La gauche, entre anéantissement et reconstruction

Résumons la situation au seuil de ce mois de janvier. L’année passée aura vu l’agonie du hollandisme gouvernant. Une agonie qui aura ouvert un véritable boulevard à une droite réorganisée autour de ses fondamentaux les plus revanchards et réactionnaires qui se puissent imaginer, comme à une extrême droite à laquelle personne ne semble plus vouloir contester la prétention à représenter « le peuple ». 2017 aura, dans ce contexte, pour enjeu de savoir si la marche à la débâcle pourra être stoppée et s’il demeurera, en France, une gauche en état d’incarner encore une solution de pouvoir pour les années à venir.

C’est un peu comme si, à une dizaine d’années de distance, se confirmait, dans ce pays focalisant depuis toujours les grandes tendances à l’œuvre sur le Vieux Continent, l’intuition de Fausto Bertinotti, lointaine figure de Rifondazione Comunista en Italie, estimant que la gauche européenne se trouvait devant le défi le plus difficile de son histoire, celui ”« de sa propre survie »” (in ”Alternativa per il socialismo”, août 2007).

Notre présidentielle, et le scrutin législatif qui lui succédera, vont en effet se dérouler à un moment charnière. Pour la France, l’Europe et la planète entière. Un moment où la transnationalisation du capital et les processus de financiarisation effrénés de l’économie mondiale auront un peu partout débouché sur des catastrophes : des tendances récessives et déflationnistes ; la menace, désormais permanente, d’éclatement de nouvelles crises spéculatives ; de faramineux reculs sociaux, avec l’aggravation des politiques austéritaires et le démantèlement des protections collectives du monde du travail ; la pérennité d’un chômage de masse et l’extension incessante de la précarité pour les classes populaires ; la perte vertigineuse de substance de la démocratie, principalement engendrée par le transfert de la réalité des pouvoirs vers des institutions opaques soustraites à tout contrôle public, et l’affaissement consécutif de la souveraineté des citoyens ; des situations de chaos, conjuguées à un enchaînement de turbulences paroxystiques à l’échelon de diverses nations ; une montée des tensions internationales sans équivalent depuis la Guerre froide…

Un moment aussi où, sur fond de révolte des peuples contre ce qu’on leur fait subir, le cycle du social-libéralisme, qui avait dominé les gauches d’un continent à l’autre sur deux ou trois décennies, se sera révélé une totale faillite : toutes les formations ayant fait le choix du renoncement face à la globalisation capitaliste ne seront parvenues qu’à tourner le dos à leurs bases travailleuses et à obscurcir, auprès de millions d’hommes et de femmes, l’horizon d’une perspective transformatrice. Monsieur Martin Schulz, ancien président du Parlement européen et adversaire probable de la chancelière Merkel aux élections générales allemandes, se doit ainsi de reconnaître la menace mortelle pesant sur sa famille de pensée : ”« La social-démocratie est en péril ”(…). ”La justice et la démocratie sont radicalement remises en question : la justice par l’évolution économique objective, et la démocratie par les dégâts collatéraux qui résultent de ces déséquilibres. On s’en prend aux piliers fondamentaux du mouvement social-démocrate.” (…) ”Ça ne va pas, ça pousse les gens sur les barricades, et à juste titre »” (”Le Monde” du 6 janvier 2017). Pathétique, venant de l’un des principaux artisans de la conversion d’un large pan de la gauche continentale aux dogmes de la compétition à outrance, du libre-échangisme sans rivage, de la ”« réforme »” des marchés du travail, de ”« l’esprit d’entreprise »”…

De toute évidence, l’Europe est devenue la plaque sensible de ce changement complet de configuration. Avec, tout d’abord, l’effondrement de la conception qui aura présidé, dès le départ, à la construction d’une Union européenne agissant pour le seul compte des marchés et des banques, visant à la généralisation du dumping social ou fiscal et de la flexibilité du travail, bafouant la volonté des populations, et s’alignant sur le leadership impérial des États-Unis. Avec, également, ces crises politiques systémiques qui auront successivement frappé l’Autriche, l’Espagne, la Belgique, l’Italie ou encore la Grande-Bretagne et la France, guettant maintenant jusqu’à l’Allemagne. Avec, enfin, les reflux concomitants de la social-démocratie, dont les dirigeants se seront au fil du temps mués en hérauts « progressistes » de la contre-révolution libérale : ce Pasok entraîné dans une quasi-disparition de la scène politique grecque ; ce Parti socialiste autrichien (l’un des fleurons de la II° Internationale) guetté par la marginalité avec ses 11% recueillis lors de la dernière élection présidentielle ; ce Labour britannique et ce SPD allemand enlisés dans une panne de projet ne les autorisant même plus à disputer le pouvoir aux conservateurs ; cette défaite cuisante de Monsieur Renzi et de son Parti démocrate au référendum italien du début décembre ; sans parler de cette piteuse renonciation de François Hollande à solliciter des Français le renouvellement de son mandat…

