Deux ou trois choses que l’on sait maintenant d’elle (la campagne)
Je reprends le fil de mes notes sur la campagne. Pour me livrer à un point d’étape. Car, cette fois, l’accélération attendue s’est produite, signe que l’on se rapproche à grands pas de l’affrontement décisif. Cela ne fait pas de doute – qui eût pu, d’ailleurs, en avoir ? – du côté du président-candidat qui, avant même sa déclaration officielle, le 15 février sur TF1, avait tenu à dévoiler ce que serait le positionnement censé le conduire à sa réélection. C’est, tout autant, palpable dans le camp du prétendant socialiste, dopé par son meeting du Bourget, qui s’emploie à installer dans les esprits l’idée qu’il serait pratiquement certain de s’installer en mai à l’Élysée. Et ce n’est pas moins vrai pour ce qui concerne notre propre irruption sur le théâtre électoral, de plus en plus perceptible… y compris de la part de médias jusqu’alors plutôt enclins à nous ignorer.
Nos batailles, présidentielle et législatives mêlées, ne cessent en effet d’enregistrer des succès. D’abord, en terme d’affluence à nos rendez-vous. Personnellement, j’en fais régulièrement l’expérience. Pour ne balayer que quelques exemples, à Toulouse, le 31 janvier, dans ce lieu si symbolique qu’est la Halle aux grains (ancien lieu mémorable de combats de boxe et de catch – c’est mon camarade Pierre Rouquié, vaillant constructeur de notre Gauche unitaire à Colomiers, qui m’a fait récemment partager ses souvenirs en la matière – avant de se voir reconvertie en salle courue de spectacles), les 1500 participants attendus se retrouvèrent finalement 2000. À Tarbes, trois jours plus tard, la neige et le froid polaire bloquant une bonne partie du département des Hautes-Pyrénées n’empêchèrent pas 300 personnes de faire le déplacement (l’amie Marie-Pierre Vieu m’avait gentiment prévenu, le matin même, que je risquais de parler devant une cinquantaine à peine de courageux…). À Montpellier, le 8 février, ils étaient quasiment 10 000 (la veille, à Villeurbanne, on en avait recensé autant) à faire déborder le Parc des expositions, pour nous entendre, avec Jean-Luc Mélenchon et Martine Gayraud, une dirigeante communiste locale. À Bagneux, en cette mi-février, il fallut en catastrophe ajouter des chaises pour accueillir les centaines de participants venus participer à la table ronde à laquelle j’étais invité en compagnie de Pierre Laurent et Danielle Simonet (conseillère de Paris pour le Parti de gauche). Je vous en fais l’aveu, à voir depuis les tribunes la chaleur, la combativité et, surtout, l’attention de ces salles si différentes les unes des autres, à constater qu’elles attirent de plus en plus de jeunes, on mesure que quelque chose est en train de bouger au cœur de la gauche et du pays.
D’autant qu’au succès de mobilisation, j’ajouterai l’intérêt que nous ressentons du côté du mouvement social. Le fait marquant en aura été, pour moi, le meeting national de la CGT, le 31 janvier, consacré aux retraites. Bernard Thibault et la direction confédérale y avaient convié l’ensemble des forces ayant manifesté leur solidarité avec le mémorable mouvement de 2010. C’est à ce titre que Jean-Luc, Marie-George Buffet, Pierre Laurent ou moi-même, y avons été accueillis avec une cordialité toute particulière. Bien sûr, il n’entrait pas dans l’intention de nos hôtes de manifester une préférence électorale, à ceci près qu’ils ne dissimulèrent pas ce que leur inspire l’action du monarque en place, lequel fit l’objet d’impressionnantes broncas à chaque fois que son nom était prononcé. Il n’empêche ! À entendre les propos du secrétaire général de la première confédération française, à partager la résolution communicative des 6000 militants présents, à constater la pugnacité avec laquelle la CGT prépare la journée européenne du 29 février – initiée au niveau de la Confédération européenne des syndicats -, le doute n’était pas permis : le Front de gauche, par sa démarche autant que par ses propositions, se trouve en phase avec les attentes et aspirations d’une large partie des forces organisées du monde du travail. Ce que confirment, jour après jour, nos visites d’entreprises en lutte ou les rencontres organisées avec des délégations de syndicalistes.
