Que 2013 nous voit arracher le changement
On ne peut y échapper… Le passage à une année nouvelle annonce la période des vœux. Parfois convenu dans la vie courante, encore que cela nous permette toujours d’entretenir et de renouveler les liens d’affection et de solidarité qui nous unissent – et dont nous avons bien besoin lorsque les temps se font difficiles -, l’exercice n’est jamais inutile en politique. Même s’il convient toujours d’aller chercher la vérité des trajectoires sous le fatras des bonnes intentions assénées et des mots censés faire oublier la réalité des bilans.
Aussi, comme beaucoup d’entre vous, du moins je l’imagine, me suis-je posté, le 31 décembre au soir, devant mon petit écran afin d’écouter l’adresse solennelle que, selon une tradition bien établie, devait adresser au pays celui que nous avons contribué à faire entrer à l’Élysée. Pour entendre, tout bien considéré, au terme de huit minutes d’allocution, le président Hollande enterrer définitivement le candidat auquel les Français avaient donné mandat de mettre un terme à des années de dévastations sociales et écologiques engendrées par un processus de valorisation effrénée du capital, en commençant par tourner résolument la page du sarkozysme…
Des engagements pris dans le désormais célèbre discours du Bourget, à mettre au pas la finance, à rétablir l’égalité républicaine, à remettre à plat la construction européenne, que reste-t-il, en effet ? Naturellement, un président élu avec les voix de la gauche tout entière mobilisée pour débarrasser la France d’une droite ultraréactionnaire ne pouvait faire moins que d’affirmer sa conscience de l’effort demandé à une population déjà rendue exsangue par la libéralisation sauvage de l’économie. Il nous aura, de surcroît, assuré qu’il souhaitait rendre espoir à la jeunesse, et même qu’il tiendrait ”« le cap »” de la défense de l’emploi comme de la reprise économique.
Sauf que ces mots paraissaient vidés de tout sens par la justification d’une austérité mise en œuvre pour satisfaire aux seules exigences des marchés. D’autant qu’ils furent assortis d’une référence si appuyée aux ”« entrepreneurs »”, gros autant que petits,qu’ils soulignaient un peu plus l’oubli de la majorité de la France… Cette majorité constituée précisément de salariés, qui paient quotidiennement le lourd tribut de l’exploitation toujours plus féroce imposée par lesdits entrepreneurs, en vertu de la course aux dividendes que des actionnaires avides leur ont donné mission de rendre chaque année plus débridée.
Tout, dit autrement, sonnait faux dans le propos du chef de l’État. L’annonce que 2013 serait l’année de l’inversion de la courbe du chômage, quand l’ensemble des prévisionnistes assurent le contraire… Autant que l’assertion selon laquelle la crise de l’euro se trouverait derrière nous, alors que jamais autant de noirs nuages ne se sont accumulés sur les pays ayant adopté cette devise… Ou encore la promesse de la réforme bancaire dont le Parlement devrait délibérer prochainement, Finance Watch disant avec raison qu’elle ne ferait qu’ajuster le fonctionnement du système ”« à la marge »” tant on est loin de l’engagement initial à séparer drastiquement activités de dépôt et activités spéculatives. Sans parler de ce qui s’avérera peut-être le plus important dans les prochaines semaines, l’appel insistant à un accord entre « partenaires » sociaux à l’occasion de la négociation en cours, négociation à propos de laquelle le secrétaire général de Force ouvrière vient de tout résumer en accusant les ministres concernés de vouloir amener les syndicats à accepter ”« de la flexibilité pour qu’ils puissent la reprendre dans la loi sans qu’ils en soient responsables »”…
Ne tournons pas autour du pot, au rendez-vous d’une politique enfermée dans le carcan ultralibéral du traité budgétaire européen et dans celui d’un « pacte de compétitivité » constitué d’un nouveau et faramineux cadeau fiscal au patronat, il ne peut y avoir ni création massive d’emplois, ni réindustrialisation de nos territoires, ni relance de l’activité, ni redressement du pouvoir d’achat venant donner de l’air au marché intérieur, ni redistribution des richesses permettant à la puissance publique de favoriser l’investissement, de redéployer les services publics ou d’assurer la transition écologique de l’économie. Au lieu du « cap » qui nous est annoncé, nous filons hélas droit à la récession, à la multiplication des licenciements et des délocalisations, à l’augmentation concomitante du nombre des chômeurs, au développement de la précarité et de la pauvreté.
Les seuls vœux que l’on puisse donc, en ce début d’année, formuler est que 2013 voit la la contre-offensive du monde du travail, du peuple de gauche et de la jeunesse. Car, à l’inverse de ce dont a tenté de nous convaincre François Hollande, c’est la désespérance que nourrissent les reculs consentis face à une infime minorité qui possède déjà tout mais veut toujours davantage. L’espoir, lui, naît seulement du combat pour en finir avec les privilèges, pour arracher de belles avancées sociales, pour conquérir l’égalité et la justice.
À la gauche qui entend demeurer fidèle à ses principes de repartir à la bataille. C’est, au fond, ce que le président de la République vient de nous confirmer : cette année, ce sera à la mobilisation et au rassemblement populaires d’imposer le changement à une aristocratie de l’argent à l’arrogance devenue tout simplement insupportable, comme à des gouvernants obstinément sourds aux attentes de leurs mandants.
Le temps pressant, aucune énergie ne doit manquer à l’appel… Qu’elle se revendique des traditions socialiste ou écologiste, qu’elle nous apporte le concours du dynamisme et de l’inventivité des militants du mouvement social, ou qu’elle provienne de citoyens sans appartenance organisationnelle mais soucieux de conjurer la fatalité de désastres succédant à des victoires électorales prometteuses…
C’est au service de cette grande ambition que le Front de gauche va lancer, en ce mois de janvier, sa grande campagne nationale contre l’austérité. Avec, pour premier temps fort, un grand meeting le 23 janvier, à Metz, aux confins de cette vallée de la Fensch où la lutte des travailleurs de Florange se poursuit pour soustraire l’industrie sidérurgique à ce requin de la finance qu’est le sinistre Monsieur Mittal.
Mes vœux, mes amis, seront en conséquence pour vous dire que rien n’est perdu, loin de là. Le changement reste à gagner et 2013 ne sera pas, elle ne doit pas être, pour cette raison, une année de relâche !