Une crise politique majeure est ouverte, elle appelle un changement radical de cap
Ainsi mes réflexions de la semaine passée se seront-elles vues confirmées en quelques heures… L’implosion du gouvernement en place jusqu’au 25 août, aura traduit l’échec cinglant de la politique suivie depuis deux ans. Son remaniement brutal, à la suite des discours d’Arnaud Montebourg et Benoît Hamon à la fête socialiste de Frangy-en-Bresse, n’en aura pas moins illustré la fuite en avant libérale de François Hollande et Manuel Valls. Déjà décidés à ne rien entendre de ce que leur disent les citoyens et une partie de plus en plus importante de la gauche, les deux têtes de l’exécutif se sont donc enfermées dans cet autoritarisme que ne cessent de reproduire les institutions de la V° République.
Cela a débouché sur la formation de Valls 2. Après des tentatives pitoyables de débauchage visant à donner le change, le président de la République et le Premier ministre auront finalement dû assumer devant le pays leur rupture totale avec la gauche et le peuple. Le ”« gouvernement de combat »”, que l’on nous aura vanté à longueur de discours, apparaît donc surtout comme le rassemblement du dernier carré des supporters d’une politique à la dérive. Et le remplacement d’Arnaud Montebourg, qui se voulait officiellement porteur d’une ligne de ”« redressement productif »” de la France (même si ledit ”« redressement »” ne pouvait être au rendez-vous d’une ligne tout entière inspirée par la doxa libérale), par un banquier d’affaire témoigne de la volonté d’agir au service exclusif des exigences de la finance et du Medef. Ceux, précisément, dont la rapacité et la soif de rendement financier à court terme, est pourtant responsable de la désertification industrielle de nos territoires.
D’évidence, la majorité de la gauche ne peut pas, ne peut plus, se reconnaître dans un tel équipage.
La stratégie de “l’offre” et de l’austérité budgétaire drastique est promise à un échec cuisant. Comme de plus en plus de voix le disent, elle continuera à inévitablement engendrer la récession, à conduire à la déflation en Europe, à provoquer la montée du chômage et la désindustrialisation de nos territoires, à entraîner d’immenses souffrances sociales. C’est ce qu’après tant d’autres, Arnaud Montebourg, Benoît Hamon et Aurélie Filipetti n’auront fait que constater.
Une crise politique majeure est maintenant ouverte dans la durée. Elle est même sans précédent depuis les origines de la V° République. Le président de la République et le Premier ministre sont archi-minoritaires dans le pays, dans la gauche et maintenant dans leur propre parti. Ils ne peuvent plus guère compter que sur le soutien du Medef.
C’est dire à quel point une autre politique est indispensable. Pour la relance, l’investissement, la relocalisation des emplois conjuguée à la conversion écologique de l’économie, une action fiscale cessant de faire la part belle au capital, le redéploiement des politiques publiques en direction des besoins populaires et de la consommation des ménages. Cette autre politique est possible, je l’ai déjà écrit, à partir des propositions qu’avancent le Front de gauche, les écologistes ou les “frondeurs” socialistes. Elle suppose simplement que la France, en souveraineté, exige de ses partenaires, à commencer par la droite conservatrice allemande et les bonzes de la Commission de Bruxelles, l’abandon de l’austérité ravageant l’Union européenne et qu’elle décide, pour ce qui la concerne, de suspendre l’application d’un traité budgétaire inique autant qu’absurde.
Une nouvelle majorité peut et doit voir le jour sur cette base et créer les conditions d’un autre gouvernement, d’un vrai gouvernement de gauche. Seule une convergence rose-vert-rouge, rassemblée sur une orientation de progrès et de justice, est à même d’arrêter la course mortifère à la division et à la désagrégation de la gauche, d’éviter par conséquent au pays la catastrophe dont nous menace l’aveuglement idéologique libéral du pouvoir. D’un pouvoir qui ignore délibérément qu’il n’aurait jamais pu se retrouver au sommet de l’État sans le vote du peuple, des salariés, des classes populaires, de la jeunesse.
Il est temps, en ce sens, de rompre avec les pratiques délétères d’une V° République en bout de course. Une poignée de gouvernants ne peut plus continuer à imposer ses vues à des députés chaque jour plus nombreux à les contester, à des dizaines de milliers de militants (en particulier socialistes) qui s’en éloignent en nombre croissant, à des millions d’électeurs qui les rejettent comme ils l’ont fait en mars et mai.
Pour être plus précis, rien n’oblige, et certainement pas la lettre de la Constitution, à respecter cette règle implicite qui veut que l’exécutif ait toujours le dernier mot, en vertu de la faculté qui lui est octroyée de recourir au chantage à la dissolution de l’Assemblée. Ce chantage que n’a pas hésité à brandir cyniquement l’hôte de Matignon, au soir de la présentation de sa nouvelle équipe. Y compris dans le cadre institutionnel actuel, un gouvernement peut parfaitement être renvoyé s’il ne correspond pas à la majorité du Palais-Bourbon, et céder la place à un autre, plus en phase avec les attentes des électeurs d’où procède la légitimité de cette dernière.
Des débats fondamentaux s’ouvrent, par conséquent, au sein de la gauche. L’heure est venue de mobiliser toutes les énergies au service d’un changement radical de cap. Faute de quoi, si la colère populaire restait sans réponse dans le camp progressiste, c’est le pire qui se profilerait.