Ce qu’est le Front de gauche, ce qu’il veut…
J’avais prévu de reprendre le fil de mes notes aux premiers jours du mois de septembre. De fait, je mets en ligne celle-ci alors que la rentrée politique est largement accomplie et que l’on en discerne les grandes tendances. Commentateurs et sondeurs s’accordent généralement pour relever qu’elle se trouve dominée par la situation délicate de la gauche et, notamment, par la relation du Front de gauche avec les formations composant l’arc gouvernemental. Il se trouve que c’est précisément la question qu’il m’avait été demandé de traiter à l’occasion du meeting de clôture des premières « Estivales » dudit Front de gauche, les 25 et 26 août, à Saint-Martin-d’Hères. Les lignes qui vont suivre s’inspireront donc largement du propos qui aura alors été le mien.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, un mot sur ces « Estivales ». Pour constater qu’elles auront permis de délivrer un bulletin de santé éminemment positif de notre rassemblement, avec leurs deux à trois mille participants, leurs très nombreux invités, leurs débats de qualité, leur matinée d’échanges (prise en charge par le conseil national, hier baptisé « de campagne » et qui entend aujourd’hui poursuivre ses activités la séquence électorale achevée) sur l’avenir de notre construction et les moyens de l’élargir au-delà des forces organisée, la convergence constatée des réflexions de ces dernières… Un bilan plus que flatteur, contrastant singulièrement avec le flot d’attaques et d’injures dont nous aurons été l’objet.
Bien avant l’ouverture de notre rencontre, nous étions en effet sur la sellette. Une interview de Jean-Luc au ”Journal du dimanche” avait déchaîné, d’un bord à l’autre de l’échiquier politique, mais singulièrement dans les rangs de la majorité dite présidentielle, un véritable pilonnage médiatique. Peu importe l’objet invoqué de l’ire de nos détracteurs, la violence de leur ton aura suffi à révéler qu’à leurs yeux nous étions devenus des gêneurs. Signe d’une brusque fébrilité de leur part, à un moment où le pays, et plus particulièrement un très grand nombre de celles et ceux qui firent basculer la majorité politique du pays au printemps, semblent taraudés par la sourde inquiétude de voir les engagements des nouveaux gouvernants abandonnés ? Où la crise et son cortège de menaces sur l’emploi et les conditions d’existence s’aggravent considérablement, imprimant toujours davantage leurs marques aux comportements ? Où le monde politique traditionnel semble vouloir s’enfermer dans la bulle de ses routines d’appareil et de ses zizanies, bien éloignées des préoccupations du plus grand nombre : à l’image d’une UMP inaudible de l’opinion et tout entière tournée vers le règlement de ses problèmes de leadership, d’un Parti socialiste trop occupé à négocier entre ses baronnies la succession de sa première secrétaire, ou encore d’écologistes dont les divisions s’avèrent d’autant plus obscures que leur stratégie est illisible ?
Il fallait manifestement nous reléguer dans la nasse marginalisante des vitupérateurs ou, cela revient au même, des irresponsables. Tel éditorialiste de renom, zélote s’il en est de la pensée unique libérale, je veux parler de Monsieur Barbier, nous aura ainsi traités ”« d’imprécateurs »”. Tel autre, venant lointainement des rivages de la « deuxième gauche », Jacques Julliard, aura dénoncé en notre programme l’incarnation d’une ”« vision quasi-policière de l’économie »”, pour la simple raison qu’il prétend notamment interdire les licenciements boursiers. Sans parler de ces figures du PS qui auront suggéré que nous préparions l’échec du gouvernement afin de pouvoir retrouver un espace que nous aurions perdu devant le suffrage universel (comme si les quatre millions de suffrages du premier tour de la présidentielle n’avaient jamais existé). Sans évoquer non plus les palinodies d’Éva Joly, venant traiter son ex-concurrent de supporter d’un ”« dictateur tropical »” (il s’agit, en l’occurrence, d’Hugo Chavez et elle visait la visite que Jean-Luc Mélenchon vient d’effectuer au Venezuela). Je pourrais encore mentionner cette très vieille figure du commentaire politique, désormais reconverti en chroniqueur de ”Libération”, Alain Duhamel, qui vient de dépeindre celui qui porta nos couleurs en ”« matamore, roulant des yeux furieux, la moustache hérissée, le feutre provocant, le verbe outrecuidant et la rapière vétuste »”. Ou encore cet écho du ”Canard enchaîné” qui révèle que le chef de l’État en personne avait enjoint, par un texto, son ministre Montebourg de ”« taper Mélenchon »”. Fermez le ban !