Quelque part, s’avère corroboré ce que dessinent en creux les sondages. Je sais bien qu’il nous faut, sur ce plan, demeurer fort prudent, que les deux mois nous séparant du premier tour de la présidentielle peuvent encore bouleverser le panorama, que notre résultat ne sera acquis qu’à l’instant où se fermera le dernier bureau de vote, le 22 avril. La lucidité s’imposant à chacun d’entre nous ne saurait cependant occulter le principal acquis de ce que nous avons entrepris depuis des mois, en ne comptant que sur nos forces : quelles que soient désormais les fluctuations des intentions de vote, nous sommes parvenus à déjouer les manœuvres tendant à nous marginaliser ou à nous stigmatiser, notre discours fait référence sur bien des points qu’il met en exergue, l’intérêt dont nous sommes l’objet (bien au-delà, d’ailleurs, de celles et ceux qui s’apprêtent à se prononcer en notre faveur) est à la mesure du discrédit irréversible qui frappe dorénavant la pensée libérale dominante. Et nous nous en retrouvons d’autant mieux placés pour faire face aux principaux enjeux d’une confrontation déterminante à tous égards.
LE KRACH LIBÉRAL PREND LE VISAGE DE LA GRÈCE MARTYRISÉE
Assoupie depuis décembre, la crise capitaliste s’est brutalement réinvitée dans nos débats hexagonaux. Par la Grèce ! En conformité avec les politiques d’austérité imposées à l’ensemble de notre continent, de ”« pacte de compétitivité »” en ”« pacte pour l’euro plus »”, ce malheureux pays a dû accepter des sacrifices ahurissants. En deux ans, pour recevoir les prétendues aides lui permettant de rembourser des créances consenties à des taux usuraires, en butte à la mise sous tutelle de la « Troïka » (Fonds monétaire international, Banque centrale européenne et Commission européenne) le « coût du travail » a diminué de 14,3%, salaires et pensions ont été brutalement rabotées au même titre que les minima sociaux, les hausses de TVA se sont conjuguées à la suppression de 15 000 postes dans la fonction publique, le taux de chômage s’est vu porter à presque 21% de la population active… Sans le moindre effet sur une dette passée de 120% à 160% du PIB depuis 2009, sur une productivité qui se prépare à subir une baisse de 5% cette année après avoir déjà chuté de 6% en 2011, ou sur une compétitivité grevée par une consommation intérieure en chute libre.
Bref, c’est d’un pays anéanti que les thuriféraires du « modèle allemand » viennent d’exiger qu’il consente à la réduction de 22% du salaire minimum (qui ne sera plus que de 586 euros brut et même… de 511 euros pour les moins de 25 ans) et des allocations chômage, le report ”sine die” de toute augmentation des rémunérations, la mise en pièces des conventions collectives. Au prix d’une plongée dans le plus tragique des chaos, dans le discrédit abyssal des institutions et partis traditionnels, dans une humiliation nationale sans précédent depuis la guerre civile. Une situation contre laquelle le peuple d’Athènes et de Salonique s’est soulevé en masse le dimanche 12, avant de se mobiliser de nouveau ce 19 février. Cela n’a pourtant pas empêché les dirigeants de l’Union européenne d’exiger toujours davantage, prétention devant laquelle Parti socialiste, droite et extrême droite s’inclinèrent, décidant d’une nouvelle salve de coupes budgétaires (de 325 millions, cette fois) et s’engageant par écrit à la discipline exigée par le ministre allemand des Finances… quel que soit le résultat des législatives d’avril.
Le cauchemar éveillé que vivent nos frères et nos sœurs hellènes donne l’exacte mesure de la violence avec laquelle les classes possédantes entendent sortir à leur avantage de la tourmente qui balaie leur système. S’enfonçant, de ce fait et chaque jour davantage, dans l’impasse d’une récession qui étranglera l’activité, ne fera qu’accroître le poids des dettes souveraines sur les États, ne tardera pas à étendre l’incendie à d’autres contrées – nul n’ignore que l’Italie, l’Espagne, le Portugal, l’Irlande, voire la France, sont d’ores et déjà dans le collimateur des spéculateurs et des agences de notation -, et risque d’amener la zone euro à sa pure et simple dislocation.
