Le vote Roussel, choix d’un autre avenir pour la France
Cette curieuse campagne avait débuté sous les auspices de la prédiction autoréalisatrice de la Macronie, annonçant le duel de son champion avec la représentante de l’extrême droite au second tour de l’élection présidentielle. Elle s’était poursuivie dans le fracas médiatique organisé par certains, faisant de l’immigration ou de la place des musulmans en France l’unique enjeu de la compétition électorale, alors que tous les sondages, sans exception, révèlent qu’une très large majorité du pays fait du pouvoir d’achat, du devenir de notre système de santé ou de l’école, des inégalités, ses préoccupation prioritaires. Elle se retrouva percutée par le surgissement de la guerre à l’Est de l’Europe, l’invasion de l’Ukraine par les troupes du régime de Vladimir Poutine agissant comme le puissant révélateur de la déstabilisation que connaît la globalisation capitaliste, et confrontant l’humanité tout entière au spectre d’une possible troisième guerre mondiale. Elle s’achève avec la reprise de la sempiternelle ritournelle du « vote utile »…
Ceux qui, cyniquement, croient astucieux de reprendre à leur compte un argument qu’ils dénonçaient lorsqu’ils en étaient eux-mêmes les victimes, concourent à aggraver la fracture entre la politique et les citoyens. Si le vote motivé par la conviction de la justesse d’un programme doit s’effacer derrière des considérations d’opportunité exclusivement fondées sur les sondages, dont chaque scrutin a pourtant démontré le caractère aléatoire, un très grand nombre de nos compatriotes en tirera immanquablement la conclusion que ses suffrages ne sont plus libres. Cela les confortera dans le sentiment qu’ils se trouvent, par conséquent, privés de toute capacité de peser sur le futur du pays.
« PRÉSIDENTIELLE DE CRISES »
Que l’on prenne, de ce point de vue, bien garde à ce qui pourrait faire soudainement basculer cette compétition électorale, rendant extraordinairement aventureuses les opérations tacticiennes. Un temps vitrifié par les déflagrations des bombes sur les villes d’Ukraine et par la menace d’une confrontation nucléaire entre les grandes puissances — je reviendrai plus tard que la redistribution des cartes qui dessine présentement un nouvel ordre du monde, chaotique et anxiogène comme jamais depuis 1945 —, le débat politique se ré-ordonne radicalement à quelques jours seulement du premier tour du scrutin cardinal de notre V° République. Ce n’est pas pour rien, qu’en prenant manifestement la mesure, Le Figaro pouvait titrer, le 1° avril : « Une présidentielle de crises. »
L’inquiétude devant l’avenir, qu’avait instillée dans les esprits la pandémie de Covid-19 et que la militarisation présente des relations internationales aggrave considérablement, favorise très classiquement les tendances au repli et à la recherche de solutions d’ordre. Feignant de mépriser l’arène électorale, consentant à peine à y défendre un programme, le président sortant aura cyniquement joué de ce ressort, préférant faire « travailler la poutre » des contradictions minant ses oppositions, afin que son statut de candidat « officiel » vînt lui ouvrir grandes les portes d’une réélection dans un fauteuil. De fait, longtemps, rien ne parut pouvoir le menacer, Madame Le Pen se voyant ébranlée par la candidature concurrente d’un Zemmour, Les Républicains se montrant incapables de déployer un projet de droite cohérent, et la gauche stagnant à son plus bas étiage depuis des lustres.
Sauf que… Si la peur peut anesthésier les réactions citoyennes et asphyxier la démocratie, il lui arrive également de coexister avec des réactions de colère. À l’image de ce qu’avait provoqué, dans les premiers mois de la crise sanitaire de 2020, la révélation de la désintégration de l’État et de notre système de santé sous les coups de boutoir des prescriptions austéritaires frappant l’Europe, l’actuelle flambée des prix de l’énergie et des produits de première nécessité, accentuée par les tensions internationales et les opérations spéculatives qui leur sont concomitantes, aura rendu littéralement insupportable la dégradation des conditions d’existence du plus grand nombre de nos compatriotes.
Les élites possédantes se montrant rétives à s’extraire de leurs dogmes néolibéraux — à moins qu’elles en fussent incapables —, les questions du pouvoir d’achat, de l’augmentation indispensable des salaires, des inégalités seront venues de nouveau cristalliser l’exaspération du pays profond. D’autant que, sans doute trop sûr de sa victoire et cherchant à devenir le leader incontesté d’une droite en quête de recomposition, le monarque élyséen se sera hasardé à présenter pour le futur un brutal programme de casse sociale, marqué entre autres par la promesse du passage à 65 ans de l’âge du départ à la retraite, l’obligation pour les allocataires du RSA de consentir à un travail au rabais, et l’amplification du processus de démantèlement de l’Éducation nationale et de l’université sous l’effet de logiques concurrentielles délétères.