EXIGEANTS… CAR ACTEURS DE LA VICTOIRE
Que les figures mondaines des élites politico-médiatiques, qui se complurent souvent dans le rôle de cire-pompes des dirigeants de droite, nous prennent pour cible, quoi de plus normal ? Mais toutes ces personnalités de gauche qui en font autant, nous accablant d’injures grossières, n’éprouvent-elles pas le sentiment de se tromper d’adversaire ? Les dix ministres – oui, dix ! -, à commencer par le premier d’entre eux et à l’exception de Benoît Hamon qui refusa l’invitation, qui se seront succédé à l’université d’été du Medef, les 29 et 30 août, n’auront pas fait montre d’une semblable brutalité. ”Le Monde” titrait d’ailleurs, à ce propos : « Le flirt discret de l’Élysée avec les patrons. » Et le quotidien vespéral de rapporter que, de la part d’un gouvernement apparemment effrayé de ses discours (pourtant fort prudents) du début de l’été, la réunion de rentrée traditionnelle du grand patronat devait être” « l’occasion, pour les ministres présents, d’assurer les chefs d’entreprise de l’engagement du gouvernement en faveur de la compétitivité – un mot qui ne figure qu’une fois dans les 60 engagements présentés par François Hollande pendant la campagne présidentielle »”.
Ce qui, mis en bouche par le Premier ministre, aura donné l’assurance qu’il entendait être ”« attentif à leurs difficultés et à leurs propositions »”, tandis que le ministre du Travail et du Dialogue social, Michel Sapin, se croyait autorisé à expliquer, au même parterre distingué, que ”« le droit de licenciement et ses conditions d’application ne sont pas sécurisants pour les entreprises »”. Les salariés auront certainement apprécié, eux qui ne peuvent ignorer à quel point ledit droit de licenciement, après dix ans de droite aux affaires, les protège alors qu’ils ne tarderont pas à se retrouver au nombre de trois millions dans les fichiers de Pôle emploi…
À Jouy-en-Josas, pourtant, nos éminences gouvernementales se seront retrouvées en présence d’authentiques opposants, hier acharnés à leur barrer la route du pouvoir, et aujourd’hui bien décidés à obtenir d’eux qu’ils abandonnent jusqu’aux plus minimes de leurs promesses électorales. Madame Parisot, ayant pris la tête d’un informel mais très actif « parti du capital » le temps que la droite traditionnelle se remette en ordre de bataille après sa déroute de mai et juin, ne cesse-t-elle pas d’exiger un ”« choc de compétitivité »” – nouveau concept fétiche de la pensée néolibérale, qui se résume à vouloir transférer à la charge de la collectivité une large part des cotisations sociales que les employeurs acquittent en remboursement d’un « salaire différé » légitimement dû aux travailleurs -, ne tonne-t-elle pas contre l’idée d’une réforme fiscale qui assujettirait le capital au même taux d’imposition que le travail, ne revendique-t-elle pas sur tous les tons que l’on flexibilise le travail (afin, chacun le comprend ainsi, de le rendre plus précaire), ne veut-elle pas que l’on augmente la TVA et la CSG afin d’alléger la contribution des patrons à la protection sociale, ne va-t-elle pas jusqu’à demander que l’on renonce à toute pression visant à contrer les plans de licenciements et les délocalisations ? Toujours dans ”Le Monde” du 29 août, elle n’hésite pas à lancer : ”« Le gouvernement doit avoir une stratégie pro-business. »” Une offensive savamment orchestrée et relayée durant l’été par les boss de plusieurs géants industriels : du PDG du groupe américain Unilever menaçant d’une grève des investissements si on le contraignait à céder la marque de thé Éléphant à d’éventuels repreneurs de l’entreprise Fralib, à celui de Clairefontaine-Rhodia expliquant froidement que ”« les décisions de justice concernant les plans sociaux ne respectent pas ce que dit le code du travail »”.
