Le Front de gauche repart à la bataille

Début d’année pour le moins anxiogène… Une manifestation réussie, le 13 janvier, de tout ce que la France compte d’adversaires de l’égalité des droits… Une guerre émergente en Afrique de l’Ouest, dont on devine déjà les retombées plus qu’incertaines… Un sommet social, que l’on nous présentait volontiers comme « historique », qui s’achève par la signature d’un texte générateur de précarité et de régression pour le monde du travail… Des plans de suppressions d’emplois qui s’accumulent, comme prévu, à l’image de celui qui vient d’être annoncé chez Renault… Je reviendrai sur ces divers éléments dans mes toutes prochaines notes. En attendant, vous êtes nombreux, je le sais, à éprouver un profond sentiment de démoralisation. Ce sont partout les mêmes interrogations qui reviennent. Aurions-nous donc engagé toutes nos forces dans le combat contre Nicolas Sarkozy et les siens pour en arriver là ? La victoire tant attendue de la gauche va-t-elle déboucher sur un enchaînement fatal de défaites synonymes d’immense déception pour les classes populaires ?

Ne nous le cachons pas, de ce qu’il adviendra dans les prochains mois va largement dépendre l’avenir. Celui de la gauche, celui du pays… À l’inverse de ce que susurrent ces voix qui, à présent, nous expliquent avec gourmandise que le quinquennat connaîtrait aujourd’hui son tournant décisif, au sens où François Hollande serait enfin parvenu à trouver la stature monarchique que lui imposent de prendre les institutions de la V° République. Ne leur en déplaise pourtant, il ne suffira pas d’une détermination affichée face à la pression des adversaires du mariage pour tous, de l’accord conjoint de la CFDT et du Medef sur le marché du travail, ou encore d’un parfum d’union nationale autour de l’engagement des troupes françaises au Mali pour retrouver une assise dans le pays. Les choix de l’exécutif continuent même plutôt à nous rapprocher du désastre…

Pour le dire autrement, aux affaires, la gauche n’a jamais trouvé le succès lorsqu’elle tournait le dos à ses soutiens traditionnels que sont les salariés, et c’est la raison pour laquelle il est inacceptable qu’elle souhaite à présent « vitrifier » par la loi un accord social qui fait droit aux principales exigences du patronat et qu’approuve une minorité seulement du mouvement syndical. De même, ce sont ses pires adversaires qu’elle renforce en ayant la main hésitante, à l’image de son comportement sur une question où elle disposait pourtant d’un large appui dans le pays, je parle de l’élargissement du droit au mariage, comme en atteste l’arrogance que sa démonstration de force parisienne de l’autre week-end donne à la sainte-alliance des tenants du dogme religieux et d’une droite de plus en plus extrémisée. Enfin, quoi que l’on pensât de l’opération « Serval », la guerre ne lui offre jamais une popularité de substitution lorsque sa politique en vient à le couper du peuple, François Mitterrand et Lionel Jospin en auront fait l’amère expérience en leur temps.

C’est avec la conviction que nous abordons une phase cruciale de la bataille du changement que le Front de gauche vient de lancer la campagne nationale contre l’austérité, évoquée dans ma première note de l’année. L’atmosphère est morose, mais rien n’est encore joué. La majorité des Français, qui a clairement manifesté sa volonté de changement en mai et juin 2012, ne s’est pas soudainement résignée à subir une politique s’inscrivant dans la continuité des pouvoirs précédents. Tout reste, par conséquent, possible pourvu qu’une puissante énergie transformatrice trouve le chemin de son affirmation.

En mettant 25 propositions dans le débat public, en en tirant très prochainement quelques premières grandes exigences à partir desquelles il compte aider à des mobilisations d’ampleur, œuvrer au rassemblement de toutes les forces disponibles à la bataille et réunir de très larges majorités d’idées, notre convergence entend réveiller un espoir qui serait menacé d’anéantissement si rien ne venait inverser le rapport de force. Elle veut, d’un même mouvement, convaincre qu’une autre politique est non seulement nécessaire mais possible, et confronter l’ensemble de la gauche à un choix de méthodes : l’expérience en fait foi, la gauche se divise et s’étiole dans les reculs face à l’adversaire, alors qu’elle trouve le chemin de son unité, autant que d’un élan conquérant, en faisant confluer secteurs partidaires comme acteurs du mouvement social dans une confrontation déterminée aux intérêts dominants.

