Rien ne sera plus jamais comme avant
Quelle semaine, mes amis ! Elle aura débuté, comme chaque lundi, avec la réunion de la Coordination de campagne, que j’ai le plaisir et l’honneur de présider. Les journalistes semblent à présent s’intéresser à cette instance qui permet à chacune des composantes du Front de gauche d’enrichir, sur le temps court, les autres de ses apports, de ses analyses et de ses réflexions, contribuant ainsi à l’orientation générale de la formidable aventure dans laquelle nous nous trouvons engagés. Ce qui me frappe, depuis que nous avons mis en place ce rouage décisif de notre rassemblement, c’est l’ambiance qui y règne : grave, autant que fraternelle et constructive. Si des différences surgissent, et il est bien normal qu’il y en eût, elles finissent tout naturellement par trouver leurs solutions… dans une synthèse qui, loin de noyer le poisson, nous fait avancer ensemble.
Et puis il y eut les deux grands rendez-vous de Vierzon et Toulouse. Dans une vie militante, ils sont de ceux qui marquent à jamais. À Vierzon, ville communiste dirigée par Nicolas Sansu, un ami, l’enthousiasme collectif nous transportait tant, Marie-George Buffet, Jean-Luc Mélenchon et moi-même, que nous aurons achevé nos interventions en nage. Sept mille personnes, débordant du Parc des expositions, la plupart d’entre elles « subissant » nos discours debout … Il fallait, paraît-il, remonter 30 ans en arrière pour retrouver un pareil événement sur cette terre de lutte liée à toute l’histoire du mouvement ouvrier de notre pays.
Puis vint le grand moment : Toulouse. Réplique de la Bastille, le 18 mars. Qu’en dire, sinon que ce fut prodigieux ? Initialement, nous nous attendions à 20 ou 30 000 participants sur la place du Capitole. Cela nous eût déjà mis à l’étiage des concentrations tumultueuses qui suivent le retour dans la ville du Bouclier de Brennus. Après le déferlement populaire de Paris, nous savions qu’il viendrait bien plus de monde, et nous avions prévu d’ouvrir à la foule une seconde esplanade, toute proche, la place Wilson. Ce ne fut pas suffisant. La foule débordait de toutes les rues adjacentes. Foule joyeuse et combative, qui n’en faisait pas moins preuve d’une attention rare pour un meeting en plein air. Tout à fait à l’image de notre campagne ! Nos réunions ne sont pas le sacre d’un chef, mais de grands moments de politique, d’échange, d’éducation populaire.
À 19 heures, au plus fort du rassemblement, nous aurons donc dénombré… 70 000 présents. De mémoire de Toulousains, même le général de Gaulle, en 1959, n’avait pas entraîné une telle marée humaine. En quelques heures, la « Ville rose » sera devenue écarlate. De nos couleurs et de l’espoir que nous faisons renaître. Inutile de vous dire ce que cela provoque en soi de s’adresser à ce peuple auquel la gauche a, de nouveau, donné rendez-vous. En outre, à voir, à minuit passé, des centaines de jeunes déambuler encore dans les rues, drapeau de telle ou telle de nos composantes sur l’épaule, fredonnant sur l’air des lampions « On a vu Mélenchon ! », je me disais que l’événement n’était pas près de s’effacer des consciences.
Mon périple n’était pas encore achevé. Ce 6 avril, je me serai rendu à Bourg Saint-Andréol, à l’invitation du secrétaire de la section communiste de la ville. Il se trouve que mon vieux complice, Henri Saint Jean mène sur l’Ardèche une campagne ardente pour les législatives, en tant que l’un des candidats suppléants. C’était une joie de le retrouver, avec son épouse, Horiya, une amie et une militante hors pair que j’ai toujours, elle aussi, l’immense plaisir de retrouver. Ce fut également l’occasion de partager une tribune avec un autre vieux complice, Francis Wurtz, avec lequel je n’avais pas encore tenu de meeting pour cette campagne présidentielle. Une belle réunion, vraiment. D’autant plus marquante que la salle était pleine, bien que l’on abordât le long week-end de Pâques. Quelle dynamique, vraiment, que celle qui porte notre campagne. S’il m’en avait fallu une preuve supplémentaire, je l’aurais eu, ce samedi matin – nous étions, rappelons-le, au début de ce long week-end -, en allant prendre mon TGV à Montélimar. Nous serons, là encore, tombés sur des militants s’en allant « tracter », qui pour un porte-à-porte, qui sur un marché… Sur le terrain, les nôtres ne comptent plus leur temps, ils se savent devenus les acteurs d’un bouleversement de la carte politique hexagonale, qui va nous mener loin.
