen a bien compris que cet extrême décalage entre ses principaux opposants et leur base sociale représentait sa carte maîtresse pour se succéder à lui même dans un an. Il l’utilise dès lors sans fin, pariant sur la démobilisation d’une large partie de l’électorat populaire pour privilégier le rassemblement de son camp sur la ligne la plus à droite qu’il lui fût possible de déployer, et ciblant les sympathisants du lepénisme dans le but d’en regagner un secteur tout en faisant de la présidente du Front national l’adversaire qu’il rêve d’affronter au second tour de l’élection présidentielle.

Toutes les mesures annoncées par son gouvernement ces dernières semaines s’inscrivent dans cette stratégie. De l’allègement de l’impôt sur la fortune au profit des 1 900 ménages les plus fortunés (ceux qui possèdent un patrimoine supérieur à 17 millions d’euros) et au prix de quelque deux milliards d’euros de rentrées en moins pour le budget de l’État, à la tentative de faire passer en force au Parlement la constitutionnalisation de l’équilibre budgétaire en vertu des règles imposées à l’Europe par le « Pacte pour l’euro »… De la mansuétude dont bénéficient ces grands patrons qui augmentent sans vergogne leurs émoluments (l’équivalent, en moyenne, du revenu annuel de 200 smicards pour chacun des PDG du CAC 40), à la guerre que les bouches à feu de l’UMP ont décidé de livrer aux plus pauvres d’entre les pauvres accusés de s’engraisser de « l’assistanat »… Du test qu’auront constitué les propos de quelques députés de la « Droite populaire » en faveur de la remise en cause du principe de la double nationalité, à l’annonce par le ministre de l’Intérieur qu’allait être révisé le code de la nationalité…

LE DÉFI DU VOLONTARISME À GAUCHE

À tout le moins, une posture aussi provocatrice appellerait des mesures audacieuses, signant le retour du volontarisme à gauche. Au hasard, l’engagement à initier une réforme profonde de la fiscalité, impliquant la taxation du capital comme des revenus du patrimoine, en vue d’une utilisation radicalement différente de l’argent. Ou la volonté de tout mettre en œuvre pour empêcher les actionnaires de délocaliser les productions, jusqu’à l’obligation pour eux, s’ils passent outre à l’intérêt général, de devoir rembourser l’intégralité des aides publiques consenties en leur faveur, et même à la réquisition de leurs entreprises. Ou le retour dans le giron public des secteurs de l’économie privatisés depuis une quinzaine d’années, comme des grandes banques et des domaines d’activité correspondant à des besoins vitaux des populations. Ou encore, devant le besoin immédiat de faire face à un moment de grande sécheresse, le blocage des prix du fourrage afin de dissuader la spéculation, ainsi que la récupération par la puissance publique de la quantité des céréales destinées à l’exportation que nécessiterait l’aide à apporter aux éleveurs de bétail en difficulté. Sans parler de l’annonce attendue que la gauche victorieuse refuserait d’entrer dans les mécanismes du « Pacte euro plus » ou du « semestre européen », afin de recouvrer les marges de manœuvre lui permettant de gouverner au service du plus grand nombre. Et du retour à une grande politique de régularisation des travailleurs sans-papiers, d’égalité des droits et d’intégration, dans la mesure où les immigrés présents sur son sol ne sont pas un problème mais une chance pour la France, il faut avoir le courage de le dire et de le répéter. Ce ne sont là que des indications parmi d’autres…

Faute de consentir à l’affrontement avec les intérêts dominants , comment imaginer que les ouvriers de PSA-Aulnay menacés de perdre leur emploi, les personnels de l’Éducation nationale et les parents révulsés par les fermetures de classes, les agents de la santé publique et les populations un peu partout dressés contre le plan « Hôpital » de Mme Bachelot, les petits agriculteurs aussi étranglés par les catastrophes naturelles que par l’agrobusiness, les jeunes promis à la précarité en dépit parfois de longues années d’études mobiliseront leurs énergies et feront appel aux trésors d’inventivité dont ils sont capables pour que la vie de chacun passe enfin avant la soif inextinguible de profits d’un tout petit nombre ?

Ne pas retrouver le chemin des classes populaires, c’est assurément faire le jeu de l’adversaire et le laisser ourdir ses sinistres projets. Un sondage Harris Interactive publié par la dernière livraison de l’hebdomadaire ”Marianne” se révèle symptomatique du danger : lorsque 70% de Français affirment ne pas souhaiter ”« que Nicolas Sarkozy soit réélu président de la République »”, il s’en trouve 51% pour considérer… qu’il” « sera réélu »” ! On ne peut mieux mesurer le faible engouement que suscite présentement la gauche comme la perte de crédit qui frappe l’ensemble de la représentation politique et institutionnelle.

