L’ombre (toujours) portée d’Auschwitz

Cette note a été modifiée le 31 janvier

On peut, on doit devrais-je dire plutôt, craindre que l’événement n’ait pas été commémoré à la hauteur de l’abomination à laquelle il commença à mettre fin. Je veux parler de la libération du camp d’Auschwitz que l’on vient de célébrer. La mémoire universelle s’avère, en effet, toujours à entretenir et à reconstruire, si dépendante qu’elle est de contextes par définition fluctuants. Les cérémonies, aussi empreintes de solennité et aussi indispensables fussent-elles, sont rarement suffisantes pour empêcher que l’impensable se reproduise. Et, reconnaissons-le, le moment présent n’est pas particulièrement propice à la mobilisation des consciences autour de ce qui demeure le symbole d’une folie criminelle à nulle autre pareille. Lorsque l’Armée rouge entra, le 27 janvier 1945, dans le complexe d’Auschwitz (Auschwitz I, Birkenau et Monowitz), seules les plus hautes autorités des États alliés contre le III° Reich savaient que les chambres à gaz et les fours crématoires que l’on allait y découvrir venaient de servir à la plus grande entreprise d’extermination raciale de l’histoire humaine. Auschwitz, pour reprendre l’expression de l’historienne Annette Wieviorka, devenait pour toujours « le plus grand cimetière juif, polonais et tzigane, avec plus de 1,1 million de morts » (La Croix, 23 janvier 2025). La libération des autres centres de mise à mort (Belzec, Sobibor, Treblinka, Madjanek et Chelmno), tous construits entre octobre 1941 et juillet 1942, suivie de la révélation des horreurs commises à l’occasion de ce que l’on désigne désormais comme « la Shoah par balles » ou de la destruction des ghettos d’Europe de l’Est, allaient mettre en lumière la réalité terrible : selon les historiens, entre 5,8 et 5,9 millions de Juifs, hommes, femmes et enfants, avaient été assassinés par le régime nazi.

Grâce aux chercheurs — de l’Israélien Saul Friedlander au Français Tal Bruttmann, en passant par l’Américain Raul Hilberg et son monumental ouvrage, La Destruction des Juifs d’Europe —, aux militants de la mémoire (de Léon Poliakov ou Simon Wiesenthal à Serge Klarsfeld), ou aux survivants, on sait dorénavant presque tout du processus à travers lequel se déploya la machine de mort hitlérienne. À partir de 1933, le système concentrationnaire qui s’imposa à l’Allemagne — dans les premiers temps pour enfermer les opposants communistes, socialistes, syndicalistes ou simplement démocrates — allait créer les conditions de la purification de la « race aryenne », obsession que le fondateur du nouveau régime exprimait à l’envi dans son livre-programme Mein Kampf, la liant indissolublement à son projet d’étendre par la guerre « l’espace vital » du Reich. 

La dynamique exterminatrice s’était accélérée progressivement, à travers les dispositions ségrégatives féroces mises en place à l’encontre de la population juive d’Allemagne, de la politique d’expropriation systématique des biens juifs à la Nuit de Cristal, avant que l’eugénisme nazi ne commence à éliminer à leur tour tous ceux dont l’existence même était considérée comme une menace pour l’intégrité allemande, les « asociaux » comme les malades mentaux ou les homosexuels. Le génocide n’allait pas tarder à s’organiser, de 1941 à la fin de la guerre, revêtant cette dimension industrielle et planifiée qui devait lui conférer son exceptionnalité. 

Le crime fut d’autant plus aisé à perpétrer que les Juifs furent laissés seuls face à leurs bourreaux. Dès les années 1930, on assista d’abord à l’instauration en Europe de politiques restrictives contre l’entrée des travailleurs et des réfugiés juifs fuyant l’Est où ils étaient réduits à partager le « pain de misère » — pour reprendre l’expression utilisée par  l’historien Nathan Weinstock dans son ouvrage consacré au mouvement ouvrier des Shtetels (Maspéro 1984) —, et où ils subissaient tourments et pogroms. Puis, en juillet 1938, alors que les persécutions battaient leur plein outre-Rhin et que les troupes hitlériennes venaient de violer le Traité de Versailles en envahissant l’Autriche, il y eut cette réunion de trente-deux États à Évian, décidant de laisser les mains libres à Hitler, ce que le gouvernement français de l’époque résumait en ces termes dans un mémoire adressé au pouvoir national-socialiste : « Aucun des États ne conteste au gouvernement allemand le droit absolu de prendre à l’égard de ses ressortissants des mesures qui relèvent uniquement de l’exercice de sa souveraineté. » Le silence ultérieurement observé par les Alliés sur la Shoah, dont ils connaissaient pourtant parfaitement la réalité, ceux aussi de la hiérarchie vaticane ou de la Croix-Rouge, avaient été inscrits dans cet acte de capitulation devant la barbarie totalitaire.

