Faire du bilan de nos élus un atout décisif
J’aurai entamé l’écriture de cette note alors que se préparait le grand meeting unitaire de Montpellier, en soutien à la liste « rouge-verte » qui se présente aux suffrages des électeurs de Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon, liste sur laquelle je me présente, en troisième position sur le département de la Haute-Garonne. Ce rendez-vous aura fait figure d’événement à l’échelon national, grâce notamment à la participation de quelques figures de la gauche anti-austérité, tels mon ami Pierre Laurent, Cécile Duflot ou Noël Mamère. Il sera, par surcroît, intervenu alors que toutes les listes se trouvent désormais déposées, dévoilant la configuration précise des affrontements dont la première manche se dénouera, dans chacune des treize Régions, le 6 décembre. Et il aura suivi les toutes dernières Assemblées plénières des collectivités régionales, sous la forme où elles pré-existaient à la loi NOTRe, dont l’ultime mission aura été d’adopter les décisions budgétaires transitoires à même de permettre aux nouvelles entités redécoupées de se mettre au travail dès le 4 janvier prochain.
Parlons sans détours. Le paysage que dessine la confrontation électorale de cette fin d’année devrait mettre en alerte la gauche tout entière, par-delà les divergences que ne cessent de creuser les décisions du gouvernement. Si rien n’est encore joué, nul ne peut ignorer la probabilité d’une « vague bleue » qui viendrait balayer des représentations régionales jusqu’ici dirigées, pour la quasi-totalité d’entre elles, par des alliances progressistes. Nul ne saurait davantage faire comme si la possibilité ne cessait de grandir de voir l’extrême droite s’emparer d’une ou deux Régions, voire plus disent au demeurant les sondeurs, provoquant un séisme politique sans précédent dans notre pays depuis la Libération. Nul n’a, plus encore, le droit de détourner le regard des conséquences désastreuses de la balkanisation de la gauche, désormais évidentes lorsque le Premier ministre, entérinant la déroute de son parti et laissant entrevoir la liquidation pour laquelle il plaide depuis si longtemps, se déclare favorable au ralliement de celui-ci aux listes de droite pour tenter d’empêcher le Front national de l’emporter là où la menace plane. On peut bien, officiellement, à Matignon, n’évoquer que des « fusions techniques », c’est bien du renoncement à son identité originelle de gauche qu’il s’agit, lorsqu’on réserve au Parti socialiste le sort peu glorieux de roue de secours des politiques d’une droite singulièrement radicalisée.
C’est l’existence même de la gauche dans les années à venir qui apparaît clairement en jeu, dès lors que la proposition de Manuel Valls aurait pour effet d’effacer le clivage, pourtant de plus en plus aigu, entre la gauche et la droite, au prix de la restauration d’un bipartisme laissant aux prises, cette fois, les amis de Monsieur Sarkozy et ceux de Madame Le Pen. Hélas, alors que les listes de la gauche anti-austérité font profession de travailler à une alternative à une issue aussi fatale, ce n’est nullement ce qu’en retiennent généralement les grands médias. J’en aurai encore eu un aperçu avec la livraison de ”Libération” qui consacrait, ce 12 novembre, une double page à la convergence « Nouveau monde » que conduit, dans le grand Sud-Ouest, l’écologiste Gérard Onesta que je connais bien pour travailler avec lui au Conseil régional de Midi-Pyrénées. L’envoyé spécial du quotidien ne voulait manifestement percevoir dans cette expérience que la volonté de ”« passer devant le PS »”, ou encore de régler les comptes, au soir du second tour, lorsque se posera la question de la désignation de l’exécutif régional, avec la chef de file des socialistes, Carole Delga. Messages à tout point de vue contre-productifs, dont nous sommes certainement, pour partie du moins, quelque peu responsables ! Comment, en effet, me demandais-je en prenant connaissance du reportage de ”Libé”, les électrices et électeurs pourraient-ils y retrouver le moindre écho de ce qui les préoccupe au quotidien ?
Faire la différence le 6 décembre, nous porter à la conquête de ces hommes et de ces femmes qu’exaspère la dérive libérale du pack ministériel présidant actuellement aux destinées de la France, rendre espoir à tous ces abstentionnistes que désespère l’absence de différence perceptible entre les politiques mises en œuvre par les « partis de gouvernement » au gré des alternances, déjouer les pièges du « vote utile » sous toutes ses formes (y compris au profit… de l’extrême droite), c’est de toute évidence démontrer l’utilité de la nouvelle offre que nous souhaitons incarner. C’est préférer, aux discours généraux ou à des rhétoriques tournant désespérément à vide, la défense de quelques propositions répondant aux attentes sociales de nos concitoyens comme aux urgences qu’imposent les dégâts de l’austérité. C’est, plus encore, convaincre largement qu’un grand nombre d’élus animés par une certaine idée de l’intérêt général peut représenter un élément décisif afin, comme nous le préconisons, que les Régions agissent demain en boucliers sociaux et écologiques des populations, et donc que le plus grand nombre d’entre elles puissent rester à gauche. Comment mieux y parvenir qu’en revendiquant hautement le bilan de nos élus, quelles qu’aient pu être les réalités de terrain, au cours des presque six ans écoulés ? On me pardonnera de le faire, ici, en m’appuyant sur ma propre action en Midi-Pyrénées.