Tout bien considéré, au regard de ces déclarations enflammées venant du camp des privilégiés, il semblerait que l’on puisse seulement nous reprocher d’être « exigeants ». N’est-ce pas, toutefois, notre devoir ? N’avons-nous pas joué un rôle essentiel dans l’éviction de Nicolas Sarkozy ? Sans notre apport, sans la détermination avec laquelle nous nous sommes lancés dans la bataille pour débarrasser la France d’une droite au service exclusif des puissants, qui ne sait que cet affrontement camp contre camp, qui se sera dénoué de justesse, n’eût sans doute pas connu la même issue ? N’en déplaise à Jean-Marc Ayrault, qui semble n’avoir rien retenu de tout cela, cela fait de nous les « ayant-droits » de la victoire, pour reprendre le mot fort juste de l’ami Mélenchon. Cela nous pousse à vouloir éloigner le spectre d’une terrible déception populaire qui succéderait à l’espérance d’un changement venant effacer trop de souffrances infligées à nos concitoyens, de droits piétinés, de conquêtes anéanties à l’image du droit à la retraite à 60 ans.
SOUCIEUX DE L’INTÉRÊT DE LA GAUCHE ET DU PEUPLE
Soyons justes : au Parti socialiste, certains ont évité le discours de la stigmatisation. Tel Jean-Christophe Cambadélis, dans ”Libération” du 25 août : ”« Tout le monde est aujourd’hui condamné à gagner. Personne ne peut prospérer sur la défaite. »” Bien vu ! À ceci près que ce n’est pas un pur réflexe d’appareil, un souci étriqué de nous protéger du choc en retour du désenchantement du pays, qui nous animent. C’est qu’une défaite aurait sans doute des conséquences encore plus catastrophiques que celles ayant littéralement ravagé les gauches grecque, espagnole, portugaise, italienne, allemande ou britannique. C’est le peuple qui le paierait d’un surcroît de maux et d’épreuves.
Ce qui nous ramène, une fois encore, à la carte d’identité du Front de gauche depuis sa fondation : non pas faire prospérer un nouveau fonds de commerce électoral, mais forger sur la durée un outil utile à la gauche tout entière, au service de celle-ci afin qu’elle se hisse à la hauteur de ses responsabilités devant ses mandants, orienté par la recherche de ce qui relève de son intérêt global. C’est ce qui nous avait amenés, l’an passé, avant que ne débute la campagne présidentielle, à formuler la fameuse ”« offre publique de débat »” destinée à permettre une confrontation des programmes devant les citoyens et à permettre à ces derniers de faire bouger le curseur en direction des véritables attentes de la société. Et, bien que nous n’ayons pas jugé, la victoire acquise, que les conditions étaient réunies pour intégrer la majorité parlementaire et l’équipe gouvernementale, c’est ce qui motive le cri d’alarme que nous lançons.
Certes, nous ne saurions ignorer que les premières dispositions prises par la session extraordinaire du Parlement, en juillet, à commencer par le détricotage des aspects les plus honteux du dispositif fiscal adopté sous Nicolas Sarkozy, auront apporté un peu d’air frais à un pays qui en avait grand besoin. Nous n’en restons pas moins fort éloigné de l’audace dont il conviendrait de faire montre lorsque la crise de la zone euro s’approfondit au point de menacer de naufrage non seulement la Grèce mais aussi l’Espagne et l’Italie, lorsque la pression des fonds d’investissement et des banques s’intensifie sur les marchés pour obtenir des États qu’ils serrent sans fin le garrot de l’austérité, lorsque les actionnaires font toujours davantage de l’emploi une variable d’ajustement au prix de la multiplication des plans de licenciements, lorsque l’adversaire met tout en œuvre ici pour tuer dans l’œuf le changement attendu par nos concitoyens.