PERMANENCE DE L’ANTISÉMITISME

Il fallut ensuite deux ou trois décennies avant que, s’affranchissant des contraintes de la reconstruction nationale et des vicissitudes de la Guerre froide, une vue d’ensemble parvienne à se frayer un chemin, permettant que fût enfin distingués l’univers concentrationnaire nazi, vers lequel furent précipités tant de résistants, et une machine génocidaire qui s’était initialement fixée pour objectif d’éliminer onze millions d’êtres humains de la surface de la Terre. Un projet qui, dans son incomparable monstruosité, le rend jusqu’à nos jours unique à l’échelle de l’histoire. Ce qui, évidemment, n’atténue en rien l’ignominie des autres génocides perpétrés durant le XX° siècle, celui des Arméniens ou celui des Tutsis. Mais nous confronte, en revanche, à cette interpellation déroutante qu’est la survivance de l’antisémitisme. 

Huit décennies après l’Holocauste, comment donc ne pas relever ce trait récurrent majeur que représente la détestation des Juifs, à travers les siècles et sur tous les continents ? De l’antijudaïsme chrétien cherchant à effacer le « déicide » prétendument commis par les Juifs, à l’antisémitisme moderne stigmatisant un « peuple d’errance » supposé s’accaparer richesses et pouvoirs tout en pervertissant les nations où il s’était établi, pour en arriver aux récentes manifestations de haine resurgies de la nuit des temps et reprises par certains courants se revendiquant bien abusivement de la cause palestinienne, les mêmes stéréotypes, les mêmes fantasmes complotistes, les mêmes accusations phobiques se firent jour, par-delà des configurations ne présentant pourtant aucune similitude. 

Après tant d’autres, l’historien Moise Postone a souligné la spécificité caractéristique de cette aversion à travers le temps : « Toutes les formes de l’antisémitisme ont en commun l’idée d’un pouvoir attribué aux Juifs : le pouvoir de tuer Dieu, de déchaîner la peste ou, plus récemment, d’engendrer le capitalisme ou le socialisme. La pensée antisémite est une pensée dans laquelle les Juifs jouent le rôle des enfants des ténèbres. (…) Probablement, toutes les formes de racisme prêtent à l’Autre un pouvoir potentiel. L’antisémite se figure que le pouvoir des Juifs est réel et caché. Il agit comme une mystérieuse présence insaisissable, abstraite et universelle. Étant donné que ce pouvoir n’est pas fixé concrètement, qu’il n’est pas ‘’enraciné’’, il est ressenti comme immensément grand et difficilement contrôlable. Il est censé se tenir derrière les apparences. Sa source est donc cachée, conspiratrice. (…) L’antisémitisme moderne se caractérise donc par son caractère systématique. Il prétend expliquer le monde : un monde rapidement devenu trop complexe et menaçant pour beaucoup » (cité par Jonas Pardo et Samuel Delor, Petit Manuel de lutte contre l’antisémitisme, éditions du commun 2024).   

