Ce que la Grèce est en droit d’attendre de nous

Nous le savions… Nombre d’entre nous l’avaient écrit… La « bataille de la Grèce » serait âpre, impitoyable même, tant son issue déterminera la trajectoire future de notre continent… Les tout derniers jours, entamés avec la tournée d’Alexis Tsipras dans plusieurs capitales, et qui se seront achevés avec le Conseil européen du 12 février, avant que les négociations rebondissent ce lundi avec une nouvelle réunion dite « cruciale » de l’Eurogroupe, auront permis à chacun de prendre la mesure de l’enjeu.

C’est, je l’avoue, ce qui provoque chez moi une certaine exaspération lorsque je vois des camarades, dont je partage les espoirs, s’enfermer dans une rhétorique, certes de nature à les conforter dans leurs convictions mais oublieuse de ce que l’histoire nous a enseigné, à savoir que la réalité est toujours bien plus complexe (pour ne pas dire contradictoire) qu’on ne le voudrait. Ainsi m’est-il impossible de reprendre à mon compte l’idée selon laquelle l’accession de Syriza aux responsabilités marquerait l’arrivée d’une vague révolutionnaire qui, formée sur les rivages hellènes, s’apprêterait à déferler sur l’Espagne avant d’atteindre bientôt la France. Nous avons cru en un tel scénario à l’occasion des secousses latino-américaines puis des révolutions arabes. Pour très vite nous apercevoir que, du chaos et des convulsions générés par la globalisation capitaliste, pouvait, dans un premier temps du moins, sortir une accumulation d’expériences souvent désynchronisées, donc des tâtonnements multiples, des phases de grandes avancées pouvant être suivies de moments d’importants reculs et de grands dangers.

Dit autrement, pour celles et ceux qui n’ont pas renoncé à imaginer un autre avenir pour l’humanité qu’une dictature marchande mondialisée véhiculant son impressionnant cortège de barbaries, il importe avant tout d’appréhender les défis contemporains sur un temps nécessairement long. Ce que me paraissent avoir parfaitement saisi l’ami Tsipras et ses compagnons, et ce qui justifie une ligne de conduite ayant manifestement quelque peu désarçonné les plus pressés d’entre nous.

LA VRAIE PORTÉE DU 25 JANVIER

C’est sous ce rapport qu’il convient, en tout premier lieu, d’apprécier la véritable portée du scrutin du 25 janvier. Ce dernier n’aura pas seulement exprimé la volonté d’un peuple de retrouver une existence digne et une souveraineté mutilée par les injonctions de la « Troïka » et des mémorandums austéritaires. Il aura également souligné que la construction européenne, telle qu’elle aura été conçue à partir de l’adoption du traité de Maastricht, voici un peu plus de 20 ans, venait de heurter ses limites.

D’abord, parce que le modèle économique qui y aura imposé sa marque (fondé sur la restriction budgétaire, un monétarisme sourcilleux et le moins-disant social), s’il permit de financer les politiques de déréglementation comme les systèmes de retraite par capitalisation outre-Rhin, tout en dopant les capacités exportatrices de la première puissance du Vieux Continent, aura fini par entraîner nombre d’économies dans la stagnation, la désindustrialisation, l’enchaînement des récessions, et à présent la déflation. Les dettes publiques et les déficits, au nom desquels on aura exigé des peuples tant de sacrifices, n’en auront du coup nullement été réduits. La Grèce, avec un endettement équivalent à 175% de son produit intérieur brut (mais aussi l’Italie, le Portugal ou l’Irlande, dont les situations ne cessent de se dégrader pour des raisons semblables), en atteste.

Ce qui aura, au cœur d’une zone euro à laquelle les logiques restrictives étaient censées apporter la stabilité, tout à la fois soulevé le problème de la gestion de la monnaie unique comme de ses retombées négatives sur diverses balances commerciales et, surtout, ouvert une fracture profonde entre les pays du Nord (emmenés par l’Allemagne) à la compétitivité dopée par la ”doxa” austéritaire et ceux du Sud éprouvant des difficultés croissantes à l’assumer. Et ce qui aura placé les populations les plus exposées (du Nord comme du Sud, il faut toujours le rappeler) aux assauts des marchés dans cet état d’exaspération ou de révolte sourde qui, selon les cas, aura pris la forme d’immenses protestations de rue, d’abstentions-sanctions envers les partis associés au système, de la progression des gauches anti-austérité, mais aussi, faute de projets alternatifs suffisamment crédibles, de l’essor menaçant des extrêmes droites et des populismes réactionnaires.