C’est dire avec quelle urgence il s’impose de changer de cap… En annulant tout ou partie de ces dettes illégitimes, dont les populations ne sont d’aucune manière responsables, puisqu’elles ont pris cette ampleur à mesure que les gouvernements s’appliquaient à anticiper les exigences de la finance et à appliquer une ”« politique de l’offre »” consistant à alléger sans fin les obligations fiscales du capital et des rentiers… En agissant en faveur de la refonte radicale de la mécanique européenne, à commencer par la révision des statuts de la BCE afin de lui donner les moyens de briser les reins de la spéculation sur les taux d’intérêt en prêtant directement aux États aux conditions les plus avantageuses… En tournant le dos à cette austérité brutale qui, loin de remédier à l’endettement des puissances publiques, aggrave tous les problèmes au sein des nations européennes… En refusant, par conséquent, le nouveau dogme de l’interdiction des « déficits publics » auquel le directoire franco-allemand entend plier tout le continent, au moyen de ”« mécanismes de surveillance »” et d’un arsenal de sanctions privant les représentants élus des peuples de la plus infime parcelle de souveraineté… En mettant, plus précisément, tout en œuvre pour faire échouer le nouveau traité que l’on nous annonce pour le mois prochain et qui obligera chaque gouvernement à rechercher la « compétitivité » par la diminution du « coût du travail » et le rationnement de ses dépenses, autrement dit qui le placera dans l’impossibilité de nourrir la moindre ambition sociale…
TERMINATOR EST DESCENDU DANS L’ARÈNE
C’est dans ce contexte que le tenant du titre a donc décidé d’accélérer sa descente dans l’arène. Le barnum élyséen s’est installé, saturant le champ médiatique jusqu’au meeting à grand spectacle prévu à Marseille ce dimanche, et avant la sortie d’un livre auquel travaillent d’arrache-pied les conseillers de l’ombre. Entre son show télévisé du dimanche 29 janvier et sa longue interview au ”Figaro Magazine”, sans parler des saillies insanes de Monsieur Guéant sur la hiérarchie des civilisations, on sait qu’il s’agit pour lui d’aller « à droite toute ». Les éléments de langage distillés par le Château ont conduit bien des commentateurs à évoquer ”« une campagne de valeurs »”. Des ”« valeurs »” ? Vraiment ? Sauf à pervertir les plus beaux mots, ils eussent plutôt dû parler d’un projet de société où les droits des citoyens devront être sacrifiés à l’appétit des puissants, où la discrimination s’imposera définitivement à l’exigence républicaine d’égalité, où les principes mis en avant – ”« Travail, responsabilité, autorité »” – font davantage penser à la maxime de Vichy qu’au triptyque inventé par la Grande Révolution et gravé aux frontons de nos palais officiels.
Résumons. Notre monarque joue son va-tout en promettant de terminer le travail de destruction sociale engagé depuis cinq ans : diminution des cotisations du patronat en en faisant acquitter le coût à toute la population, via la TVA indûment baptisée sociale (13 milliards de transfert, un détail !) ; liquidation de la Sécurité sociale telle qu’elle avait été imaginée en 1945, avec un financement conçu comme le reversement à la collectivité, sous la forme des fameuses cotisations exigées des employeurs, d’un « salaire différé » revenant légitimement à la protection des travailleurs ; démantèlement du code du travail, en supprimant la durée légale de l’activité salariée, en accroissant la flexibilité et en privant les travailleurs de la garantie que leur accordait jusqu’alors la loi, afin de mieux les assujettir à une logique de négociations à l’échelon des entreprises… là où le rapport de force leur est souvent le plus défavorable ; accentuation de la déréglementation du marché de l’immobilier, en octroyant un énième cadeau aux promoteurs au prix de dégâts supplémentaires causés à l’environnement et d’un regain de la spéculation dans ce domaine…
À elle seule, cette feuille de route représenterait déjà un basculement sans précédent, anéantissant cette part de l’héritage du programme du Conseil national de la Résistance qui n’avait pas encore cédé aux assauts de la réaction. Ce n’est pas par hasard si les séides du président sortant parlent dorénavant d’un ”« changement de modèle social »”… Nicolas Sarkozy aura tenu à compléter cette première salve grâce à l’entretien accordé à cette ”Pravda” de la droite de droite, qu’est le ”Fig Mag”. Pour stigmatiser un secteur entier de la population la plus fragilisée, ces chômeurs manifestement censés posséder à ses yeux trop de droits et qu’un recours au référendum devrait permettre de remettre au pas en les contraignant (comme en Allemagne…), à accepter le premier emploi se présentant à eux, quelles qu’en soient la nature et le niveau de rémunération… Pour ostraciser une autre composante de la grande armée des premières victimes de l’ordre dominant, en l’occurrence ces sans-papiers qui devraient à présent être privés de tout recours judiciaire une fois leur expulsion prononcée par un simple tribunal administratif… Ou encore, pour repousser l’élargissement des libertés publiques, qu’il s’agisse du mariage ouvert aux couples de même sexe ou de la possibilité de mourir dans la dignité.