Persévérer dans la méthode consistant à prodiguer à l’électorat populaire des paroles apaisantes tout en voulant éperdument rassurer la finance et le grand patronat, comme le font les ministres en cette fin d’été et comme s’y est encore livré le président de la République à Châlons-en Champagne le 31 août, c’est en effet se préparer à emprunter demain le chemin du désastre. Celui qui verra la gauche mener la politique contre laquelle elle a été élue. Celui qui consacrera, comme pour les alternances du passé, la rupture avec les classes populaires. Celui qui redonnera à la droite l’espoir de voir se succéder des « vagues bleues » à l’occasion de chaque scrutin, ainsi que vient de l’exprimer Jean-François Copé avec son cynisme coutumier. Celui qui gonflera les voiles de l’extrême droite du vent de la colère qui se lèvera du côté de ces secteurs de la population qui se sentiront légitimement floués. Celui qui conférera à des libéraux ayant conduit la planète au bord de l’abîme l’opportunité de pousser les feux de leur folle orientation, qui veut que tout fût sacrifié à la course aux profits et à la rentabilité financière. Celui qui refermera la porte du redressement de l’Europe, qu’avait entrouverte le basculement de la France à gauche, et, via le traité budgétaire auquel François Hollande s’est rallié, mènera la zone euro à la récession, à un chômage toujours plus massif, au creusement des fractures entre pays et zones du continent, à l’exacerbation des concurrences sous prétexte de compétitivité et, au final, à la probable désintégration de la zone euro elle-même.
On me dira que j’exagère ? En date du 28 août, une note de Patrick Artus, pour Natixis, dessine un horizon encore plus noir. Intitulée « Ca va mal finir », elle relève notamment : ”« Les dirigeants européens veulent maintenir le calendrier de réduction extrêmement rapide des déficits publics.” (…) ”La stratégie de réduction rapide des déficits publics est pourtant dans une impasse. Les politiques budgétaires très restrictives affaiblissent les économies directement et aussi indirectement : avec la baisse des salaires réels due à la hausse du chômage ; avec le recul de l’investissement des entreprises dû à la faiblesse de la demande des ménages ; avec les effets d’entraînement dus au commerce extérieur. L’affaiblissement de la croissance en Grèce, en Espagne, en Italie, au Portugal et potentiellement en France avec la politique budgétaire restrictive à partir de 2013 est tel que les finances publiques ne s’améliorent plus (Espagne, Italie) ou du moins que les déficits publics restent très supérieurs à ceux qui ont été annoncés” (…). ”Le chômage de masse ne sert même pas à réduire le déficit public ; pire, la croissance potentielle est affectée avec le chômage de longue durée. »”
NI AIGUILLON, NI OPPOSITION, UNE FORCE DE PROPOSITIONS ET DE MOBILISATION
La question du moment n’est donc pas, comme feignent parfois de le croire les responsables socialistes, d’opposer de nouveau le programme du Front de gauche à celui sur lequel François Hollande s’est fait élire (encore qu’il s’avérerait judicieux, pour les nouveaux gouvernants, de s’interroger sur ce qui aura déterminé, en dernière instance, le vote des Français, de ”« l’équilibre »” promis par le futur président entre justice et rigueur, ou de la posture combative affichée envers le monde de la finance…). Elle est de savoir si l’on préfère le suicide à la volonté politique de soumettre des marchés menaçant l’humanité du pire.
Voilà très exactement la raison pour laquelle nous avons, au Front de gauche, fait collectivement le choix de n’être ni l’aiguillon du pouvoir en place, ni son opposition de gauche. Pas un aiguillon, dans la mesure où cela limiterait notre ambition à la seule pression sur la formation dominante de la gauche, au détriment du combat pour changer cette dernière dans son ensemble. Pas une opposition non plus, car il ne saurait s’agir pour nous d’attendre notre heure, l’expérience nous ayant suffisamment enseigné que les fleurs de l’espoir poussent rarement sur les champs de ruines.
