Sans changement de politique pour la rassembler, la gauche va à sa perte !

Seuls des baratineurs ou des inconscients pouvaient espérer un miracle : le second tour des élections départementales vient, hélas, d’amplifier les tendances du premier.

La gauche y a essuyé une défaite historique, en perdant la moitié des départements qu’elle dirigeait. Des collectivités fort anciennement orientées à gauche basculent, ce que ne pourront effacer quelques belles résistances, telles celles de Midi-Pyrénées et plus particulièrement de Haute-Garonne (avec mon ami Patrick Auzende, responsable de Gauche unitaire sur la région, je m’étais personnellement engagé en faveur du rassemblement sur le candidat de gauche qualifié dans chaque canton), et des victoires aussi savoureuses que celle du Val-de-Marne.

N’en doutons pas, les conséquences en seront catastrophiques pour la vie quotidienne de nos concitoyens, la droite ayant clairement indiqué son intention de démolir les dispositifs de solidarité qui sont essentiels aux plus fragiles. C’est la raison pour laquelle aucune voix de gauche n’eût dû manquer pour empêcher cette adversaire de toujours du monde de travail de sévir. Simplement !

Si, grâce notamment à un mode de scrutin injuste, l’alliance UMP-UDI est la principale bénéficiaire de ce qui apparaît comme un désastre pour notre peuple, le Front national voit, dans le même temps, son influence progresser fortement dans les cantons où il était présent. Sans doute, il aura manqué de souffle pour arracher les cantons et les départements qui lui semblaient promis la semaine passée. Les commentaires rassurants des porte-parole des partis d’alternance autant que des faiseurs d’opinion ne doivent toutefois pas tromper : l’extrême droite aura une nouvelle fois enregistré un vote en sa faveur d’un grand nombre de Français qui souffrent de l’austérité, du chômage, de la précarité et de l’exclusion. Elle se sera enracine comme jamais dans les territoires, et elle s’affirme un peu plus, en ce printemps, comme une force de pouvoir.

En un dimanche fort sombre, nul à gauche n’eût dû ignorer que c’est la fuite en avant libérale du président de la République et de son Premier ministre, leur soumission aux politiques de régression mises en œuvre dans toute l’Europe, qui ont conduit à cette Bérézina. Il était, de ce point de vue, insupportable, révoltant même, d’entendre Manuel Valls, peu après 20 h, indiquer qu’il avait bien entendu le message des citoyens mais qu’il persévérerait dans une action qui les désespèrent et met la République au seuil de tous les dangers.

L’heure est maintenant au sursaut. Au sursaut de toute la gauche… Il suppose un changement complet de cap afin de retrouver le chemin du peuple et de pouvoir de nouveau rassembler les énergies progressistes. Sans qu’une mobilisation exceptionnelle ne vînt imposer une perspective de progrès, de rupture avec l’austérité, de grandes mesures d’égalité et de justice, il est à craindre que la gauche tout entière aille à sa perte.

À cet égard, ne dissimulons pas notre plaisir d’avoir, dès les résultats tombés, entendu de nombreuses voix se prononcer en ce sens. Celles de personnalités socialistes comme Martine Aubry, des représentants du courant « Vive la gauche », ou encore de certaines figures d’Europe écologie-Les Verts, pour ne prendre qu’elles… Les différences entre les uns et les autres n’en sont pas effacées pour autant. Mais, au moins, un vaste débat peut enfin s’ouvrir et des initiatives fortes voir le jour un peu partout. Sur les solutions à apporter à la crise politique dans laquelle s’enfonce la France, autant que sur les moyens de construire un nouveau rassemblement de la gauche, sur une politique entièrement réorientée et pour aboutir à un gouvernement à même de remplacer l’équipe autiste qui nous conduit tous dans le mur…

Cela ne fait que placer le Front de gauche devant un choix qui déterminera son avenir. Il ne saurait poursuivre plus longtemps sur un chemin qui a rendu sa position illisible et ses propositions inaudibles pour le plus grand nombre, qui a écarté une partie de ses composantes du combat contre la droite entre les deux tours de la consultation, qui l’a ce faisant exposé aux accusations de division qui ont un peu plus brouillé son image, qui l’a empêché de porter avec efficacité une offre attractive dans le débat public.

Pour résumer la principale leçon de ce 29 mars : on ne doit plus perdre un instant !

Christian_Picquet

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