Dominique Reynié, le directeur de la très droitière Fondation pour l’innovation politique, a trouvé le mots justes pour analyser l’état de l’opinion française : « Aujourd’hui, 49% des Français ont d’ailleurs une image positive des ‘’Gilets jaunes’’. Dans notre indicateur, depuis septembre 2019, c’est le niveau le plus haut. Cela signifie que pour près d’un Français sur deux la protestation spontanée, non institutionnelle, anomique, y compris quand elle est violente, relève d’une forme dans laquelle ils se reconnaissent » (Le Figaro, 1° avril 2022).
Les manoeuvres de circonstance, quoi qu’elles puissent éventuellement grappiller quelques points dans les intentions de vote, ne sauraient se hisser à la hauteur de la gravité d’un pareil moment politique. L’enjeu n’est pas de savoir si une candidature peut accéder au second tour du scrutin présidentiel et ainsi permettre à un autre protagoniste que la présidente du Rassemblement national de se couler dans un débat avec Emmanuel Macron, sans vraie chance toutefois de l’emporter au final. Il est de commencer à réunir les conditions du débouché politique progressiste dont a besoin une France entrée en convulsions sourdes.
LE TRAVAIL, LA SOUVERAINETÉ, LA RÉPUBLIQUE
C’est à cet égard que la candidature de Fabien Roussel est le vote du choix de l’avenir, et que cela fonde sa nécessité pour celles et ceux qui s’y reconnaissent. Le candidat investi par les communistes n’est pas simplement une personnalité sympathique, en qui chacun et chacune peut aisément se reconnaître, qui parle de ce qui fait le quotidien des Françaises et des Français, qui est un élu de terrain et qui offre, de ce fait, une autre image de la politique.
Il est tout cela, bien sûr, mais plus fondamentalement il porte un projet novateur, qui tire jusqu’au bout les leçons des politiques qui ont conduit aux échecs catastrophiques du passé, ou qui n’ont en rien aidé aux rassemblements et aux mobilisations du monde du travail. À quoi servirait-il, au nom d’une « utilité » parfaitement hypothétique, de reconduire des votes qui, en 2012 ou en 2017, ont tous contribué à la désintégration présente de la gauche ?
À l’inverse, le vote Roussel est le seul qui place le travail, autant que celles et ceux qui ne vivent que de ce travail, au coeur d’un projet visant à la reconstruction d’une France de la justice et de l’égalité.Le travail représente la première richesse de la nation. Le monde du travail, dans son immense diversité — des ouvriers et des employés à la majorité des agriculteurs, des agents du service public aux cadres subissant à leur tour l’incertitude de l’avenir, d’une jeunesse en proie à une précarisation ravageuse aux petits entrepreneurs et artisans désormais sous la coupe des donneurs d’ordres et des banques —, constitue l’écrasante majorité de notre société. Dire que le travail doit payer grâce à de vrais salaires et à de bonnes retraites, que l’heure est venue d’éradiquer le chômage en sécurisant l’emploi et la formation tout au long de la vie, que les salariés doivent pouvoir décider de l’avenir de leurs entreprises comme de ce que le pays produit, qu’il est grand temps de reprendre le contrôle des grandes féodalités économiques et financières qui ont disloqué notre société, n’est-ce pas là une visée transformatrice que notre candidat est le seul à porter ?
Le vote Roussel est également le seul à vouloir reconstruire l’indépendance de la France, afin qu’elle pût porter porter à l’échelle de la communauté des nations une perspective de paix et de sécurité humaine, et aussi qu’elle recouvre sa souveraineté énergétique, sanitaire, alimentaire, industrielle.Plus encore, il est le seul à en proposer les moyens, défendant le besoin que la puissance publique et la population reprennent la maîtrise des principaux leviers de commande, grâce notamment à des nationalisations d’un type nouveau. Coup sur coup, l’épreuve épidémique des deux dernières années et le danger de guerre s’invitant sur le Vieux Continent en prouvent l’urgence. Pour relever les défis des délocalisations, d’un libre-échangisme ravageur, des révolutions technologiques ou informationnelles de ce XXI° siècle, de l’instabilité de l’ordre du monde, de la précarité énergétique ou de la mal-bouffe, du dérèglement climatique, la France des Jours heureux ne se distingue-t-elle pas par la grande ambition d’un nouveau modèle de développement, liant indissolublement justice sociale et exigence écologique ?