Cependant, alors que la ”doxa” néolibérale aura fini par rencontrer ses limites, et que les stratégies de ceux qui la croyaient indépassable se seront révélées un fiasco lamentable, le problème vient du fait que n’apparaît nulle part à gauche d’alternative crédible, c’est-à-dire à même de conquérir l’adhésion d’une majorité de citoyens. À moins que, lorsqu’une telle relève aura surgi et cherché à retrouver le chemin des travailleurs, comme cela aura été le cas en Grèce avec Syriza, on ait tout fait pour l’abattre ou, à tout le moins, pour lui interdire de mettre en application son programme. Aussi, l’espace laissé vacant s’avère-t-il maintenant occupé, de Vienne à Rome, de Bruxelles à Londres, et jusqu’à Berlin, par des aventuriers de la pire espèce, des droites recourant sans vergogne à la plus détestable des démagogies identitaires, voire des extrêmes droites fascisantes. Ce qui aura ouvert, à chaud, un débat dans l’ensemble des gauches européennes, voyant celles-ci se polariser entre ceux qui veulent aller au bout de la conversion au nouveau capitalisme, et qui veulent pour cela rompre définitivement avec l’idée de compromis social ayant historiquement fondé la spécificité de la social-démocratie, et ceux qui s’orientent vers une recomposition cherchant à sortir de l’atonie gestionnaire pour retrouver un enracinement populaire.

C’est, pour dépeindre l’enjeu auquel nous sommes confrontés, une course de vitesse qui se trouve partout engagée. Entre l’aggravation des dévastations déjà initiées au fil des années, ou carrément les solutions du pire dont les peuples feront dramatiquement les frais quoiqu’elles prétendent répondre à leurs attentes, et la reconstruction de perspectives capables de faire renaître l’espoir du changement politique et social. Le défi se révèle tel que l’on ne saurait se satisfaire de raisonnements routiniers, de postures de témoignage, d’envolées tribunitiennes aussi plaisantes soient-elles à l’oreille, de démarches résumées à l’occupation du seul espace de la radicalité. C’est à la définition d’une visée dont l’ambition apparaisse clairement majoritaire au plus grand nombre qu’il convient de s’atteler. Et cela suppose de chercher à rassembler le plus largement possible.

POUR RECRÉER UNE DYNAMIQUE, SE PORTER AU CŒUR DE LA GAUCHE

S’agissant particulièrement de la France, et parce que ce qu’il s’y déroulera dans quelque cent jours aura valeur de test sur l’ensemble de notre continent, il importe de parler sans détour. On peut, bien sûr, se féliciter du dynamisme de la campagne de Jean-Luc Mélenchon, considérer qu’elle porte avec brio l’exigence de rupture avec des logiques marchandes et financières promettant le plus sombre avenir au salariat et à la jeunesse, espérer qu’elle bouleversera les rapports de force politiques si elle parvient à devancer le candidat désigné par le Parti socialiste. On se doit tout autant, si l’on prétend du moins être utile à celles et ceux au nom desquels on agit, de faire preuve de lucidité.

Il ne suffira pas d’égaler, voire d’améliorer, le score du Front de gauche en avril 2012, ni d’arriver en tête de la gauche en réunissant de 10% à 15% des suffrages exprimés pour accéder au second tour de l’élection présidentielle, y battre la droite, conjurer le danger que représente le Front national, envoyer par la suite à l’Assemblée nationale un nombre suffisant de députés pour s’opposer aux projets destructeurs de l’adversaire.

Il faut, pour recréer une dynamique et reconstruire une majorité politique dans le pays, travailler à réunir les forces vives de la gauche. Ces forces vives qui, dans toutes les enquêtes d’opinion, disent vouloir rester fidèles à leurs valeurs. Qui, plus précisément, dans un sondage Ifop réalisé à l’occasion de la dernière Fête de ”L’Humanité”, affirmaient à 78% que la gauche pouvait agir sans se renier lorsqu’elle accède aux affaires, ou qui, à 60%, considéraient qu’une meilleure redistribution des richesses constituait le premier objectif à atteindre.