Lorsque l’on a vécu tous ces moments intenses, magiques devrais-je même dire, on comprend vite pourquoi nous sommes devenus la surprise d’une campagne que l’on disait déjà jouée. Et l’on n’a guère de mal à saisir les raisons profondes pour lesquelles, en cascade, des sondages placent notre candidat en troisième position… reléguant Madame Le Pen derrière. Qui eût imaginé cela, il y a moins d’un an, après que les formations du Front de gauche aient, l’une après l’autre, décidé d’investir Jean-Luc pour les représenter lors du scrutin cardinal de la V° République ?
Du coup, et si vous n’avez pas eu l’occasion de les lire, je vous livre ici les cinq chroniques que je viens, cette semaine, de livrer à ”l’Humanité”, dont l’étais « l’invité ». Elles résument et prolongent le sentiment qui m’habite à cet instant, et les réflexions auxquelles cela me conduit.
2 AVRIL. « LA GAUCHE RETROUVE LES BELLES COULEURS DE L’ESPOIR ET DE LA RÉSISTANCE : LA RECONSTRUCTION A COMMENCÉ »
Cette semaine verra, avec notamment le grand meeting de la place du Capitole de Toulouse, la confirmation que nous sommes en passe de réussir notre pari. En 2009, lorsque nous aurons initié le Front de gauche, avec Marie-George Buffet et Jean-Luc Mélenchon, notre ambition affichée était de changer la gauche pour changer la France. La campagne présidentielle, celle que je vois se mener sur le terrain autour de nos candidates et candidats aux législatives, me confortent dans la certitude que nous avançons à toute vitesse dans cette voie.
L’essentiel ne réside d’ailleurs pas dans les sondages. Nous mettons sur la table le programme de salut public qu’appellent la gravité de la crise capitaliste et l’ampleur des destructions sociales infligées au plus grand nombre. Nous réconcilions un large pan du peuple avec la gauche, qu’il croyait avoir irréversiblement perdue. Nous encourageons, ce faisant, les citoyens à reprendre confiance en la politique et à se la réapproprier. Nous reprenons, pan après pan, à l’extrême droite le terrain qu’elle avait conquis à la faveur des renoncements de tout un secteur de la gauche. Nous créons, pour cette raison, l’élan qui peut permettre à la gauche tout entière de libérer le pays de l’hypothèque du sarkozysme.
N’ayons pas peur des mots : au lendemain de cette belle bataille, rien ne sera plus jamais comme avant. La reconstruction d’une gauche à la hauteur des défis historiques de ce début de siècle n’est certes pas achevée. Mais les pas d’ores et déjà franchis créent les conditions du rassemblement de toutes les forces qui voudront, demain, ouvrir le chemin à de grandes et belles avancées sociales et démocratiques pour notre peuple. Qu’elles aient rejoint le Front de gauche tout au long de ces dernières années, qu’elles soient en passe de le faire au vu de la dynamique que nous avons créée, ou qu’elles aient jusqu’alors douté de la possibilité de redonner à la gauche les belles couleurs de la résistance et de l’espoir…
3 AVRIL. « NOUS SOMMES L’AILE MARCHANTE DE LA GAUCHE »
C’est la dernière ritournelle de la campagne… Après avoir tenté de nous convaincre que la présidentielle se jouerait entre les deux favoris, que nous étions immanquablement condamnés à faire de la figuration, voilà que des commentateurs manifestement sous influence nous ressassent que la poussée de Jean-Luc Mélenchon pourrait priver notre camp de la victoire à laquelle il aspire dans quelques semaines. Trêve de plaisanteries !