Pour le dire autrement, nous nous voulons une force de propositions et de mobilisation. Une force de propositions qui affirme, par-delà les désaccords traversant le camp progressiste, qu’il existe des urgences que la gravité de la situation impose à tous. Mes camarades Pierre et Jean-Luc ont, entre autres, évoqué la proposition de loi d’interdiction des licenciements boursiers, que les députés du Front de gauche ont redéposée sur le bureau de la nouvelle Assemblée, ou encore l’interruption des poursuites engagées contre des syndicalistes sous le précédent régime.
On pourrait élargir la visée : à la remise sur la table des négociations européennes du problème du statut et des missions de la Banque centrale européenne, qui se révèle incontournable si l’on veut briser les reins de la spéculation sur les taux d’intérêt (le très libéral Monsieur Rajoy, chef du gouvernement espagnol, ne vient-il pas d’expliquer au ”JDD” de ce 2 septembre que ”« l’Union monétaire a manifestement un problème lorsque des pays se financent à des taux négatifs tandis que d’autres se financent à des prix inacceptables »” ?) ; à la formation, en France comme chez nos voisins, de pôles publics bancaires impliquant, s’ils veulent disposer d’une réelle efficacité, la nationalisation des principaux établissements concernés (ce qui veut dire que l’on ne saurait se restreindre à la Banque publique d’investissement évoquée par le Projet socialiste pour 2012, dont la force de frappe sera d’autant plus réduite qu’elle se limitera au ”« rapprochement »” d’Oséo, de la Caisse des dépôts et du Fonds stratégique d’investissement), l’objectif étant de recouvrer la maîtrise du crédit et de le réorienter massivement vers l’emploi, les PME, la transition écologique de l’économie, le redéploiement des services publics ; à la révolution fiscale qui redonnerait de l’air aux finances publiques mais ne sera possible que si l’on consent à taxer le capital et à imposer, aussi lourdement que nécessaire, les bénéfices et les dividendes ; aux droits nouveaux dont il conviendrait de doter par la loi les travailleurs, afin qu’ils puissent bloquer les plans si mal baptisés sociaux ou les fermetures d’entreprises qui obéissent à une recherche de profits financiers supplémentaires pour les actionnaires, et qu’ils aient les moyens de préempter les entreprises concernées pour les transformer en coopératives ouvrières lorsque cela s’avère possible ; à la relance de l’activité par la consommation populaire, seul remède à la récession qui menace, ce qui suppose de favoriser une forte augmentation des salaires et pensions etc.
C’est au service d’une telle démarche que nous serons une force de mobilisation. Pour que se forment des majorités d’idées à même de faire bouger les lignes du débat public et de changer les rapports de force au bénéfice du plus grand nombre. Pour que les urgences sur lesquels nous mettons l’accent deviennent notre contribution à l’émergence du mouvement populaire sans lequel aucun changement ne sera jamais au rendez-vous. Pour que se rassemblent, sur le terrain, les hommes et les femmes de gauche qui, quelles que soient par ailleurs leurs préférences partidaires, ne veulent pas qu’un nouvel échec vienne répandre la démoralisation. Pour, en un mot, que la gauche politique et sociale échappe aux divisions mortifères que provoquera inexorablement le renoncement devant l’adversaire, et qu’elle retrouve à l’inverse le chemin de son unité dans la politique du courage et du combat.
TRAVAUX PRATIQUES : CAP SUR LE 30 SEPTEMBRE !