LES CRISES ET LEURS BOUCS-ÉMISSAIRES

C’est le propre des grands moments de crise que de voir des élites dirigeantes, ou des formations politiques ou religieuses, proposer à leurs sociétés des boucs-émissaires censés fournir une explication aux apparences rationnelles à tout ce qui semble incompréhensible au plus grand nombre. De par leur histoire, les fonctions qui ont pu leur être assigné à tel ou tel moment, les persécutions innombrables dont ils ont pu être l’objet et qui alimentent les croyances les plus ténébreuses, les Juifs ont été tout désignés pour occuper ce rôle. Ils n’ont pas été les seuls, loin de là, et ce serait entretenir les confusions qui opposent pour le pire des populations entre elles, que d’entrer dans d’atroces concurrences victimaires. Il n’empêche ! La stigmatisation des populations juives a traversé les époques et franchi toutes les frontières, s’adaptant sans cesse aux circonstances, se renouvelant, se recomposant. Avec toutefois cette constante d’être rarement resté dans le domaine du verbe pour se traduire en passages à l’acte. À l’exemple du terrible 4 juillet 1946, alors que l’enfer des camps venait à peine d’être connu du monde, où la ville polonaise de Kielce fut le théâtre d’un nouveau pogrom, au cours duquel périrent 42 Juifs, la plupart rescapés de l’anéantissement. 

La situation présente voit la globalisation capitaliste entrer dans la tourmente. D’où la partie la plus démunie de la planète sort exsangue… Où les concurrences féroces entre puissances et empires multinationaux engendrent les guerres et dessinent à l’horizon un possible conflit mondialisé… Où le droit international cède le pas aux logiques de force brutale… Où des peuples deviennent les otages de dictatures et de fanatismes religieux ou ethniques… Où le dérèglement climatique menace la survie d’espèces entières et la vie humaine elle-même. Cet univers anxiogène favorise l’ascension concomitante d’extrêmes droites ayant tôt fait de retrouver leurs fondamentaux racialistes et d’un islamisme totalitaire prêchant le jihad et l’avènement d’États régis par la Charia. Il contribue à la renaissance spectaculaire de l’hydre judéophobe. Le 7 Octobre, avec l’assassinat froid autant que méthodique de 1200 Israéliens fauchés au nom d’une Palestine épurée de ses Juifs, en fut la première des manifestations au retentissement mondial. Dans la foulée, signes d’une montée alarmante des périls, la destruction de Gaza au prix de dizaines de milliers de cadavres palestiniens, la désignation à la tête des États-Unis d’une administration peuplée de suprémacistes héritiers du Ku Klux Klan, ou encore la renaissance en Allemagne d’un parti ne dissimulant plus son inspiration néonazie comme ses intentions négationnistes, créent un environnement favorable au renouveau de l’exécration du Juif ou, plus généralement, de l’étranger.  

SYMBOLE D’UN POURRISSEMENT

Parce que sa Grande Révolution donna, à l’échelle du continent européen, le signal de l’émancipation des Juifs et de leur libération des règles qui les tenaient jusqu’alors en lisière des sociétés, notre pays a pour particularité d’avoir systématiquement vu l’antisémitisme flamber lorsque la République s’affaissait, ou qu’elle avait été abattue. Devenu empereur sur les ruines du processus révolutionnaire interrompu par Thermidor en 1794, Napoléon ne désignait-il les Juifs comme « des sauterelles et des chenilles qui ravagent la France » ? La crise multiforme que nous traversons présentement, dès l’instant où elle est in fine une crise de la République, nous voit ainsi en proie à une vague d’actes visant nos compatriotes juifs : 1570 ont été recensés l’an passé, un chiffre qui, après celui de 2023, s’avère sans précédent depuis la Libération. 

Le pogrom du 7 Octobre en Israël en fut l’un des déclencheurs, bientôt suivi des bombardements aveugles de la Bande de Gaza dans leur dimension apocalyptique. Ce qui conduisit, au mieux, à ce qu’une frange de la population hexagonale relativise l’exceptionnalité insoutenable du génocide nazi, au pire, à ce que certains courants se parant de radicalité à gauche s’emploient à retourner contre les Juifs, assimilés aux dirigeants israéliens, l’accusation de génocide. Que l’on s’entende toutefois bien. Nombre de celles et ceux qui utilisent cette terminologie le font en toute bonne foi, croyant de cette manière crier leur indignation devant les crimes de masse commis en série par Benyamin Netanyahou et ses comparses d’extrême droite contre le peuple palestinien. Ils n’en contribuent pas moins, en toute innocence sans doute, à brouiller les mots, donc à embrumer les consciences. Nourri de l’expérience tragique du Second Conflit mondial, le droit universel s’est en effet doté, à partir du procès de Nuremberg, d’un corps de concepts que les institutions et juridictions internationales ont pour mission d’appliquer aux événements venant ensauvager l’humanité. C’est à ces instances, dans la mesure où elles disposent seules des moyens d’établir la véracité des faits, qu’il revient de statuer sur les qualifications, l’enjeu étant trop grave pour que l’on se hasardât à jouer d’approximations hasardeuses.   