Qui, hormis le Front de gauche, s’affirme depuis le début comme l’adversaire le plus résolu de la droite ? Qui appelle non seulement à battre à plate couture Nicolas Sarkozy, mais à solder l’ensemble de son héritage calamiteux ? Qui mobilise le mieux l’électorat populaire, en appelant à remettre en cause la toute-puissance acquise par la finance sous le dernier quinquennat, à redistribuer radicalement les richesses, à battre en brèche la dictature des spéculateurs et des banquiers sur l’Europe, à donner droit aux revendications du mouvement syndical, à augmenter à cette fin les salaires en se servant de ce levier que représente le Smic ou à rétablir la retraite à 60 ans pour tous ? Qui n’a pas hésité, au nom des urgences sociales et démocratiques qui sont les priorités de nos concitoyens, à affronter sans concession les campagnes de haine de l’autre et de stigmatisation de l’islam, sans parler des tentatives de faire bifurquer le débat public vers les eaux marécageuses d’une politique sécuritaire ?
La vérité est que le Front de gauche, parce qu’il mène bataille sur le fond, droite contre gauche, loin des œillades appuyées au centrisme de M. Bayrou, est en train de réunir les conditions du rassemblement indispensable de la gauche… mais sur une véritable politique de gauche. Grâce à la campagne dynamique qu’il conduit, c’est l’ensemble de la gauche qui progresse dans les intentions de vote, atteignant un total qu’elle n’avait pas connu depuis longtemps. Il est, en ce sens, l’aile marchante de la gauche… Son meilleur atout, finalement, pour infliger à Sarkozy et à l’UMP la raclée qu’ils méritent.
4 AVRIL. « CAMARADES SOCIALISTES, NE TOMBONS PAS DANS LA DIVISION ! »
D’où vient donc cette fébrilité exprimée par des responsables socialistes, qui tenaient hier un discours pas si éloigné des propositions d’aujourd’hui du Front de gauche ? À l’image d’Arnaud Montebourg qui n’avait pas de mots assez durs pour fustiger la propension de certains de ses camarades à « accompagner » le néolibéralisme, et qui en vient à présent à nous faire, à son tour, le coup du « vote utile »…
L’argument du « vote utile » est de ceux qui ont partout mené aux pires désastres. C’est parce qu’il n’existait pas, dans les gauches concernées, de forces suffisamment influentes et enracinées, que les gouvernements Papandréou, Zapatéro ou Socrates ont fini par étouffer les attentes de leurs peuples sous la chape de plomb d’une austérité ravageuse.
Quelle utilité y aurait-il à voir par une seule composante imposer son hégémonie sur la gauche sans pour autant parvenir à initier, par ses propres moyens et du fait des limites de sa politique, l’élan populaire indispensable à la victoire espérée ? Quelle utilité y aurait-il à condamner demain notre camp à ne se retrouver que sur un programme a minima ? Quelle utilité y aurait-il à ce que la défaite du président-candidat et de l’UMP n’ouvre pas la voie à la mobilisation et à la construction d’un rapport de force, seules à même pourtant de changer la vie du plus grand nombre ?
Nous n’avons d’autres adversaires que M. Sarkozy et Mme Le Pen. Nous n’entendons pas, en revanche, renoncer à porter le débat sur les solutions propres à amener d’autres possibles pour ce pays. Depuis des mois, le Front de gauche a en ce sens formulé une « offre publique de débat » en direction de l’ensemble des forces de gauche, que François Hollande a ignorée, afin que le peuple de gauche et les citoyens puissent s’emparer de la discussion et juger des propositions de chacun. Vecteur d’unité et de rassemblement, il se veut donc, en quelque sorte, une assurance sur l’avenir de la gauche. Camarades socialistes, ne tombons vraiment pas dans la division !