C’est l’action contre la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) de la zone euro qui va devenir la première occasion de mettre en pratique cette démarche. Non pour ”« affaiblir »” le nouveau locataire de l’Élysée, comme vient de le suggérer, à demi-mots, le ministre délégué aux Affaires européennes, Bernard Cazeneuve, d’évidence en mal d’inspiration pour justifier l’injustifiable. Mais, tout simplement, parce qu’aucune politique de gauche ne saurait voir le jour dans cette camisole de force condamnant le continent à l’austérité, donc à une récession assurée à laquelle les populations paieront le plus lourd tribut sans que cela ne réduise, bien au contraire, les déficits publics et la dette des États. Parce que rien de bénéfique ne peut naître d’un anéantissement de la souveraineté populaire, car c’est bien de cela qu’il s’agit lorsque les élus du suffrage universel se verront confisquer le droit de décider de l’orientation des lois de finance dans leurs pays, par une Commission de Bruxelles et une Cour de justice aussi irresponsables l’une que l’autre devant les citoyens. Parce qu’il est inacceptable que l’on prétende à présent ratifier un pacte budgétaire imaginé par le tandem Sarkozy-Merkel, alors qu’on le disait hier dangereux, que l’on promettait aux électeurs de le ”« renégocier »”, mais que l’on n’en a finalement pas changé un mot ni une virgule.
Comme je le pressentais dans ma précédente note, le débat a fini par éclater à gauche. En dépit des injonctions et rappels à l’ordre de Jean-Marc Ayrault, bien que le gouvernement ait décidé de forcer le rythme de l’acceptation de ce TSCG en le soumettant au vote du Parlement au tout début de la session d’octobre, ce qui aura pour seul effet de priver le pays de l’échange démocratique auquel il a légitimement droit, des parlementaires socialistes et écologistes envisagent de ne pas obtempérer. Une majorité du mouvement syndical, de la CGT à Solidaires, de FO à la FSU, partage le refus qu’a déjà manifesté la Confédération européenne des syndicats. Une association comme Attac en a fait sa campagne de rentrée. Des économistes de renom, au premier rang desquels les Économistes atterrés, dont on ne peut ignorer la qualité du travail et des propositions, ont fait la démonstration limpide du caractère politiquement désastreux et économiquement ubuesque d’un acte juridique prétendant déterminer l’avenir de l’Europe sans retour en arrière possible.
Toutes ces énergies doivent se fédérer et s’organiser sans délai afin que l’opinion s’empare de cet enjeu fondamental. Quel que fût par ailleurs leur rapport au président de la République et leurs opinions sur la politique gouvernementale. Sans préalable, ni tentative de quiconque pour en tirer un bénéfice partisan. Avec pour seul objectif de rebattre les cartes par le débat public, d’infléchir la décision de l’exécutif, de permettre au corps citoyen de se faire entendre de ceux qu’il vient de placer à la tête de l’État, de faire en sorte que ceux-ci aient pour nouveau mandat de retourner à la table des négociations dans le but que l’Union européenne prenne enfin le chemin de la sortie de la crise, du progrès social, de la rectification démocratique. En bref, de sauver la gauche de ce qui la menacerait si sa composante majoritaire cédait à la tentation du reniement.
En ce sens, le Front de gauche a solennellement demandé, si la voix de la raison ne s’imposait pas, que le peuple soit sollicité par référendum. Il a également proposé que, sur le terrain, l’action s’organise sans perdre un instant, sur la base susceptible de réaliser l’unité la plus large, avec pour premier objectif une immense entreprise d’éducation populaire, et pour premier point d’orgue la tenue d’une grande marche nationale, le dimanche 30 septembre, veille du débat parlementaire, à l’occasion de laquelle pourraient se retrouver l’ensemble des forces, sensibilités et individus qui ne veulent pas que la gauche soit menée à l’échec pour cause de ralliement à une politique en tout point contraire à tout ce qu’elle incarne. Il met cette dernière idée à la disposition de tous ceux qui voudront bien en devenir les co-organisateurs, à égalité de droits et de devoirs.
Le temps est compté. L’affaire est décisive. Nul n’a le droit de se défausser des responsabilités qui lui incombent, en ce qui ne tardera pas à apparaître comme un moment clé du septennat qui vient seulement de fêter ses cent premiers jours…