Pour me montrer plus précis, le grand danger vient aujourd’hui du fait que l’extrême droite n’est plus seule à distiller ses paroles de stigmatisation (auxquelles elle n’a jamais renoncé, chaque jour en apporte la confirmation), certains à gauche (très minoritaires, fort heureusement) adoptant désormais une posture frayant avec l’antisémitisme le plus classique. C’est le cas, par exemple, lorsque les intéressés refusent de condamner les atrocités terroristes commises par le Hamas ou font de celui-ci un mouvement de résistance…  Lorsque, au nom de la justice devant être rendu aux Palestiniens, ils abandonnent la revendication de deux États vivant côte-à-côte pour mieux légitimer l’idée de la destruction d’Israël, niant du même coup que la création de cet État ait été l’un des effets différés de la Shoah… Lorsque l’opprobre liée dans leurs bouches au mot « sionisme » sert en fait à associer les Juifs à une entreprise de domination « blanche » ou « coloniale» d’opprimés qui chercheraient, dans des idéologies mortifères comme l’islamisme, le chemin de leur libération… Lorsqu’ils dénoncent le lobbying prétendu des institutions juives de France… Ou lorsqu’ils s’aventurent à évoquer (à l’instar de Jean-Luc Mélenchon) la responsabilité de « ses propres compatriotes» dans la mise à mort du Christ. Peu importe, à cet égard, que les courants en question le fassent par pur opportunisme en cherchant à bénéficier électoralement des affirmations communautaristes qui se manifestent dans divers quartiers, qu’ils se contentent d’aller au bout de la tentation identitariste qu’induisent les théories « décoloniales » lorsqu’elles assimilent les Juifs à Israël et à « l’impérialisme occidental », ou qu’ils n’aient fini par s’auto-inoculer le virus qui amène à traquer des complots imaginaires qui agiraient en secret contre les peuples. Ils contribuent à désagréger le camp de l’émancipation, en rompant avec tout ce qui a fait du mouvement ouvrier une grande force porteuse d’humanisme, d’égalité et de fraternité.

On n’éloignera pas le péril grâce aux seules armes de l’éducation ou du travail de mémoire. L’engagement politique, celui qui me concerne le plus directement, est absolument essentiel. Le passé n’en fait-il pas foi ? Parce que le combat contre les phobies antijuives est à renouveler en permanence, si la gauche y renonce, ce sont les défenses immunitaires du corps social tout entier qui cessent d’agir. Le grand rabbin de France, Haïm Korsia, a sur ce plan parfaitement raison lorsqu’il affirme : « Les sociétés qui laissent prospérer l’antisémitisme finissent par pourrir de l’intérieur, car l’antisémitisme est le début d’une haine de soi, qui mène la société à la désagrégation » (Le Figaro, 9 janvier 2025).

Je forme, par conséquent, le voeu que ce 80° anniversaire de l’innommable soit l’occasion d’un sursaut aussi durable que nécessaire. Que les forces vives de la gauche, le monde du travail et de la création dans sa diversité, toutes celles et tous ceux qui n’entendent à aucun prix renier l’héritage des Lumières et de la Raison, concluent entre eux un pacte. Pour prendre la tête de la riposte chaque fois qu’un Juif ou une Juive, de même qu’un étranger ou une étrangère, sont touchés dans leur dignité ou leur intégrité physique. Pour ne plus laisser sans réaction des paroles nauséabondes ou chargées d’ambiguïtés. Pour mettre au ban de notre camp social et politique quiconque s’aventurerait sur le terrain de l’abjection antisémite, que celle-ci fût ouvertement assumée ou simplement suggérée. Pour refuser tout soutien, ou toute participation à des coalitions politiques, de candidatures qui, par leurs gestes ou leurs écrits, encourageraient au sein de la population ces divisions qui sont le terreau des aventures mortelles pour la démocratie. 

