Quand Monsieur Valls avoue l’échec de sa politique…

Il ne fait aucun doute que les annonces du Premier ministre, ce 8 avril, vont être présentées, au choix, comme une inflexion de la gestion gouvernementale, une tentative de retrouver l’écoute du peuple de gauche, une concession aux « frondeurs », ou une ouverture à Martine Aubry dans la perspective du prochain congrès du Parti socialiste. Que l’on me permette d’y percevoir surtout l’aveu d’échec d’une politique.

Plus de cent milliards d’exonérations de toute sorte et de cadeaux fiscaux aux entreprises, sans contrôle ni contreparties, la lutte devenue obsessionnelle chez nos gouvernants de la baisse du coût prétendument excessif du travail, la pression à la baisse sur les salaires et les pensions n’auront, en effet, ni relancé l’activité, ni favorisé l’investissement, ni créé les emplois censés découler de la mise en œuvre d’une politique de « l’offre ». De même que la baisse considérable des dotations d’État aux collectivités territoriales, au nom de la diminution de la dépense publique, auront finalement pénalisé le dynamisme de l’économie et, singulièrement, freiné les grands projets locaux en matière d’infrastructures d’intérêt public, de logements construits, de transports, etc..

Mais il ne suffit pas, maintenant, de redéployer quelques centaines de millions d’euros en 2015, surtout lorsqu’ils sont conjugués à de nouvelles mesures fiscales en faveur des entreprises (celles-ci pourront ainsi « suramortir » leurs investissements en diminuant substantiellement leur part d’impôt sur les sociétés, à la grande satisfaction du Medef et de la CGPME), qui sortiront la France de l’impasse d’orientations libérales l’enfonçant dans une crise économique et sociale qui va s’aggravant. De même, ce ne sont pas des promesses aussi vagues que cosmétiques, en direction du plus grand nombre, qui répondront à l’attente des classes populaires et à la démoralisation de l’électorat de gauche, dont les élections départementales viennent de donner la mesure. Quant aux ”« dotations d’investissement spécifiques »” promises aux collectivités, elles n’auront pas pour vocation de rétablir la situation financière désastreuse de ces dernières, étranglées qu’elles se trouvent du fait des coupes drastiques pratiquées dans les versements de l’État, essentiels pour leur permettre d’assumer leurs missions d’intérêt général.

On remarquera, dans le même sens, que l’hôte de Matignon, tout en morigénant l’absence d’engagement du patronat en échange des cadeaux qui lui auront été consentis depuis deux ans, se sera bien gardé d’annoncer que la puissance publique entendait récupérer les sommes faramineuses que les plus grands groupes industriels et financiers n’ont utilisé que pour rémunérer grassement leurs actionnaires. En résumé, si (très) relative inflexion il y a bien, ni la politique de « l’offre », ni la rigueur budgétaire ne sont remises en question. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous ne sommes pas près de voir l’activité économique redémarrer massivement, le chômage régresser et le pouvoir d’achat s’améliorer.

L’urgence reste donc, bel et bien, à un changement franc de politique. En commençant par la remise en cause du « pacte de responsabilité » et de l’austérité imposée à la France, comme à tout le continent, par la Commission européenne et le pouvoir conservateur allemand. Pour pouvoir enfin dégager les moyens d’un très vaste plan public d’investissement, orienté vers la conversion écologique de notre économie, condition d’une réindustrialisation des territoires et donc d’une relance créatrice d’emplois… Pour financer une démarche de courage et les grandes avancées sociales qu’attend notre peuple, telle la Sécurité sociale professionnelle que revendique par exemple la CGT, au moyen d’une réforme fiscale mettant à contribution les revenus financiers des entreprises, les dividendes en augmentation constante dans les conseils d’administration des grands groupes et les placements spéculatifs… Pour reprendre le contrôle de l’activité bancaire, afin de réorienter le crédit en direction des petites et moyennes entreprises, dont le rôle peut être déterminant dans une sortie du marasme qui plombe notre Hexagone… Pour redonner du pouvoir d’achat au monde du travail, dans l’objectif que la demande populaire vienne de nouveau remplir les carnets de commande… Et pour pouvoir mettre en place un protectionnisme solidaire, seul à même de faire face aux mécanismes dévastateurs du libre-échangisme mondialisé…

En s’y dérobant, en poursuivant la logique du « pacte de responsabilité » et des coupes claires dans la dépense publique, Manuel Valls démontre qu’il n’a toujours rien compris aux enjeux du moment comme au message délivré par les urnes les 22 et 29 mars.

Toutes les énergies disponibles à une véritable politique de progrès doivent, plus que jamais converger pour imposer la grande bifurcation qui ne peut plus être différée. C’est le seul moyen d’arrêter la spirale infernale de la division des rangs progressistes et des défaites électorales. Bref, d’éviter que la gauche aille à sa perte dans les prochaines années.

Christian_Picquet

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