C’est à ces hommes et ces femmes, qui donnèrent voici cinq ans la victoire à François Hollande pour se débarrasser de Nicolas Sarkozy, qu’il convient de s’adresser. Sans croire qu’on les ralliera par la seule force de persuasion de sondages flatteurs, dont chacun connaît pourtant le caractère aléatoire, surtout à plusieurs mois du verdict des urnes… Sans leur demander de renoncer à leurs sympathies originelles, qu’elles soient socialistes, écologistes ou autres… Sans chercher à ignorer ou, pire, à nier la persistance, en dépit de la calamiteuse action menée depuis cinq ans au sommet de l’État, du clivage entre une droite qui ne rêve que d’infliger la plus dure des punitions à notre peuple, et une gauche en laquelle des millions d’hommes et de femmes continuent à chercher une réponse à leurs besoins de justice et d’égalité…

Il serait, pour cette raison, terriblement illusoire d’imaginer que ce peuple de gauche, qui s’obstine à se reconnaître sous cet intitulé bien que l’on ne cesse de lui répéter que la ligne de fracture gauche-droite est devenue obsolète, pourrait aujourd’hui se regrouper naturellement derrière une candidature qui ne s’identifierait pas à une volonté de dialogue. Dialogue, cela va sans dire, avec celles des composantes de notre camp qui manifestent l’intention de tourner la page d’un quinquennat ayant sacrifié tous ses engagements pour conduire les orientations souhaitées par le grand patronat et la Commission de Bruxelles. Jean-Luc Mélenchon qui, après le vote des communistes, dispose dorénavant du soutien de l’ensemble des composantes de ce qui fut le Front de gauche, devrait en tirer toutes les implications et, s’il veut rendre à la gauche sa capacité de gouverner sans bafouer ses mandants, repositionner sa campagne.

Foin de considérations diplomatiques ! Je ne peux me retrouver en phase avec le candidat de la « France insoumise » lorsque, répondant aux questions du ”Monde” du 6 janvier, il traite avec une ironie frisant le mépris ce grand nombre de sympathisants socialistes qui veulent, d’un même mouvement, sortir des affres de la gestion gouvernementale des cinq années écoulées et retrouver, face à la droite et au Front national, le chemin de l’unité à gauche. Il leur dit : ”« Jusqu’à présent, l’ultime justification du candidat socialiste, c’était d’être en tête dans les sondages. Il se présentait alors comme le ‘’vote utile’’. Actuellement, le PS est en troisième position derrière Monsieur Macron et moi-même. Dans ces conditions, sans projet et sans avantage électoral, à quoi bon un candidat du PS ? »” Il est cependant fort imprudent de fonder sa stratégie sur les sondages (Jean-Luc Mélenchon le sait mieux que d’autres, lui qui était donné à 17% ou 18% des intentions de vote quelques jours avant le premier tour de la présidentielle de 2012 et qui aura fini à 11%, performance à l’époque appréciée de tous). Surtout, la morgue, insupportable lorsqu’elle tombe des lèvres de hauts hiérarques du PS pétris de prétentions hégémoniques, n’est pas plus acceptable dans la bouche de celui qui s’imagine à présent une grande destinée.

UNE « PRIMAIRE » DONT L’ENJEU DÉPASSE LE PARTI SOCIALISTE

Cela m’amène, évidemment, à la « primaire » des 22 et 29 janvier prochains. Elle ne sera organisée que par la « Belle Alliance populaire », autrement dit par les seuls partis soutenant encore l’exécutif. Les formations extérieures à ce cadre, tels le Mouvement républicain et citoyen, le Mouvement des progressistes ou Nouvelle Donne, en auront été écartées. Le Parti communiste, quant à lui, avait un temps suggéré qu’il soit préalablement discuté d’un socle programmatique commun. Si cette option avait été retenue, la votation citoyenne aurait pu être organisée à partir d’une base politique suffisamment convergente sur le fond, et chacune des forces s’y trouvant impliquée aurait pu s’engager à soutenir celui ou celle que les électeurs auraient majoritairement désigné. Voulant que la « primaire » devienne seulement un exercice de légitimation d’une nouvelle candidature de François Hollande, la direction du Parti socialiste aura délibérément fait échouer cette proposition. Las ! Le forfait du président sortant aura finalement réduit à néant le scénario imaginé rue de Solferino.