LA PREUVE PAR UN COMBAT DE GAUCHE DANS LES INSTITUTIONS
À l’occasion de la dernière session de mon Conseil régional, le 3 novembre, et alors que le président en activité depuis trois exercices s’apprête à se retirer, j’aurai eu l’occasion, au nom de mon groupe, de revenir devant l’Hémicycle sur le bilan de la mandature écoulée. Certes, ainsi que je l’aurai d’ailleurs rappelé à Martin Malvy, face auquel je « tirais » la liste du Front de gauche en 2010, nous aurons eu plus d’une fois l’occasion de « croiser le fer » sur des sujets primordiaux pour l’avenir des Midi-Pyrénéens, les derniers exemples en date étant la loi NOTRe, que nous avons combattue avec la dernière énergie tant elle nous paraissait de nature à mettre en concurrence les territoires plutôt qu’à les mettre en synergie, ou encore la privatisation de l’aéroport de Toulouse-Blagnac. Je pourrais aussi citer, comme autres exemples des batailles que nous aurons échoué à faire triompher, le refus des « partenariats public-privé » censés financer la Ligne à grande vitesse Paris-Bordeaux-Toulouse, le contrôle pour le moins insuffisant à nos yeux des aides versées aux entreprises ou aux « pôles de compétitivité », l’indispensable réorientation des investissements vers la relocalisation de l’économie, la substitution de la Région à l’État s’agissant des missions légales de celui-ci, les subventions facultatives à l’enseignement privé, la baisse des budgets consacrés à la culture ou la dégradation des politiques publiques dans ce secteur etc. Pour autant, que de beaux dispositifs à mettre à l’actif de la majorité sortante, nombre d’entre eux ayant été conquis à l’initiative de nos élus, toujours prompts à formuler des propositions innovantes ou à relayer les revendications du mouvement social ou des associations citoyennes !
Que l’on se rende compte de ce qui aura pu être changé dans l’existence courante de celles et ceux au nom desquels nous combattons. Pas une révolution des pratiques institutionnelles, bien sûr, dans un pays marqué par cette extrême délégation des pouvoirs aux exécutifs que la V° République aura porté à son paroxysme. Mais des acquis qui procèdent, au fond, du meilleur des traditions du mouvement ouvrier et qui consistent, dans l’institution, à profiter de chaque opportunité qui se présente pour améliorer le sort des plus défavorisés, pour faire reculer l’emprise des privilèges de la naissance et de la fortune, pour contrecarrer l’inégalitarisme forcené que génère le néolibéralisme, pour améliorer pas-à-pas le rapport des forces au bénéfice de tous ceux qui n’ont que leur solidarité à opposer à la violence des dominants…
Je l’avoue, ce n’est pas sans une certaine fierté que je peux aujourd’hui revendiquer la gratuité des transports pour les privés d’emplois comme la tarification spécifique accordée aux lycéens et étudiants… L’octroi, sur deux années, de quelque 1 250 000 euros à l’accès des lycéens les plus précaires aux cantines scolaires… L’ordinateur délivré pour un euro seulement aux lycéens les moins favorisés… La transformation de nombre de subventions aux projets industriels en simples avances remboursables… L’augmentation très substantielle du budget de l’économie sociale et solidaire… La défense du cadre national des diplômes face à la loi Fioraso, consacrée à l’enseignement supérieur et à la recherche… Le passage de 150 à 350 dessertes quotidiennes pour les trains régionaux… Le déploiement d’un plan rail sans équivalent dans l’Hexagone, assorti du renouvellement du matériel roulant… J’arrête là une énumération que vous risquez de trouver, à la longue, un tantinet fastidieuse.
De la même manière, élu après avoir porté un programme ambitieux autant que volontariste, je ne peux que me féliciter d’une série de vœux et motions, que j’aurai souvent défendue et que la Région Midi-Pyrénées aura fini par adopter. Pour qu’il soit mis un terme aux licenciements boursiers… Pour que les directives européennes cessent de contrevenir à la vision française des services publics et que reviennent dans la propriété publique toutes les entreprises privatisées par les pouvoirs de droite avant 2012… Pour que l’on revienne sur la baisse des dotations de l’État aux collectivités, et pour que soit instaurée, à rebours de l’austérité présente, une réforme fiscale dotant les Régions de ressources pérennes… Pour que soient abrogés les permis d’exploitation des gaz de schiste… Pour que la loi Macron et, singulièrement, le projet de libéralisation du transport en autocar soient abrogés… Pour qu’un moratoire soit décrété sur la convention Unedic portant sur le statut des intermittents du spectacle… Pour que la puissance publique intervienne dans la vente d’une filiale d’Airbus, Cimpa en l’occurrence, vente qui laisse entrevoir des restructurations de grande ampleur et un grand nombre de suppression d’emplois dans la filière aéronautique au cours des prochaines années et pour que soit, dans la foulée, élaboré un plan stratégique de défense et redéploiement de cette industrie, aussi essentielle à la souveraineté de la France qu’au développement de Midi-Pyrénées.