Cette seconde étape d’une contre-révolution conservatrice qui n’avait pu aller au bout de ses intentions proclamées à son arrivée à la tête de l’État, le héraut de l’UMP entreprend de l’habiller de la posture bonapartiste la plus démagogique qui se pût imaginer. Comme il y a cinq ans ! Il va se poser en défenseur du travail pour faire oublier que jamais pouvoir politique ne fut davantage au service des privilégiés… et pour mieux justifier que l’on disloque les plus vieux acquis arrachés par les travailleurs. Il va s’ériger en défenseur du peuple pour effacer la trace d’une gestion clanique des affaires publiques… et pour réduire les droits de ses organisations syndicales (réduits au rôle de ”« corps intermédiaires »” accusés de ne défendre que leurs intérêts particuliers), ce qu’exprime l’annonce d’un recours systématisé à des référendums dont il sera le seul à pouvoir décider (vieille technique plébiscitaire des régimes autocratiques ou autoritaires prétendant nouer un dialogue direct avec la population). Il va promettre une France forte et protectrice pour évacuer les souffrances infligées à ses habitants et… symboliquement signifié par la reprise du slogan de Giscard d’Estaing en 1981, pour gommer jusqu’à la trace de la première victoire de la gauche sous la V° République.
Cette mise en ordre de marche, qui manifeste la volonté d’entraîner notre pays dans les affres du fameux « modèle allemand » (dont on ne rappellera jamais assez qu’il aura fondé sa compétitivité commerciale sur la plongée de douze millions de personnes au niveau du seuil de pauvreté), relève évidemment d’une visée électorale immédiate. Il s’agit de rassembler le noyau dur du camp conservateur… De reprendre au Front national cette fraction de l’électorat d’extrême droite gagnée en 2007 puis reperdue ensuite… De diviser les classes populaires en en dressant une partie contre les présumés responsables (tout aussi victimes qu’elles, pourtant) de leurs souffrances et de leurs difficultés… De redresser l’image présidentielle, discréditée par des accointances répétées tout au long du quinquennat avec le monde de l’argent facile, au moyen d’une geste paternaliste… De prendre ses rivaux, à commencer par le candidat socialiste, au piège de la cohérence, afin de recouvrer la maîtrise des terrains et des thèmes de la confrontation politique et idéologique…
FACE À UNE DROITE DE DROITE, VITE UNE GAUCHE À GAUCHE !
Rien n’indique que l’opération marchera, quoiqu’elle se préparât à mobiliser tous les moyens de l’État et tous les réseaux d’influence tissés, dans les médias notamment. Le rejet de la bande aux affaires atteint, il est vrai, un niveau paroxystique. Le sentiment d’abandon (d’aucuns diraient de « trahison »…) de l’électorat populaire ayant opté pour le candidat Sarkozy en 2007 se révèle massif. Les relents extrême-droitiers de l’entrée en campagne du parti gouvernemental résonnent comme une tentative désespérée. La démarche pourrait, dès lors, revenir en boomerang dans les dents de son concepteur. Le désir de sanctionner le ”« président des riches »” pourrait même s’en trouver encouragé, la gauche se sentir plus mobilisée face au danger d’une droite que l’on n’avait jamais connu aussi brutale depuis la Libération, une faction de cette même droite se montrer rétive au ralliement à cette lepénisation insidieuse, les thématiques du président et de ses séides avoir pour principal effet de faire encore grandir le courant auquel s’alimente Madame Le Pen (en vertu du vieil adage, régulièrement rappelé par son père, selon lequel ”« l’électeur préfère toujours l’original à la copie »”).
