À propos du débat budgétaire en Midi-Pyrénées

Deux jours de débat budgétaire en Midi-Pyrénées se sont achevé à la veille des fêtes. Révélant, comme je le pressentais dans ma précédente note, de très fortes tensions internes à la majorité de gauche, les groupes liés à l’arc gouvernemental ne sachant manifestement quelle conduite tenir face à une austérité ayant pour effet de perpétuer l’étranglement financier des Régions et d’esquiver l’indispensable définition de recettes fiscales nouvelles afin de permettre à ces dernières de faire face à leurs missions au service des populations et des territoires.

Je n’entends pas, pour autant, faire preuve d’unilatéralisme : même si certaines de ses lignes s’affichent en baisse, le budget de Midi-Pyrénées progresse de 2% et il n’est pas substantiellement dégradé dans ses équilibres fondamentaux. Mieux, plusieurs propositions du Front de gauche ont été prises en compte, notamment dans le domaine de l’aide sociale aux familles rencontrant des difficultés d’accès à la restauration scolaire, même si cet effort reste insuffisant au regard des besoins estimés les plus urgents. Surtout, la majorité régionale a accepté de voter un amendement à travers lequel elle s’adresse au pouvoir politique et lui demande le remboursement des 197 millions que lui doit l’État depuis l’entrée en vigueur de l’acte II de la décentraliosation. La situation n’en demeure pas moins préoccupante pour l’avenir.

Aussi, ne voulant pas me résigner à des recettes contraignant négativement les budgets depuis plusieurs années, désirant manifester la réprobation que ne peut que susciter le gel puis la baisse programmés des dotations étatiques aux collectivités locales sur les trois prochaines années, refusant la tentation du passage en force qui se sera manifestée au sein des composantes majoritaires de la majorité et, plus encore, soucieux de réaffirmer avec force l’état d’esprit responsable qui m’aura conduit à appeler en séance au sursaut à gauche tant qu’il en est encore temps, sans pour autant négliger les évolutions éminemment positives que le débat aura permis d’enregistrer, n’ai-je pas pris part au vote final du budget.

Je reproduis ici le bilan que j’ai publiquement tiré de cette session, ainsi que l’intervention prononcée devant l’Assemblée plénière en défense du principal amendement du Front de gauche.

Le débat budgétaire de la Région Midi-Pyrénées pour l’année 2013 ne peut satisfaire.

Certes, les choix finaux opérés doivent largement aux discussions initiées par le Front de gauche et aux propositions qu’il a formulées. Ils échappent, ce faisant, à l’austérité à laquelle eussent pu conduire les orientations mises en œuvre à l’échelon gouvernemental.

On ne peut ainsi que se féliciter des évolutions positives auxquelles l’Assemblée plénière de ce 20 décembre sera arrivée en matière de formation professionnelle, d’éducation, d’environnement ou de transports. Même si, dans le même temps, plusieurs lignes budgétaires se seront retrouvées amputées, sous l’effet de moyens en diminution pour toutes les Régions de France.

Mais cet aspect positif ne saurait occulter les préoccupations que suscite le déroulement de cette Assemblée plénière.

L’exécutif et les groupes socialiste et radical auront notamment cherché à éviter le débat sur les conséquences pour la Région de l’étranglement et des contraintes de la dépense publique auxquelles la conduit l’austérité mise en œuvre par François Hollande et Jean-Marc Ayrault, à rebours des engagements pris par eux, devant le peuple, au printemps.

On le sait, les dotations de l’État aux collectivités territoriales seront gelées en 2013, puis fortement diminuées les deux années suivantes. Cela va les placer dans une situation qui deviendra vite intenable, du moins si elles entendent toujours, lorsqu’elles sont orientées à gauche, assumer leurs missions au service de l’intérêt général. Et ce, alors qu’en Midi-Pyrénées, l’État doit déjà 197 millions d’euros à la Région, au titre des charges transférées en vertu de l’Acte II de la décentralisation, et jusqu’à présent non compensées.

Manifestement, pour ne pas avoir à affronter cette question, contrairement aux années passées où la majorité rassemblée exigeait le remboursement de ces sommes, les groupes socialiste et radical ont, cette fois, tenté de passer en force, pratiquant le vote bloqué dans le but de repousser systématiquement les amendements du Front de gauche et d’Europe écologie. Un tel comportement n’est pas acceptable et il laissera quelques traces.