Que la gauche soit à présent divisée sur ce rendez-vous, que les écologistes autant que les composantes du Front de gauche n’aient pu s’y retrouver compte tenu des conditions où il aura été organisé, n’atténue néanmoins pas son importance. Tout un pan de notre camp, dont nul ne peut encore apprécier l’importance, s’y retrouvera et suivra avec intérêt ses débats préparatoires. Il n’est, à cet égard, pas anodin que, selon une enquête Ifop réalisé pour ”Atlantico” le 27 décembre dernier, 42% des sondés affirment s’intéresser ”« beaucoup ou assez »” à cette consultation (à titre de comparaison, ils n’étaient que 34%, en septembre 2016, à répondre à l’identique à propos de la « primaire » de la droite), et que cette appréciation concerne 80% des sympathisants du PS, mais aussi 59% de ceux du Front de gauche et 43% de ceux d’Europe écologie. Au total, ce ne sont donc pas moins de 65% des électeurs de gauche qui partagent une appréciation positive de l’événement.

Au demeurant, il ne peut échapper à personne que ce sont des approches clairement antagonistes qui se confrontent dans ce scrutin. On me dit parfois que les prétendants socialistes ont tous été ministres du même président de la République. C’est incontestable. À ceci près que deux d’entre eux, Arnaud Montebourg et Benoît Hamon, ont quitté le gouvernement sur un désaccord publiquement exprimé avec la politique d’austérité. Qu’un troisième, Vincent Peillon en l’occurrence, semble surtout s’être mis sur les rangs pour atténuer la charge accusatoire pesant sur les résultats du clan aux affaires depuis 2012, et pour réhabiliter insidieusement la ligne de renoncement devant les impératifs capitalistes.

Et que le dernier, Manuel Valls, quoiqu’il se veuille toute honte bue le chantre du rassemblement de la gauche et de l’abrogation de l’article 49-3 de la Constitution, ne pourra guère faire oublier en deux semaines ce ce qu’il aura été trois années durant. Un Premier ministre qui aura décrété la gauche irrémédiablement fracturée et appelé à recomposer au centre la vie politique, pourfendu les ”« rigidités »” supposées du droit du travail, exalté les cadeaux fiscaux au patronat, justifié au nom de la ”« modernité »” le travail dominical, dénoncé les protections des chômeurs ou des intermittentes du spectacle, refusé l’amnistie aux syndicalistes condamnés pour avoir défendu les salariés, recouru aux procédures arbitraires à sa disposition pour museler sa majorité parlementaire, justifié la répression meurtrière d’une mobilisation écologiste dans le Tarn, repris à son compte une rhétorique nauséabonde à l’encontre des Roms ou des migrants, achevé son parcours ministériel avec la déchéance de nationalité ou la loi travail.

Les différences entre les candidats ne sont, par conséquent, nullement anecdotiques, dès lors que les uns se situent dans le prolongement de ce quinquennat agonisant, et que les autres mènent campagne en faveur d’une autre politique. Libre à chacun, bien sûr, d’énumérer à l’infini les désaccords que soulèvent tel ou tel point des programmes d’Arnaud Montebourg ou Benoît Hamon. J’y reviendrai, pour ma part, dans une prochaine note. Il n’en reste pas moins que le résultat des votes aux deux tours de la « primaire » mesurera un rapport de force et pèsera sur le devenir de la gauche tout entière.

En fonction de celui dont le nom sortira des urnes, pourra être reposée la question cruciale de l’unité à gauche au service du progrès social, d’une nouvelle donne écologique et du renouvellement démocratique, ou sera, au contraire, aggravée une division de nature à miner les ripostes aux provocations néolibérales et à la montée en puissance de l’extrême droite. C’est, très probablement, ce qui conduira de très nombreux électeurs et électrices à se rendre aux isoloirs à la fin du mois. Quelles que soient leurs affinités partisanes, et même s’ils se sentent plutôt éloignés du Parti socialiste.

MENER LE DÉBAT SUR LA SORTIE DE LA CRISE FRANÇAISE

C’est, encore une fois, la raison pour laquelle je regrette si profondément que Jean-Luc Mélenchon n’ait pas voulu engager le débat avec les candidats de la « primaire » qui s’y montraient disposés. Car, même pour celles et ceux que ne se trouvent pas directement impliqués dans cette bataille électorale, celle-ci présente l’opportunité de rouvrir une vaste réflexion sur les voies et moyens d’une sortie de la crise française.