MISSION HISTORIQUE POUR LE FRONT DE GAUCHE

Le Front de gauche est le seul à porter une pareille perspective. En un peu plus de deux ans, il sera parvenu à délivrer le message du rassemblement de toutes les forces qui, à gauche, refusent d’abdiquer devant les catastrophes engendrées par la mondialisation marchande et financière. Il aura su échapper au piège de la marginalité et de l’incantation impuissante pour affirmer sa vocation à œuvrer à une refondation d’ensemble de la gauche et à en gagner la majorité à une orientation de rupture avec le capitalisme et le productivisme. De scrutin en scrutin, il sera devenu la deuxième composante de la gauche et aura pu, confronté à ses nouvelles responsabilités, s’atteler à l’élaboration d’un ”« programme partagé »” à partir duquel il entend s’élargir à des milliers d’acteurs syndicaux ou associatifs et s’enraciner au moyen d’innombrables « assemblées citoyennes » appelées à mailler le territoire.

Il se trouve maintenant en passe de franchir l’un de ses caps les plus difficiles : la désignation de ses représentants dans les scrutins de 2012. Après le Parti de gauche et Gauche unitaire, la conférence nationale du Parti communiste vient, à la large majorité de plus de 60%, de faire le choix de Jean-Luc Mélenchon pour porter les couleurs du Front de gauche à la présidentielle. La décision doit encore faire l’objet d’une ratification des adhérents, du 16 au 18 juin, ceux-ci ayant alors à départager la candidature Mélenchon de celles, issues du PCF, d’André Chassaigne et Emmanuel Dang Tran. On le voit, l’accouchement ne se sera pas accompli sans douleur, ce qui n’a rien de réellement surprenant, le Front de gauche étant une construction originale, donc fragile, aussi respectueuse de la spécificité de chacune de ses composantes que tournée vers la recherche d’une convergence affermie à chaque étape. Aussi n’est-il jamais aisé, dans ces conditions, de trouver le point d’équilibre adéquat.

Si les discussions ne sont pas achevées à propos de la répartition des circonscriptions aux législatives, il est raisonnable d’espérer que les communistes confirmeront l’option des délégués de leur conférence nationale, dans quelques jours, donnant ce faisant son plein essor à notre bataille commune en vue de 2012. L’acte ne sera pas anodin, loin s’en faut. Durement instruits par l’échec subi collectivement en 2006/2007, nous ne pouvons en effet ignorer de quelle lucidité il faut faire preuve, à l’épreuve du scrutin cardinal de notre vie publique, pour ne pas céder à la tentation illusoire du repli sur sa boutique et faire prévaloir l’intérêt général sur tout autre considération. La direction du Parti communiste a su faire la démonstration de cette lucidité, confirmant le dynamisme vigoureux qu’aura su, au fil des mois, catalyser notre Front de gauche.

Je dois, à cet égard, dire que je me suis facilement reconnu dans le propos de l’ami Pierre Laurent devant la conférence nationale de son parti : ”« C’est en marchant et en avançant que nous allons régler les problèmes. On ne fait pas de la politique avec un GPS qui vous garantit le chemin. On construit dans le débat et la confrontation avec les acteurs de la dynamique engagée. Tous ceux qui ont conduit une grève ou un mouvement social savent bien cela. C’est pareil en politique. C’est la démocratie. Vous savez, avec le Front de gauche, nous tenons quelque chose de très prometteur. Ça fait six ans que ça dure. L’acte de naissance, c’est 2005 et le référendum. Et puis, il y a eu, après l’accident de 2007, notre congrès de 2008 où nous avons tiré des leçons et sommes repartis du bon pied… »”

Le « bon pied », au soir du 18 juin, si les adhérents du PCF ont confirmé l’indication de leurs délégués, consistera à passer aux travaux pratiques d’une campagne aux enjeux primordiaux. À nous extraire des cercles étroits de nos réalités militantes respectives pour nous tourner vers le pays, avec l’ambition de convaincre largement de la pertinence des propositions que nous entendons porter dans le débat hexagonal. À nous adresser au reste de la gauche, du Parti socialiste et des écologistes au NPA, pour enclencher une vaste confrontation à partir de l’offre dont nous entendons être les porteurs, comme de la méthode et du contenu du rassemblement populaire susceptible de faire partir une droite honnie. À devenir, en résumé, la réalité politique nouvelle qui pourra, par la qualité de son apport et ses énergies galvanisées, concourir à une dynamique de victoire et de changement. Rien n’est joué, mais une chose est dès à présent certaine : la bataille sera rude !

Christian_Picquet

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