J’en termine sur une remarque qui me tient particulièrement à coeur, en ma qualité de responsable communiste. Par les temps de grands troubles que nous vivons, d’aucuns se croient autorisés à dire n’importe quoi, que le PCF aurait « collaboré » avec l’occupant, voire que le III° Reich était un régime communiste. Les propos sont trop graves pour que l’on y oppose l’indifférence. Que les falsificateurs d’une histoire qui n’en a vraiment pas besoin fassent donc l’effort de délaisser un instant leurs préjugés ignorants pour découvrir les réflexions d’un Georges Politzer, philosophe et dirigeant communiste que les nazis fusillèrent en mai 1942. Il n’eut pas besoin d’attendre l’ouverture des portes d’Auschwitz pour dénoncer la nature criminelle de l’hitlérisme. En mai 1940, au nom de la tradition rationaliste et humaniste qui l’avait fait entrer en clandestinité, il répondait point par point aux assertions d’Alfred Rosenberg, grand théoricien du national-socialisme qui était venu à Paris exalter, devant le tout-Paris collaborationniste, ce qu’il appelait « la révolution du XX° siècle ». Évoquant le racialisme nazi, Politzer écrivait : « Son souvenir demeurera comme celui du cauchemar du XX° siècle dont nous libérera, chez nous, définitivement, la nouvelle Révolution française » qui était, à ses yeux, l’horizon de la Résistance (« L’Obscurantisme du XX° siècle », in Politzer contre le nazisme, Écrits clandestins février 1941, Éditions sociales/Messidor 1984). Quelque part, il traçait ici le chemin que nos générations se doivent à leur tour d’emprunter : faire éclore de nouveaux « Jours heureux » pour la nation. 

Post-Scriptum. Cette note était déjà en ligne lorsque j’ai découvert (par l’hebdomadaire Marianne du 30 janvier 2025, puis par un communiqué du Réseau d’actions contre l’antisémitisme et tous les racismes), la teneur de propos tenus par Rony Brauman, ancien président de Médecins sans frontières, à l’occasion d’un colloque organisé par des associations relevant de cette mouvance se disant « juive décoloniale » qui en arrive aujourd’hui à rompre radicalement avec tout ce qui a fait l’honneur de la gauche depuis l’affaire Dreyfus, autant qu’avec l’héritage de la Résistance juive et de la Main-d’Oeuvre immigrée, la mémoire de ses combattants et de ses martyrs. Brauman, que j’ai dans le passé côtoyé à de nombreuses reprises dans des combats pour le droit et la justice un peu partout, et que j’estimais jusqu’alors, en vient à présent à expliquer que « Gaza va supplanter Auschwitz dans ce qui relève de la métaphore de la cruauté absolue ». Cette déclaration entendait de toute évidence amener ses auditeurs à considérer qu’Israël faisait désormais pire que les nazis. Les crimes commis par l’actuel gouvernement israélien ne sont évidemment pas contestables, et ils devraient conduire leurs auteurs devant un tribunal international, au même titre d’ailleurs que les chefs du Hamas pour les horreurs qu’ils ont organisées le 7 Octobre. Mais nier, comme le fait Brauman, l’exceptionnalité de l’Holocauste, au mépris des décennies de combat qu’il aura fallu livrer pour que la vérité soit enfin entendu du monde, relève d’une entreprise abjecte de révision de l’histoire. C’est-à-dire de ce que les travaux innombrables des historiens ont permis d’établir, sans « mais » imaginable, sans relativisme envisageable. Et comme, à l’occasion du même colloque, il se trouva manifestement un individu, intervenant de Londres, pour expliquer sans que personne ne songeât à le faire taire, que « le sionisme bénéficie de privilèges dont les citoyens européennes sont dépourvus », n’importe qui faisant preuve d’un minimum d’honnêteté aura compris que la « réévaluation » d’Auschwitz servait d’habillage à la résurgence de la mythique théorie de la « domination juive sur le monde ». Au moins chacun est désormais informé des intentions des groupuscules qui se sont employés, ces derniers mois, à instrumentaliser les mobilisations de soutien au peuple palestinien en faisant en sorte qu’il ne fût plus question, dans les appels à manifester, de paix grâce à la coexistence de deux États. Personne ne pourra dire désormais qu’il ne savait pas à quoi s’en tenir. Ces courants doivent être combattus sans la moindre hésitation ! Et battus ! 

Christian_Picquet

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