“Oser gouverner à gauche”
En complément de ma précédente note, je reproduis ici la tribune que m’a demandée ”L’Humanité” sur le thème : “Quelle gauche pour la transformation sociale ?” Elle a été publiée le mardi 25 novembre.
“En septembre, Gauche unitaire éditait un manifeste qu’elle intitulait : « Valls, ça suffit ! Vite, une nouvelle majorité rose-verte-rouge ! » Depuis, qui ne constate que l’urgence se fait plus pressante ?
“L’échec de la politique de « l’offre » et de l’austérité budgétaire ne fait plus de doute. L’investissement recule, la récession et de la déflation guettent l’Europe, le chômage et la précarité progressent sans cesse, la désertification industrielle dévaste nos territoires. Pire, dans le chaudron de la souffrance sociale, de la destruction des protections collectives, de l’affaissement de la République, d’une crise politique et démocratique majeure, d’un désarroi massif, c’est une catastrophe qui se prépare. Qui verrait une droite ultra-radicalisée, une extrême droite dopée par ses succès et un patronat de combat ne plus avoir d’adversaire, la gauche tout entière se trouvant marginalisée pour longtemps.
“L’heure est moins que jamais à la facilité des discours de dénonciation ou à la résignation devant des divisions génératrices d’impuissance. Alors que le mouvement populaire se retrouve sur la défensive, n’attendons pas des lendemains qui verraient la gauche anti-austérité enfin créditer de sa lucidité. Si un espoir politique ne renaît pas vite, la France risque de connaître des heures sombres. C’est la raison pour laquelle il importe de mettre sans délai, dans le débat public, les quelques objectifs d’intérêt général permettant de convaincre qu’une autre politique est possible. Et de porter, sur cette base, l’offre de nature à rassembler de nouveau les forces vives de la gauche.
“De la faillite des orientations conduites au sommet de l’État, découle de facto la politique alternative. Il est grand temps d’oser gouverner à gauche. D’user d’une dépense publique réorientée vers les besoins populaires, la création d’emplois et la transition écologique, pour initier une relance fondée sur un autre modèle de développement. D’affronter les logiques financières de court terme qui sont responsables des difficultés du pays. De promouvoir la justice fiscale, en commençant déjà par la mise à contribution des dividendes versés aux actionnaires des grands groupes, des revenus financiers des entreprises, des placements spéculatifs. De stimuler la demande intérieure, grâce à l’augmentation du pouvoir d’achat des salaires et des retraites. De s’atteler à la refondation républicaine de la France, seule à même de restaurer l’égalité et d’interrompre le processus éloignant les citoyens de la politique. De rompre avec cette mise sous tutelle de la souveraineté populaire par la Commission de Bruxelles et la droite conservatrice allemande, véritable humiliation nationale nourrissant au quotidien les saillies de Madame Le Pen, en décidant de suspendre immédiatement le pacte budgétaire européen.
“À en juger par les critiques de la politique de François Hollande et Manuel Valls, qui gagnent en intensité jusqu’au cœur du Parti socialiste, la plus grande partie de la gauche peut se retrouver sur de telles propositions. Ce qui rend impératif de la rassembler, à partir d’un pacte anti-austérité, pour installer la perspective d’une autre majorité et d’un gouvernement refusant la soumission à la loi d’airain des marchés. Rien, cependant, ne se fera sans l’intervention active des forces transformatrices. À commencer par celles du Front de gauche. Comme à d’autres périodes, celle de la genèse du Front populaire par exemple, il leur faut savoir faire preuve de courage, briser les routines, faire reculer le fatalisme dans les consciences, retrouver l’esprit de rassemblement qui a toujours été la condition de la remobilisation du peuple, prendre les initiatives de nature à faire basculer le destin du pays. Dit autrement, la refondation d’un projet régénérateur pour la gauche, c’est maintenant…”