L’UE TOUJOURS PIÉGÉE PAR LE « TROP PEU ET TROP TARD »

Conscients qu’ils dansaient au-dessus d’un volcan et qu’ils risquaient, en ne faisant rien, de condamner tout le continent à une longue stagnation comparable à celle qui coûta si cher au Japon (même l’Allemagne subit à présent le ralentissement qui a déjà frappé ses voisins), les dirigeants de l’UE auront bien tenté de desserrer l’étau, y compris en affrontant l’inflexibilité de Berlin. Nouveau président de la Commission, Monsieur Juncker aura le premier annoncé un plan d’investissement de 315 milliards d’euros sur trois ans, destiné à financer de grands projets d’infrastructures. Monsieur Draghi, en sa qualité de président de la Banque centrale européenne, aura à son tour présenté un projet de rachats massifs d’actifs par son institution, manière détournée d’injecter plus de 1200 milliards d’euros dans l’économie de la zone euro.

Sauf que tout cela sera resté confiné dans ce « trop peu et trop tard » caractéristique du fonctionnement de l’Europe capitaliste depuis si longtemps. À travers l’une et l’autre de ces annonces, ces hauts dignitaires incapables de s’extraire du dogme néolibéral n’auront cherché qu’à amener les investisseurs à quitter la sphère spéculative pour revenir dans l’économie réelle. Une pure illusion, dans une configuration où il faudrait bien autre chose pour inciter le secteur privé à se tourner vers des activités productives dont les débouchés (et, par conséquent, les sources de profits) sont en l’état fort aléatoires. En d’autres mots, ils révèlent leur inaptitude à penser l’avenir hors de ce que les « Économistes atterrés », dans leur dernière production, désignent comme un ”« mythe »” reproduisant en permanence ”« sa cohérence idéologique »” et son ”« éthique de la responsabilité individuelle »”, dont ils résument en ces termes la profession de foi : ”« Le marché serait un système neutre et bienveillant, récompensant l’effort et incitant chacun à œuvrer dans le sens de l’intérêt général »” (in ”Nouveau manifeste des Économistes atterrés”,” Quinze chantiers pour une autre économie”, Les Liens qui libèrent).

L’entrée dans l’arène européenne de nos camarades de Syriza sera sans nul doute venue confirmer aux ayatollahs pétris de certitudes de l’Euroland qu’ils étaient en train de pénétrer dans la zone de tous les dangers. Car la gauche grecque ne ressemble en rien à ces responsables politiques que l’on pouvait jadis, en quelques injonctions bien senties, amener à résipiscence, à la manière dont on avait fait rentrer dans le rang les gouvernants d’Irlande ou encore le triste Monsieur Papandréou lorsqu’ils avaient manifesté de timides velléités de remettre en cause les prescriptions de la « Troïka ». Non seulement l’équipe Tsipras n’entend sous aucun prétexte trahir le mandat que le peuple lui a donné, non seulement elle n’ignore rien des conséquences dramatiques qu’entraînerait un nouveau reniement auprès d’une société poussée à bout et au sein de laquelle le parti néonazi se tient en embuscade mais, surtout, elle n’entend pas entrer dans un jeu de postures qui la conduirait très vite au plus terrible des échecs. Elle a l’intelligence du rapport des forces, et cela la rend encore plus redoutable aux yeux d’Importants n’ayant jamais été confrontés à une semblable configuration.

L’intransigeance avec laquelle les élites de Bruxelles et de Francfort auront abordé la négociation, au sein de l’Eurogroupe puis au Conseil européen, ne s’explique pas autrement. D’emblée, Monsieur Juncker aura résumé la vision ordolibérale qui préside depuis toujours aux destinées de l’Europe, considérant que ”« l’humeur générale en Europe »” n’a pas changé ”« au point que la zone euro cède sans condition au programme de gouvernement de Monsieur Tsipras »”. Voilà qui nous ramène quelques décennies en arrière… Au temps de l’Union soviétique, pour tout dire, lorsque les bureaucrates du Kremlin avaient inventé la doctrine de la ”« souveraineté limitée »”, en vertu de laquelle les pays du « Glacis » ne pouvaient s’écarter de la ligne une fois pour toutes déterminée par le parti-guide de Moscou. Nous en sommes bel et bien revenus à la même négation du droit des peuples à décider librement, par leur vote, de ce qui leur convient et… de la reconduction ou non des engagements internationaux pris par de précédents gouvernements. Et cette conception d’une démocratie sous conditions aura immédiatement été suivie de la décision de la BCE d’interrompre le versement des liquidités d’urgence nécessaires aux banques grecques. D’aucuns auront, à ce propos, évoqué un ”« coup de force financier »”… Le propos n’a rien d’excessif !