Fort heureusement, le débat a finalement amené l’ensemble de la majorité à se prononcer, sur une proposition que j’ai défendue devant l’Assemblée au nom du Front de gauche, afin de ”” mandater le président de notre Conseil régional pour prendre toutes les mesures nécessaires pour obtenir le remboursement des charges nettes non compensées au titre de la phase II de la décentralisation »”.

Je m’en félicite d’autant que, grâce à ce vote, deux des grandes Régions françaises, l’Ile-de-France et Midi-Pyrénées, viennent de décider d’interpeller le gouvernement pour lui demander de compenser, financièrement et au moyen de rentrées fiscales nouvelles, les missions qui leur sont désormais dévolues.

Il n’en reste pas moins que cette Assemblée plénière a révélé un débat majeur au sein de la majorité régionale.

Cette dernière ne peut, sous peine de ne plus pouvoir assumer les engagements souscris devant les Midi-Pyrénéens lors du scrutin régional de 2010, s’incliner devant une logique gouvernementale qui se révèle déjà chaque jour comme une impasse redoutable.

C’est dans ces conditions que, contrairement aux années précédentes, le groupe Front de gauche a choisi de laisser la liberté de vote à ses membres.

J’ai, par conséquent, refusé de prendre part au vote global du budget. Sans nier d’aucune manière les corrections du projet de budget auxquelles le débat a permis d’aboutir, j’ai voulu de cette manière m’adresser aux autres groupes de la gauche : renoncer à l’avenir à la construction de budgets offensifs et combatifs, au service du plus grand nombre de nos concitoyens, amènerait la majorité régionale à un affaiblissement politique redoutable et, au final, la menacerait d’échec.

Comme l’ensemble du groupe du Front de gauche, par-delà les votes diversifiés que ses élus ont émis, je ne veux pas m’y résoudre.

Je reproduis, par ailleurs, ci-dessous, l’intervention par laquelle j’aurai défendu en séance l’amendement du Front de gauche proposant de prendre toutes les dispositions visant à obtenir du gouvernement la compensation financière et fiscale des charges que l’État a transférées sur Midi-Pyrénées comme sur les autres Régions de France.

« Monsieur le Président, Mes Chers Collègues,

« C’est un exercice bien formel que de défendre un amendement lorsque l’on connaît d’avance le résultat des votes.

« Ce qui appelle une observation préalable de ma part, que je veux adresser à nos collègues socialistes et radicaux : en décidant, depuis deux heures, de repousser systématiquement tous les amendements déposés sur le projet de budget, vous vous livrez à un passage en force qui, non seulement n’atteste guère de votre cohérence, mais affaiblit politiquement notre majorité régionale.

« Enfin ! Menons tout de même le débat politique sur une question que nous jugeons de grande importance et que nous ne vous posons pas depuis ce matin, puisque nous vous interpellons sur ce sujet depuis des semaines. Ce fut en particulier l’objet de l’intervention de mon amie Martine Perez, devant cette enceinte, sur les orientations budgétaires.

« L’amendement que nous avons déposé au projet de budget est simple : il consiste à mandater le président de notre Conseil régional ‘’pour prendre toutes les mesures nécessaires, y compris juridiques, pour obtenir le remboursement des charges nettes non compensées par l’État au titre de la phase II de la décentralisation ‘’.

« Il est évidemment ici question des 197 millions d’euros que nous doit l’État et qui nous enserrent, exercice budgétaire après exercice budgétaire, dans des contraintes qui ne seront, très bientôt, plus assumables par notre Région.

« Qu’en sera-t-il l’an prochain, si rien ne vient inverser la tendance, et alors que la France risque de se trouver en récession, avec des dizaines de milliers de nouveaux chômeurs et un déficit qui ne reviendra pas aux 3% annoncés, comme nul ne l’ignore ici ?

« Cela m’amène à vous redire notre état d’esprit : il nous importe que la gauche, majoritaire dans cette Assemblée, soit rassemblée. Mais nous le savons tous, elle ne parvient jamais à l’être que si le débat peut aller jusqu’au bout afin d’aboutir à des équilibres dans lesquels tous peuvent se retrouver. Ce qui suppose que l’on ne s’éloigne pas des engagements que nous avons contractés devant les électeurs en 2010.