5 AVRIL. « TOULOUSE, OU L’APPEL À L’ENTRÉE EN SCÈNE DU PEUPLE »
Ce soir, je le sais par ce qui me remonte des équipes militantes qui organisent la mobilisation sans compter leurs heures, Jean-Luc, Nicole Borvo et moi-même aurons devant nous une place du Capitole… noire et rouge. Aux couleurs de la passion toulousaine pour le rugby, en quelque sorte. Noire de monde (assurément, des dizaines de milliers de personnes seront présentes) et rouge des couleurs de notre campagne.
Symbolique, d’un triple point de vue, ce rassemblement de Toulouse. Après la reprise de la Bastille, le 18 mars, il sera un nouveau moment de concrétisation de notre maxime : place au peuple ! Il nous verra remettre au premier plan l’objectif donnant sa pleine cohérence à tout notre programme : la refondation de la République, par la convocation d’une Assemblée constituante. Par sa puissance enfin, dans l’une de ces « capitales du mouvement social » aux avant-postes des plus grandes luttes des quinze dernières années, il symbolisera ce qui est finalement notre marque de fabrique : l’appel à l’implication populaire pour faire basculer le destin, forcer la porte du changement.
Eh oui ! Contrairement à d’autres, nous n’appelons pas au vote de la modération au nom de l’austérité, supposée incontournable, que les marchés cherchent à imposer à l’Europe, au prix de dévastations sans précédent. Nous disons, au contraire, que tout peut devenir possible si le plus grand nombre s’en mêle. Si, dit autrement, la victoire de la gauche, dans quelques semaines, ouvre la brèche de la contre-offensive sociale grâce à laquelle le monde du travail fera entendre ses exigences. À l’image de Juin 36, où il fallut la première grève générale de notre histoire pour arracher ces conquêtes ayant, jusqu’à nos jours, transformé les conditions d’existence de chacun, à commencer par les congés payés.
Plus le vote en faveur de Jean-Luc Mélenchon sera haut le 22 avril, plus le Front de gauche aura de députés en juin, plus en seront réunies les conditions. Tel est l’enjeu, qu’on se le dise…
6 AVRIL. « À LA MESURE DE L’ESPOIR QUE NOUS AVONS FAIT NAÎTRE, LA DYNAMIQUE NE S’ARRÊTERA PAS ! »
En voyant, hier soir, la place du Capitole submergée par un torrent humain, je ne pouvais avoir le moindre doute. La dynamique enclenchée n’est pas de celle que l’on peut stopper.
À ceux qui nous disent que nous allons nous disloquer sur l’écueil de la participation gouvernementale, si François Hollande arrivait en tête de la gauche le 22 avril et s’il l’emportait ensuite, nous avions par avance répondu… voici un an. Dans le texte qui scellait l’accord des composantes du Front de gauche pour 2012…
Nous voulons la victoire de la gauche. Nous nous employons à réunir les conditions d’une majorité et d’un gouvernement ne se dérobant pas aux mesures indispensables pour mettre au pas les banquiers, les spéculateurs et le grand patronat. Jean-Luc a d’ailleurs fort bien dit que, sélectionné au premier tour, il engagerait immédiatement la discussion avec le reste de la gauche pour aboutir à la convergence nécessaire. Nous ne saurions, toutefois, être d’un attelage qui irait à l’inverse de ce que nous avons défendu devant le pays. Si nos partenaires prétendaient donc ignorer ce que le vote en notre faveur dit des aspirations du peuple de gauche, qu’ils sachent que nous ne nous renierons pas. C’est le mandat que nous recevons, chaque soir, des foules innombrables que nous réunissons.
Le Front de gauche lui-même aura à tirer les conclusions de sa réussite. De cartel qu’il fut longtemps, il doit devenir un acteur majeur de la vie politique. Il saura, j’en suis sûr, trouver le chemin d’une intégration plus poussée de son fonctionnement, sans pour autant remettre en cause la maîtrise, par chacune des composantes, de ses choix propres. Permettre à celles et ceux qui se sont engagés dans les assemblées citoyennes, ou encore aux personnalités qui nous ont rejoints, de trouver leur place dans le rassemblement… Adopter un mode de fonctionnement et de direction qui nous permettra de peser sur la vie politique, à la mesure de l’espoir que nous avons fait naître… C’est notre feuille de route !