À examiner précisément ce qu’avancent les socialistes de gauche, les sept axes mis en avant par le PCF, ou encore les propositions du postulant d’EELV à cette présidentielle, ressort une série de grandes questions à partir desquelles pourrait s’initier un nouveau rassemblement de la gauche. Ces questions sont aisément identifiables.

Comment disputer le pouvoir à la finance, échapper à la toute-puissance des banques, engager l’action pour redistribuer les richesses, en finir avec une austérité mortifère, affronter les défis du capitalisme numérique et d’une crise écologique menaçant l’avenir de la planète, mettre enfin l’économie au service du bien commun ?

Quelles avancées sociales doivent être au cœur d’une offre politique mobilisatrice, s’inscrivant dans la lignée des conquêtes du Front populaire ou de la Libération, afin de viser la restauration du plein emploi, sécuriser les parcours professionnels et les temps de formation des salariés, faire du travail un vecteur d’émancipation et non plus d’aliénation ?

Par quels chemins deviendra-t-il possible de soustraire à la cupidité des actionnaires les secteurs qui sont le fleuron de notre économie, concentrant un savoir-faire remarquable de leurs salariés et de leurs cadres, et d’initier une relocalisation des entreprises sur l’ensemble de l’Hexagone, tout en inscrivant un nouveau projet industriel au cœur d’un modèle de développement écologiquement soutenable ?

Par quels processus lutter contre les « fractures françaises », promouvoir une réelle égalité des territoires, redéployer les services publics et élargir leur champ d’action, replacer l’école au centre de l’effort public, afin d’assurer à tous et à toutes une place dans la République ?

Bref, autour de quel pacte pour le redressement national, le progrès social, la relance de la machine économique et l’émancipation des grandes féodalités financières, peut-on faire converger, comme en son temps le programme du Conseil national de la Résistance, les secteurs ayant un intérêt commun à échapper aux ravages du néolibéralisme : le salariat, les catégories populaires, les classes moyennes, les dirigeants de petites et moyennes entreprises étranglés par le système bancaire, le monde agricole en voie de paupérisation, la jeunesse en formation et celle qui se trouve déjà dans le monde du travail  à moins qu’elle ne soit enfermée dans le précariat ?

De quelle manière, aussi, refonder notre construction républicaine, en finir avec la monarchie présidentielle, redonner le pouvoir aux Assemblées et en revenir à un mode de scrutin assurant la juste représentation de tous les courants d’opinion, réhabiliter la souveraineté du peuple et relever la citoyenneté, lutter contre les phénomènes d’exclusion sociale et ethnique, refaire de la laïcité le ciment de notre vivre-ensemble, prendre à bras-le-corps le défi du terrorisme sans jamais renoncer à défendre et étendre les libertés publiques ?

Par quels objectifs, de court et moyen terme, permettre à la gauche de réinvestir le terrain de la construction européenne, afin de briser le cercle infernal de l’impuissance ressentie par le plus grand nombre devant le mécanisme fou du libéralisme généralisé et du libre-échangisme intégral, en articulant une série d’exigences concrètes destinées à réorienter les politiques mises en œuvre à cette échelle, avec la défense des bases d’un nouveau traité, fondateur d’une union de nations souveraines et de peuples solidaires ?

Peut-on redonner à la France un cap, ce qui implique qu’elle retrouve une place conforme à son histoire dans l’arène internationale, en la plaçant à l’avant-garde des combats complémentaires pour la paix, pour des solutions de justice aux crises déstabilisant des régions névralgiques, pour la protection des peuples face aux destructions de la globalisation, pour un nouvel universalisme supposant notamment une ONU redéfinie dans ses missions et ses moyens, pour un développement solidaire et équilibré entre les différentes zones de la planète ?

Pour le dire brièvement, nous entrons dans une séquence, très courte en ce qu’elle s’achèvera dans les jours qui suivront le second tour de la « primaire », où il apparaît possible de renouer les fils du débat que le hollandisme rendait impossible à gauche. Non une confrontation académique, à l’occasion de laquelle chacun s’efforcerait de faire valoir ses particularités, mais une discussion loyale destinée à vérifier si peuvent s’esquisser les contours d’une plate-forme de salut public susceptible de réunifier notre camp face aux dangers mortels dont il se voit menacé. Arnaud Montebourg vient de dire que, sortant vainqueur le 29 janvier, il proposerait à Jean-Luc Mélenchon et à Yannick Jadot de travailler à un programme commun. Ne pas saisir cette main tendue, ce serait prendre sa part à un cataclysme annoncé…

Christian_Picquet

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