UNE BELLE LECON DE POLITIQUE

Depuis que, avec une délégation de Gauche unitaire, j’avais rendu visite à Alexis à Athènes, c’était en novembre dernier, je savais que Syriza avait comme principal atout son appréciation lucide et pointue de ses marges de manœuvre. Sans doute, eût-elle pu entrer dans une épreuve de force périlleuse, campant sur ses revendications légitimes à partir du seul constat que ses contradicteurs, et au premier rang d’entre eux la droite conservatrice allemande, ne peuvent guère prendre le risque d’un ”« Grexit »” (la sortie obligée de la Grèce de l’ensemble des pays se rattachant à la monnaie unique, opération au demeurant très difficile à conduire sur un plan juridique puisque les traités n’incluent aucunement cette hypothèse) aux retombées hautement imprévisibles et qui verrait l’intégralité des créances des principaux États se volatiliser. Elle ne s’y est pas risquée. Elle n’ignore nullement que c’est une nation épuisée – bien qu’ayant conservé sa fierté indomptable – qui lui aura donné la victoire. Ni qu’à l’échelle du continent, des mobilisations populaires pourtant impressionnantes auront toutes échoué à infléchir le cours des orientations mises en œuvre par les gouvernements (de sorte que le 25 janvier grec, autant que la poussée annoncée de Podemos en Espagne, ont paradoxalement pour toile de fond le recul des capacités d’initiative propres des mouvements sociaux).

D’où la proposition de « compromis » exposée par le nouveau Premier ministre de Grèce à l’occasion de sa tournée des capitales européennes : en échange du renoncement à exiger l’annulation pure et simple de tout ou partie de la dette, la mise en œuvre d’un vaste plan de restructuration de celle-ci, incluant de nouveaux emprunts indexés sur le taux de croissance du pays et se conjuguant à des obligations perpétuelles ; en contrepartie d’un excédent budgétaire primaire (c’est-à-dire hors paiement des intérêts de la dette) compris entre 1 et 1,5% du PIB, la mise en place d’un programme-relais d’aide à la Grèce jusqu’en septembre prochain ; avec la disparition d’une « Troïka » aussi détestée qu’ébranlée par son bilan calamiteux, la détermination de la nouvelle direction du pays à conduire son propre schéma de ”« réformes structurelles »” (non plus sur le dos du plus grand nombre, mais sur la base de la reconstruction d’un État digne de ce nom, d’une action déterminée contre la fraude ou l’évasion fiscales et, plus généralement, du recul de l’emprise des oligarques sur la vie économique), conjugué à l’engagement d’une politique sociale de nature à relancer l’activité (ce à quoi correspondent le rétablissement du salaire minimum à son niveau antérieur à 2010, la réembauche des fonctionnaires nécessaires à la bonne marche du service public, l’arrêt des privatisations, sans parler de l’adoption de mécanismes d’aide aux petits retraités…).

Si cette manière d’envisager les pourparlers avec les autres gouvernements a de quoi dérouter, ici, certains secteurs d’une « gauche radicale » prompts à guetter (lorsqu’ils ne la pronostiquent pas…) la trahison de quiconque ne se dérobe pas au défi du pouvoir, ceux qui ont vraiment à cœur d’aider la Grèce à se relever n’auront pas de difficultés à en percevoir l’intérêt. C’est, pour tout dire, une belle leçon de politique que vient de nous délivrer l’ami Alexis. Que nos camarades parviennent, sur leurs bases, à gagner le bras-de-fer en cours, et c’est l’avenir même de l’Europe qui peut s’en trouver bouleversé. Le rapport de force face aux tenants de l’orthodoxie libérale-monétariste s’en verra substantiellement amélioré. Démonstration sera faite que la détermination politique peut payer et commencer à extraire la construction européenne de l’ornière où elle semblait avoir versée pour longtemps. Le problème de la restructuration de la dette, et même de l’effacement de sa partie la plus illégitime, se retrouvera enfin à l’ordre du jour et, dans la foulée, sera rouvert le débat sur les alternatives à même de jeter les bases d’un nouveau modèle de développement, socialement ambitieux et écologiquement soutenable. Un espoir renaîtra, par conséquent, pour des millions d’hommes et de femmes, et cela aura inévitablement de bénéfiques retombées pour les mobilisations populaires un peu partout.