Démonstration en sera faite dès notre premier rendez-vous, le 23 janvier à Metz, pour un grand meeting sur l’emploi et le renouveau industriel de la France, où devrait aussi s’exprimer l’intersyndicale de Florange. J’y participerai, aux côtés notamment de mes vieux complices Pierre Laurent et Jean-Luc Mélenchon. Pour l’heure, en guise de contribution à cette action qui va relancer notre construction commune, je vous livre la tribune que je viens de donner à ”l’Humanité-Dimanche”, l’hebdomadaire communiste ayant choisi de consacrer sa livraison de l’année aux « défis de 2013 ».

« LE FRONT DE GAUCHE N’EST PAS QU’UN APPAREIL ÉLECTORAL »

« À l’orée d’une nouvelle année, divers commentateurs s’interrogent : le Front de gauche peut-il franchir l’épreuve d’une séquence sans élection ? Trois années et demi d’existence du regroupement initié par le Parti communiste, le Parti de gauche et la Gauche unitaire, avant que six autres formations ne les rejoignent, répondent par elles-mêmes. C’est, en effet, moins l’opportunité de rebondir de scrutin en scrutin qui nous aura mené à la belle campagne de Jean-Luc Mélenchon et à ses 11% du premier tour de la présidentielle, que le souci de formuler, à chaque étape, une politique correspondant à ce que nous pensions être l’intérêt de la gauche tout entière et, au-delà, du peuple.

« La page du sarkozysme ayant été tournée, c’est un nouveau contexte qu’il nous faut affronter. Avec le défi majeur de relever les conséquences calamiteuses des reculs en série du président de la République et de son gouvernement face à l’offensive de ce « parti du capital » dont Madame Parisot n’a pas tardé à prendre la tête, sitôt l’UMP chassée des affaires. L’austérité mise en œuvre, dans la foulée du traité budgétaire européen et d’un « pacte de compétitivité » constitué d’un gigantesque cadeau fiscal sans contrepartie au patronat, représente tout à la fois une aberration économique et la promesse d’un désastre social. La récession annoncée et l’explosion du chômage étant de nature à provoquer un immense désarroi populaire, une droite radicalisée comme jamais et l’extrême droite ne manqueront pas d’en faire leur miel.

« Le Front de gauche ne saurait se réfugier dans la facilité de la dénonciation impuissante ou de la radicalité du verbe. Il lui incombe plutôt d’être l’aile marchante d’une grande bataille destinée à empêcher que les attentes de changement, nées en mai et juin 2012, se retrouvent réduites en cendres. Dit autrement, il lui faut être, bien sûr, un vecteur de résistance à une logique tournant le dos à ce pour quoi une majorité de Français a voté, mais aussi et surtout une force utile à la gauche, qui porte une perspective d’espoir, agit en faveur d’une autre majorité et d’un autre gouvernement pour conduire une politique osant enfin se confronter à la finance et aux actionnaires. Une force de propositions, de rassemblement, de mobilisation…

« Propositions, autour des grandes urgences que rend incontournable la gravité du contexte : de la remise sous contrôle public d’un système bancaire emporté par sa dérive spéculative à la nationalisation des secteurs menacés par les logiques de rendement financier de court terme alors qu’ils sont vitaux pour le renouveau industriel du pays, en passant par la remise à plat d’une construction européenne que les élites libérales ont menée au bord de l’abîme et la révolution fiscale sans laquelle il n’existera ni justice, ni relance de l’économie…

« Rassemblement, car des forces nombreuses existent dans la société pour redresser le cours des choses et sauver la gauche d’une possible catastrophe. On les trouve autant du côté de ceux qui, au Parti socialiste ou à Europe écologie, perçoivent comme nous l’impasse où conduit l’austérité, que d’un mouvement social dont la détermination aura été essentielle à la défaite de la précédente majorité. Pour que les lignes bougent au plus vite, toutes ces énergies aujourd’hui éparses doivent converger. Quelles que soient les préférences partisanes des uns et des autres, quels qu’aient été leurs votes au printemps 2012…

« Mobilisation, dans la mesure où la construction d’un rapport de force à la hauteur est indispensable si l’on veut mettre en échec un adversaire qui, lui, n’a pas perdu un instant pour faire prévaloir ses privilèges, qu’il redoutait de voir entamés lorsque les urnes ont rendu leur verdict. « Unis dans les élections comme dans les luttes » : la feuille de route du Front de gauche, depuis sa création, s’avère d’une actualité plus brûlante que jamais !

« La campagne nationale contre l’austérité, lancée dès ce mois de janvier, nous verra donc repartir à l’offensive, redéployer notre action, offrir aux assemblées citoyennes et aux nombreux « non-encartés » qui s’y retrouvent les moyens de s’élargir et de réinvestir le terrain, rouvrir en grand le débat à gauche sur les voies qui mènent à un nouveau rassemblement ayant pour volonté d’abattre le mur de l’argent. »

Christian_Picquet

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