Gloire et honneur aux insurgés du ghetto de Varsovie

Ce 19 avril était la date-anniversaire de l’insurrection du ghetto de Varsovie. Un événement de portée universelle, dont pourtant la gauche a souvent négligé de porter le message. Cette année, le Parti communiste français avait tenu à marquer symboliquement son hommage aux combattants morts au nom de l’égalité entre les êtres humains et du respect de leur dignité. À Paris, un rassemblement avait été organisé place Marek Edelman, l’un des dirigeants du soulèvement, l’un aussi de ses très rares survivants. Une gerbe du secrétaire national du PCF aura été déposée, en présence de très nombreux élus communistes de la capitale, dont deux des adjoins à la maire, Laurence Patrice et Ian Brossat. Je reproduis ici l’intervention que j’aurai eu j’honneur d’y prononcer au nom du parti, ainsi que le message que Fabien Roussel avait lui-même posté sur les réseaux sociaux, le matin même.

« Du 19 avril au 16 mai 1943, il y a donc 80 ans, face à l’achèvement de l’entreprise d’extermination dont le ghetto de Varsovie se trouvait menacé, quelques centaines de jeunes Juifs, garçons et filles, se soulevaient.

« Pendant presque un mois, malgré un équipement dérisoire, ils allaient défier la puissance des SS et les contraindre même, dans un premier temps, à faire retraite.

« Durant les combats, 6000 Juifs moururent ou se suicidèrent.

« Avec l’écrasement de la résistance armée, 7000 autres furent fusillés sur place. Des dizaines de milliers d’hommes et de femmes furent déportés vers les camps de la mort. La grande synagogue de Varsovie fut détruite.

« L’anéantissement du ghetto aura été à la mesure de la destruction méthodiquement organisée par les nazis et leurs supplétifs de la vie juive à l’Est de l’Europe.

« Le Parti communiste français a voulu aujourd’hui rendre hommage aux combattants du ghetto et à toutes les victimes de la barbarie hitlérienne. 

« Je remercie l’Union des Juifs pour la Résistance et l’entraide, née le 21 avril 1943 du rassemblement des organisations clandestines juives des deux zones, ainsi que Mémoire des Résistants juifs-MOI de s’être associés à cet hommage. 

« Je donnerai tout à l’heure la parole à leur représentant, Claude Sarcey.

« Nous sommes ici d’abord, parce que celles et ceux qui s’insurgèrent alors étaient inspirés par les idéaux des Lumières et du mouvement ouvrier. 

« Ils venaient du Bund, de Hashomer Hatzaïr, du PPS, du Hechalutz. Ils agissaient de concert avec l’Armée populaire, dirigée par les communistes. 

« Certains voulaient échapper aux persécutions et aux pogroms en émigrant en Palestine, la plupart voulaient simplement voir reconnaître leurs droits à vivre libres sur la terre qui les avaient vus naître.

« Nous sommes ici ensuite, parce que toutes et tous se battaient simplement pour la dignité humaine, sans distinction d’origine ou de religion.

« Marek Edelman, dont nous honorons aussi la mémoire en ce qu’il fut l’un des principaux dirigeants de l’Organisation juive de combat et aussi l’un des rares survivants à avoir pu témoigner, relatera en 1945 comment lui et ses camarades en étaient venus à la décision de se battre plutôt que de se laisser tuer passivement.

« Il relate cette scène, vécue à l’arrivée des troupes nazies : ” Un jour, j’avais vu un attroupement rue Zelazna. Les gens se pressaient autour d’un tonneau de bois sur lequel se tenait un petit Juif âgé. Il portait une grande barbe. À ses côtés, s’agitaient deux officiers allemands (…) avec de grands ciseaux de tailleur. Ils lui coupaient sa longue barbe par mèches, en se tordant de rire… C’est là que j’ai compris que le plus important était de ne pas se laisser poser sur un tonneau, jamais et par personne. 

« Enfin, nous sommes ici pour dire que la bataille de la mémoire concerne tout à la fois la gauche, la République et la France.