LA PLACE ESSENTIELLE DE LA FRANCE

Vous trouverez peut-être que j’insiste lourdement sur ce point. C’est que la partie va maintenant se jouer largement dans notre pays. Pour justifier la ratification du traité budgétaire qu’il avait à juste titre dénoncé durant sa campagne, François Hollande avait indiqué que la France ne pouvait seule assouplir la rigueur allemande. Pour légitimer ensuite sa politique de « l’offre » et les amputations pratiquées à la hache dans la dépense publique, il aura cherché à mettre en valeur son action pour équilibrer l’austérité au moyen d’une logique de « croissance » et d’investissement, arguant au surplus qu’il s’efforçait de convaincre ses partenaires de la zone euro de prendre en compte la difficulté que représentait la quête de l’équilibre budgétaire en période d’atonie économique et de déflation.

Ces arguties n’ont plus de fondements audibles… Si le chef de l’État veut sincèrement atteindre l’objectif de la réorientation et du redémarrage de l’Europe, il lui faut prendre appui sur les propositions des nouvelles autorités hellènes. Donc, les favoriser en s’efforçant, sur cette base relevant de l’intérêt général des peuples et des nations, de redéfinir les équilibres face à des dirigeants allemands arcboutés sur la ligne du « TINA » (« Il n’y a pas d’alternative » à une politique… ne faisant qu’épouser leurs intérêts au sens le plus étroit du terme) comme aux grands-prêtres de la religion de l’argent saisis d’effroi à l’idée que l’exemple grec puisse faire tache d’huile. Ce qui, en pratique, suppose d’abandonner au plus vite la position d’équilibriste que notre ministre des Finances, Michel Sapin, reprenait en ces termes dans un récent entretien accordé au ”Monde” : ”« Il faut respecter le vote grec et les règles européennes. »”

C’est donc avec une grande satisfaction que je note que telle est également la position de 50 parlementaires socialistes, allant d’ailleurs très au-delà des « frondeurs », lesquels écrivent dans une tribune publiée par le ”Journal du dimanche” : ”« La France doit porter une exigence politique claire qui parle aux Grecs comme à l’ensemble des peuples d’Europe, en appuyant l’exigence grecque de rendre soutenable le remboursement de sa dette, en prônant une véritable négociation européenne en lieu et place des injonctions de la ‘’Troïka’’, en soutenant la réduction de l’excédent primaire que l’État grec doit dégager, garantissant les investissements indispensables au redressement du pays et à la création d’emplois. Ainsi, la France assumera une nouvelle responsabilité politique à un moment décisif de l’histoire de l’Europe. Ce moment décisif nous engage tous, car nous pouvons ainsi obtenir la réorientation des choix de l’Union européenne. »”

À en croire les gazettes, l’hôte de l’Élysée a coutume de défendre en privé sa position en expliquant qu’il ne veut pas rassembler une Europe de gauche face à l’intégrisme néolibéral dont Madame Merkel est la figure de proue, car cela reviendrait à se contenter d’une ”« petite Europe »”. Une ”« petite Europe »” ? Vraiment ? Le constat manque singulièrement de recul. C’est, au contraire, la vision ayant conduit l’édifice continental au bord de la faillite à plusieurs reprises qui voit chaque jour le nombre de ses partisans se réduire.

Bien sûr, il demeure quelques plumitifs enfermés dans la récitation d’un catéchisme tournant de plus en plus à vide, tel Monsieur Leparmentier usant sans vergogne de sa chronique du ”Monde” pour exhorter le peuple grec à ne pas se dérober aux ”« réformes structurelles »”, ou Monsieur Le Boucher exigeant depuis sa sinécure douillette des ”Échos” qu’une population ivre de souffrances ne cherche pas à ”« échapper aux règles humaines »” (sic !). Mais les temps sont en train de changer, et leurs vitupérations ”ex cathedra” n’apparaissent plus comme la parole sacro-sainte du Dieu-marché. Aussi assiste-t-on à des débuts de retournements spectaculaires.