Le vote Roussel est, au surplus, le seul à se fixer l’objectif de la République refondée, partout, au service de tous et de toutes.Les soubresauts cataclysmiques qui affectent la mondialisation marchande et financière appellent des orientations de rupture avec cette course aux dividendes d’actionnaires sans scrupules, ces logiques de privatisation de tout ce qui relève du bien commun, cette austérité qui a privé l’État de ses capacités d’intervention au service de l’intérêt général. Rebâtir des services publics étendus et démocratisés, mettre un terme à la mise en concurrence des territoires pour garantir l’égalité de tous et toutes devant la loi commune et le droit social, faire d’une laïcité réaffirmée le vecteur de la cohésion de la société, conduire une politique progressiste de tranquillité publique, en finir avec la monarchie présidentielle pour redonner le pouvoir au peuple, n’est-ce pas là l’originalité du projet de réformes enfin heureuses, répondant aux aspirations du grand nombre ?
UNE GAUCHE NOUVELLE POUR SORTIR DES ÉCHECS DU PASSÉ
Le vote Roussel est, au final, le seul à porter l’objectif d’une gauche reconstruite et de nouveau rassemblée, parce qu’elle aura retrouvé le chemin des classes travailleuses et populaires, parce qu’elle aura renoué avec son projet originel : reprendre le pouvoir sur la finance et faire prévaloir la satisfaction des besoins humains sur le calcul égoïste du capital.
Ce n’est pas faire preuve de cruauté excessive que de dresser ce constat : si la gauche est tombée aussi bas dans les sondages, c’est que les composantes l’ayant si longtemps dominée ont généré le découragement, qu’elles ont trahi aux affaires les attentes de celles et ceux qui leur avaient fait confiance ; si la candidate du Parti socialiste ne parvient pas, dans cette campagne, à redonner du crédit au projet qui était traditionnellement celui de la social-démocratie, un compromis social évitant l’affrontement au capital pour le résumer brièvement, c’est qu’elle et ses amis n’ont pas voulu tourner la page des errements du passé, et singulièrement de ce quinquennat calamiteux qui fut celui de François Hollande ; si les écologistes peinent à être au niveau des aspirations d’un très grand nombre d’électeurs et d’électrices, en particulier de jeunes, c’est qu’ils ne portent toujours pas la perspective d’une rupture avec un modèle capitaliste qui, dans son court-termisme et sa soif inextinguible de profits, a entraîné ces désastres environnementaux et climatiques qui placent présentement la planète au bord du gouffre ; et si la France insoumise n’apparaît pas une issue majoritaire possible à la crise de notre camp social et politique, c’est que les 19% de son candidat de 2017 — et d’aujourd’hui — n’ont nullement servi, en cinq ans, à unir largement la gauche pour faire face aux attaques des classes dirigeantes.
En décidant de présenter leur candidature à ce scrutin présidentiel, les communistes n’ont à aucun moment voulu affaiblir leurs concurrents et partenaires, ils ont souhaité faire bouger les lignes au sein de la gauche, afin que cette dernière redevienne une alternative de pouvoir. C’est d’ailleurs le sens qu’ils auront d’emblée donné à la proposition, adressée à l’ensemble des formations de gauche, d’un pacte commun d’engagements législatifs destiné à faire élire le plus grand nombre possible de députés de gauche — et parmi eux de députés communistes — dans la prochaine Assemblée nationale.
D’ores et déjà, nous pouvons nous féliciter d’avoir porté, dans le débat public, des questions qui, sans notre présence, auraient été évacuées, à commencer par l’augmentation indispensable des salaires, la souveraineté énergétique de la France, le droit de chacun à bénéficier d’une alimentation de qualité, la réindustrialisation de nos territoires et la relocalisation des productions, la priorité à accorder à la jeunesse, le besoin de répondre à toutes les attentes des classes populaires — y compris leur droit à vivre en sécurité —, ou encore l’impérieuse nécessité de relever la République pour qu’elle devînt enfin sociale, démocratique, laïque, féministe et écologiste.
Et si, le vote de ce 10 avril donnait de la force à Fabien Roussel, s’il le plaçait même en tête de la gauche, ne serait-ce pas un formidable coup de tonnerre, de nature à redonner de l’espoir et de l’énergie aux mobilisations sans lesquelles un changement durable n’a jamais été au rendez-vous ? Ne serait-ce pas un atout majeur pour demain, pour qu’existe de nouveau dans notre pays une gauche défendant les intérêts populaires, non pour témoigner en leur faveur, mais pour les porter jusqu’au pouvoir en créant les conditions d’une nouvelle majorité politique ? Telle est la question que toutes et tous doivent maintenant se poser…
Il nous reste quelques jours seulement pour confirmer l’élan de la campagne autour de Fabien Roussel. En une poignée de mois, elle est déjà devenue la nouveauté de cette confrontation politique de première importance, démentant les pronostics intéressés qui l’annonçaient inévitablement marginalisée. C’est maintenant sur le terrain, dans les porte-à-porte, à l’occasion des « apéroussels » auquel le candidat a appelé pour convaincre les hésitants, ou encore au contact de nos collègues, de nos amis, des hommes et femmes qui s’interrogent, qu’il s’agit de transformer l’essai. Chaque minute, désormais, compte, ce vote peut changer le destin du pays…