« Aujourd’hui, alors que la guerre ensanglante de nouveau l’Europe, des Juifs sont assassinés dans notre pays parce que Juifs, la réalité de la Shoah est niée, des musulmans sont stigmatisés et des lieux de culte sont profanés, des discriminations de toute nature se multiplient contre les exilés et les réfugiés80° anniversaire de l’insurrection du ghetto de Varsovie

« Il s’est même trouvé, à l’occasion de la dernière élection présidentielle, un représentant de l’extrême droite pour reprendre sans honte le discours des Ligues factieuses et antisémites de l’entre-deux guerres.

« Les combattants du ghetto nous invitent à ne jamais accepter, à ne jamais laisser faire.

« Avant de conclure, permettez-moi de vous donner lecture du message que Fabien ROUSSEL a publié ce matin sur les réseaux sociaux.

« Il y a 80 ans, le 19 avril 1943, débute l’insurrection du ghetto de Varsovie.

« Depuis l’occupation de la Pologne par les troupes hitlériennes, la population juive y vit dans la terreur permanente. 

« Elle subit l’enfermement, la faim, les épidémies, les rafles, les exécutions sommaires, l’application des sinistres « décrets de liquidation » qui vont conduire aux déportations massives vers le camp de Treblinka.

« Lorsque Himmler donne l’ordre à son représentant de détruire complètement le ghetto, il n’y reste plus que 70 000 hommes, femmes et enfants.

« Alors que l’entreprise d’extermination nazie s’abat sur toute l’Europe, que les Juifs sont laissés dans un tragique isolement international, mais aussi que la bataille de Stalingrad paraît annoncer la débâcle future du III° Reich, les organisations du mouvement ouvrier juif se préparent à la lutte armée dès 1942.

« Ils vont former l’Organisation juive de combat.

« Comme le dit alors l’un des cadres de leurs organisations de jeunesse, Abramek Bortensztein : ” Nous ne mourrons pas à genoux. 

« Le 19 avril, lorsque la police allemande et les SS pénètrent dans le ghetto, ils se heurtent donc à une résistance acharnée, qui les contraints dans un premier temps à se retirer.

« Mal armés face aux chars, à l’artillerie et aux lance-flammes des nazis, quelques centaines de jeunes Juifs, garçons et filles, vont tenir jusqu’au 16 mai.

« Leur détermination leur vient de la conviction qu’ils se battent pour la dignité et pour l’égalité entre les êtres humains sans distinction.

« C’est d’ailleurs pourquoi, le 1° Mai 1943, ils célèbrent avec éclat la Fête internationale des travailleurs. 

« L’Internationale retentit dans le ghetto.

« Marek Edelman, l’un des cinq dirigeants du soulèvement, et l’un de ses rares survivants, dira plus tard : ” Jamais encore l’Internationale n’a été chantée dans des conditions aussi tragiques. 

« Dans le monde entier, l’insurrection du ghetto inspirera les forces qui résistent à l’occupation nazie. À l’image, dans notre pays, de la section juive de la Main-d’Oeuvre immigrée qui agit au sein des Francs-Tireurs et Partisans.

« Rendre hommage aux combattants du ghetto, aux milliers de victimes de ces jours tragiques, comme aux millions de morts de la Shoah, c’est aujourd’hui rappeler à quelles horreurs mènent les idéologies de haine.

« À gauche, et tout particulièrement pour les communistes, le combat pour la mémoire est un impératif. 

« Il doit d’autant plus être porté que, jusque dans notre pays, les extrêmes droites renaissent, que des groupes fascisants sèment la violence, que l’antisémitisme tue de nouveau, que le racisme stigmatise au quotidien des hommes, des femmes, des enfants du fait de leurs origines, de leurs couleurs de peau, de leurs religions.  

« Toutes et tous ensemble, soyons mobilisés pour dire ” Plus jamais ça ! ”

« Faisons vivre au quotidien les idéaux de la République une, fraternelle, universaliste.

« Soyons plus que jamais les artisans d’un monde de justice, de solidarité, d’égalité et de paix.

« Gloire et honneur aux combattants du ghetto de Varsovie. Leur exemple nous inspire. »

Christian_Picquet

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