LES TEMPS CHANGENT, SOYONS À LA HAUTEUR

Je pense, par exemple, à la déclaration, en date du 9 février, de Gianni Pitella, le président du groupe des Socialistes et Démocrates du Parlement européen, demandant ”« que les institutions de l’UE et non la ‘’Troïka’’ négocient un plan global avec le gouvernement grec. L’Europe doit assurer à Athènes une souplesse budgétaire suffisante, qui lui permette de mettre en œuvre des réformes progressistes, de ranimer l’économie et d’aborder la réduction du chômage, de la pauvreté et des profondes inégalités sociales qui pèsent sur la population »”. Ou encore au propos de la vice-présidente du même groupe, Maria-Joao Rodrigues, que je ne résiste pas à l’envie de vous livrer longuement : ”« Le problème de la Grèce est aussi le problème de l’Europe. Il faut donner à la Grèce plus de temps pour rembourser sa dette, pour qu’il lui reste plus d’argent dans les caisses, afin de soutenir le nouveau programme de réformes progressistes et d’investissement. En effet, l’ampleur de la dette grecque – plus de 170 % du PIB – résulte en partie des programmes boiteux imposés par la ‘’Troïka’’ et fondés sur l’austérité, la réduction massive des coûts et des prévisions économiques erronées. Dans ces conditions, il serait cruel de demander à la Grèce d’avoir un excédent élevé au cours des prochaines décennies, juste pour maintenir le schéma de remboursement actuel. L’UE doit alléger le poids de la dette en baissant les taux d’intérêt et en allongeant le temps de remboursement, afin de permettre au pays d’investir dans la mise en place d’une économie saine. En échange, le gouvernement grec doit pleinement s’engager à mettre en œuvre des réformes progressistes ambitieuses. Celles-ci doivent viser la modernisation de l’administration publique, l’amélioration de la collecte fiscale, l’intensification de la lutte contre l’évasion fiscale et la corruption, l’investissement dans l’enseignement et la construction d’un système d’aide sociale et d’un système de santé effectifs. La manière dont la crise grecque sera traitée nous en dira long sur la capacité de la zone euro à s’attaquer à ses problèmes économiques et sociaux. Après des années de souffrance, la Grèce et l’Union monétaire et économique tout entière ont besoin d’une autre politique économique, fondée sur la croissance, l’investissement et la cohésion sociale. La zone euro a besoin d’instruments communs plus puissants et d’une solidarité accrue, faute de quoi elle sera confrontée à des problèmes politiques et financiers encore plus graves que ceux qu’elle a connus. »” Encore un peu loin du compte, m’objectera-t-on certainement. Peut-être. Mais, tout de même, quel chemin parcouru en quelques jours par un groupe qui, jusqu’alors, cogérait l’austérité avec les droites réunies dans le Parti populaire européen…

J’en conclus que nos propres responsabilités sont majeures. En rester à une solidarité platonique avec le peuple grec s’avèrerait très en deçà des enjeux. Nous étions quelques milliers, ce dimanche 15 février, à Paris. S’il s’agit, par cette nécessaire première démonstration de rue, de jouer en quelque sorte un rôle de « lanceurs d’alerte », c’est très bien. C’est, néanmoins, un mouvement d’une tout autre dimension qu’il convient de viser. Un mouvement d’opinion, qui s’emploie à convaincre une majorité de nos concitoyens qu’Alexis Tsipras et ses amis ne menacent pas la France d’un surcroît d’endettement, comme tentent de le faire croire la droite et les libéraux, mais qu’ils répondent au contraire aux besoins vitaux de tous les peuples. Une force qui, rassemblant sans exclusives toutes les énergies de gauche disponibles, se montre capable d’influencer la position de nos gouvernants et de les amener à se prononcer sans ambiguïté en faveur du compromis proposé par Athènes. Une pareille dynamique est parfaitement atteignable, si l’on se réfère aux prises de position relevées ci-dessus.

Je ne disconviens pas, pour autant, que la tâche fût considérable. Elle ne sera pas aisée à accomplir, dans un pays balayé de vents mauvais, en proie à des aspirations contradictoires, étouffé et désorienté par l’ignorance systématique de ses attentes depuis trop d’années. Il faudra surmonter toutes les préventions, celles notamment des syndicalistes et des militants associatifs à l’égard des partis, toutes les divisions, celles qu’entretiennent entre autres les attitudes contradictoires observées à l’égard de la gestion gouvernementale. C’est cependant la seule qui pût se situer au niveau de ce grand changement de la donne européenne, dont un peuple frère nous désigne le possible chemin.

Christian_Picquet

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