Attention, cependant, aux certitudes prématurées de victoire… Si la gauche veut efficacement profiter des failles béantes du sarkozysme, elle se doit en premier lieu d’être elle-même, audacieuse dans ses propositions, cohérente dans son souci de regrouper les siens, déterminée à se faire l’écho des aspirations de ses mandants naturels, le monde du travail et la jeunesse. Les atermoiements, les tentations conciliatrices, les tropismes vers un centre de plus en plus évanescent, la propension à se contenter de demi-mesures ne peuvent, à l’inverse, que faciliter les entreprises de l’adversaire, l’indécision d’une partie de notre camp étant de nature à laisser le champ libre à son offensive.
S’IDENTIFIER À DE NOUVELLES AVANCÉES SOCIALES ET DÉMOCRATIQUES
À un peu plus de deux mois du premier tour, l’enjeu se résume simplement : pour avoir la certitude de gagner, pour l’emporter sur le fond et dans la durée, la gauche doit de nouveau s’identifier à la promesse de belles avancées sociales et démocratiques.
Osera-t-elle, par conséquent, en cas de victoire, reprendre le pouvoir à la finance, ne plus accepter l’indépendance de la Banque centrale européenne, remettre la Banque de France sous contrôle de la collectivité, nationaliser les principaux établissements bancaires afin de les regrouper dans un puissant pôle public, retrouver ce faisant la maîtrise du crédit afin de pouvoir engager la réindustrialisation du pays, redéployer les services publics, initier la transition écologique de l’économie ?
Voudra-t-elle, pour faire régresser le chômage et promouvoir une véritable politique pour l’emploi, interdire les licenciements boursiers, réquisitionner les entreprises qui chercheraient à se délocaliser, supprimer la défiscalisation des heures supplémentaires, instaurer de nouveaux droits permettant aux travailleurs de s’opposer à la rapacité des employeurs ?
Assumera-t-elle, pour arrêter la spirale dramatique d’une paupérisation et d’une précarisation grandissantes, tout en sortant l’économie de la récession qui la menace, impulser l’augmentation des salaires et des pensions, en jouant sur ce levier que représente en France le Smic ? Prendra-t-elle en compte que l’on ne peut vivre, dans la France d’aujourd’hui, avec moins de 1700 euros par mois ?
Saura-t-elle, parce que l’espérance de vie dépend depuis toujours de la diminution de la durée du travail, répondre positivement à l’exigence de ces millions d’hommes et de femmes, soutenus par une majorité de l’opinion, qui manifestèrent en 2010, et rétablir la retraite à 60 ans, pour tous et à taux plein ?
Aura-t-elle le courage, pour mener à bien le changement qu’attend d’évidence le pays, d’aller chercher l’argent où il est, du côté des fabuleux profits accumulés des années durant, des faramineux dividendes distribués aux actionnaires du CAC 40 (34 milliards d’euros cette année), des somptueux cadeaux consentis aux contribuables les plus riches, des dix points de valeur ajoutée (un peu moins de 200 milliards d’euros chaque année) que le capital a dérobé sur 20 ans au travail ?
S’opposera-t-elle au texte dont Monsieur Sarkozy achève actuellement la rédaction en compagnie de Madame Merkel, en indiquant clairement qu’il n’y aura jamais de « règle d’or » appliquée en France ? L’Europe devant être, dans les meilleurs délais, refondée pour fonctionner enfin au service des peuples, consentira-t-elle à construire à cette fin un rapport de force, ce que permettrait l’annonce immédiate que, Monsieur Sarkozy ayant été dégagé, elle consultera sur le nouveau traité et leur proposera de lui donner mandat pour en négocier un autre ?
Voudra-t-elle rétablir la souveraineté du peuple, en appeler à la révolution démocratique nécessaire pour en finir avec la toute-puissance de l’aristocratie de l’argent, lancer le grand chantier d’une VI° République, en prenant la mesure que le système bonapartiste en place depuis 50 ans (on célèbre, cette année, l’instauration d’une monarchie présidentielle justifiant ses dérives par sa désignation au suffrage universel) devient d’autant plus sénile et redoutable qu’une partie des forces progressistes a cessé de s’y opposer ?
Autant de questions cruciales qui se trouvent sur la table. Le Front de gauche a contribué à les y placer, raison pour laquelle il a conquis la place que j’évoquais en commençant. La configuration nouvelle du choc politique à venir donne encore plus de poids à sa démarche visant à une réorganisation globale de la gauche. J’y reviendrai dans ma prochaine note, en traitant de la campagne actuelle du Parti socialiste et de son candidat, à partir des leçons que j’ai tiré d’un récent débat avec Arnaud Montebourg.