« Dans une de vos interventions de l’après-midi, vous avez évoqué, Monsieur le Président, l’impossibilité d’esquiver le problème de la dette nationale. On pourrait, tout à fait, avoir ce débat. Il montrerait aisément que ladite dette n’est pas la résultante de la tendance des Français à vivre au-dessus de leurs moyens, comme on l’entend parfois affirmer, mais plutôt de dizaines d’années de mise en œuvre de ces politiques de déréglementation et de cadeaux fiscaux aux plus aisés qui dévastent présentement toute l’Union européenne. Cela dit, ce n’est pas le sujet à propos duquel nous échangeons maintenant.

« Nous vous proposons simplement de mandater le premier responsable de l’exécutif afin que notre Région ne soit demain plus soumise à un cadre que nous avons condamné ensemble depuis des années.

« Je remarque que, avant de changer d’avis, le groupe socialiste et républicain avait commencé d’opérer une avancée dans cette direction, à travers l’amendement qu’il avait déposé en réponse à notre propre proposition. Il est très positif qu’il y ait été proposé de prendre acte d’une situation qui voit la Région privée des ressources qu’exigeraient les compétences qui lui ont été transférées. Encore aurait-il convenu de conclure ce juste constat.

« Notre amendement le permettait d’autant qu’il était la reprise condensée de ce que la majorité de la Région Île-de-France vient de voter hier, dans l’ensemble de ses composantes.

« Je parle d’une « reprise condensée », car l’auto-amendement proposé par le président d’Île-de-France détaillait bien davantage les exigences adressées au gouvernement.

« Je le cite : ”‘’ À la veille d’un nouvel acte de décentralisation annoncé, le conseil régional réaffirme solennellement sa volonté de disposer de ressources supplémentaires pour la mise en œuvre de ses priorités et se prononce par conséquent pour : – une réforme de la fiscalité locale engagée dès 2013 afin de garantir une autonomie fiscale aux collectivités locales et des ressources pérennes et dynamiques en lien avec les compétences dont elles ont la responsabilité ; – une compensation des charges nettes issues de la phase II de la décentralisation ; – une évaluation préalable des impacts financiers des transferts de compétences avant tout nouveau transfert afin de garantir une progression des dotations de l’État compatible avec les transferts de charges opérés ;” (…) ”- un taux de TVA à 5% pour les secteurs du logement social, des rénovations des logements et des transports publics dans la perspective des évolutions devant intervenir au 1er janvier 2014. ‘’”

« Je vous ai épargné le passage consacré aux enjeux concernant spécifiquement les Franciliens…

« À l’écoute de cette citation, vous conviendrez, Mes Chers Collègues, que notre amendement se borne simplement à délivrer un mandat à notre président.

« Il pouvait donc parfaitement réaliser le consensus dans notre majorité régionale.

« Il le peut d’ailleurs toujours, pourvu que l’esprit d’ouverture revienne s’inviter dans notre Hémicycle. »

Jusqu’à mon intervention, la discussion des amendements au projet de budget avait été rendue parfaitement inutile, deux heures durant, par le blocage des élus socialistes et radicaux de gauche, lesquels les repoussaient systématiquement. Cette ligne de défense s’effondra soudainement lorsque le président du groupe PS proposa de redéposer un texte par lequel il avait initialement cherché à répondre à notre proposition. Un texte qui prenait acte des contraintes pesant sur Midi-Pyrénées du fait de la non-compensation des charges transférées aux Régions par l’État. Et que nous aurons immédiatement demandé de compléter de la revendication portée depuis des semaines par le Front de gauche, consistant à mandater « le président de notre Conseil régional pour prendre toutes les mesures nécessaires pour obtenir le remboursement des charges nettes non compensées par l’État au titre de la phase II de la décentralisation. » Ce qui fut fait… À la lumière de ce modeste – quoique significatif – épisode, chacun pourra se convaincre de l’utilité des élus et élues du Front de gauche : leur démarche rassemble lorsque les orientations gouvernementales divisent, elle permet de faire bouger les lignes au sein de la gauche alors que le renoncement menace d’emporter cette dernière, au prix d’une rupture calamiteuse avec celles et ceux qui lui ont apporté leurs suffrages.

Christian_Picquet

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