NOTRE DERNIER VŒU : POUR LA DÉFENSE DE L’EMPLOI À AIR FRANCE
Vous comprendrez sans doute la raison pour laquelle certains propos actuels, trop souvent entendus de la part de certains partisans d’une politique radicale à gauche, m’exaspèrent. Lorsque l’on n’affiche qu’incompréhension et mépris pour l’action dans les institutions et pour les élus qui la conduisent, non seulement on emprunte à la tradition de l’anarcho-syndicalisme davantage qu’à celles du socialisme et du communisme en France, mais on contribue à répandre la confusion autant qu’à désarmer notre camp social et politique. Ultime illustration de l’impérieuse nécessité de faire élire beaucoup d’élus engagés par leur détermination à concrétiser leur idéal de justice et d’égalité, le vœu que j’aurai, ce 3 novembre, défendu au nom de mes camarades, et auquel l’ensemble des groupes de la majorité régionale se sera rallié, en faveur ”« du maintien et du développement de l’emploi à Air France-KLM »”. Je vous le livre, ci-dessous, dans son intégralité. Il parle de lui-même. Parce que l’impact total du groupe sur l’économie régionale représente plus de 1,5 milliard d’euros et 2,03% du produit intérieur brut de Midi-Pyrénées, et qu’au total plus de 24 000 personnes sont concernés, directement ou indirectement. Et au moment où la direction de la compagnie annonce le licenciement, sans préavis ni indemnités, de salariés accusés d’avoir mis à l’épreuve la solidité des chemises de deux de leurs hauts cadres (sans que la justice ne se soit encore prononcée, faut-il le souligner auprès ce tous ceux qui, depuis les plateaux de télévision, n’ont à la bouche que ”« le respect de l’État de droit »” face à des salariés qui ont, simplement, peur pour leur avenir). Voici donc l’un des tout derniers vœux de la Région Midi-Pyrénées.
« Considérant que le « plan social » dit « Perform 2020 » viendrait entériner la suppression de plusieurs milliers d’emplois à Air-France-KLM, s’ajoutant aux 10 000 postes déjà disparus ces dernières années ;
« Considérant l’inquiétude grandissante et légitime des personnels et de leurs familles, qui s’est récemment exprimée au travers d’une importante manifestation à l’aéroport de Toulouse-Blagnac ;
« Considérant que le groupe Air-France-KLM a reçu 43 millions d’euros au titre du Crédit Impôt Compétitivité Emploi (CICE) en 2013, puis 66 millions d’euros en 2014 et en 2015 ;
« Considérant l’impact inévitable de ces suppressions de postes programmées sur l’activité de l’aéroport Toulouse-Blagnac, pôle majeur du développement économique et d’attractivité de notre Région, alors que des centaines d’emplois ont déjà été détruits depuis dix ans, notamment au centre de maintenance Air-France Industries ;
« Considérant que la menace pesant sur l’avenir même de la compagnie aérienne française serait de nature à accroître les difficultés qui s’annoncent pour l’industrie aéronautique en Midi-Pyrénées.
« Le Conseil régional, réuni en Assemblée Plénière le 3 novembre 2015, s’adresse au gouvernement pour lui demander :
« Que l’État, premier actionnaire d’Air-France-KLM, agisse en faveur de la sauvegarde de la compagnie, ainsi que pour la préservation et le développement de l’emploi en son sein, sans mise en cause des droits des salariés ni précarisation de leurs contrats de travail ;
« Qu’il soutienne la demande des organisations syndicales qui exigent de la compagnie l’ouverture de véritables négociations associant l’ensemble des catégories du personnel ;
« Que, dans le cadre de l’initiative de la table-ronde ‘’emploi-formation aéronautique’’, engagée à la demande du Conseil régional en 2013, les acteurs concernés poursuivent leurs travaux en vue de la définition d’une politique ambitieuse et innovante en faveur du développement économique et de l’emploi sur les prochaines années. »
Il nous reste trois semaines pour faire bouger les lignes d’une campagne à laquelle les Français commencent à peine à s’intéresser. Il est encore temps d’affiner nos arguments pour mieux faire percevoir notre différence. Partout, nos élus affichent des résultats qui, pour porter l’empreinte de leur situation minoritaire dans les majorités régionales, ne leur font pas moins honneur. Faisons-en un atout décisif !