Vraiment, une belle campagne…

Dernière ligne droite… Dans moins de deux semaines maintenant, les dés auront été jetés. Pour notre Front de gauche, c’est maintenant que tout se joue. C’est le moment où il convient de mettre toutes les forces dans la bataille pour faire reculer l’abstention populaire, arracher les voix une à une, convaincre électeurs et électrices que notre bulletin sera le seul utile si l’on veut tout à la fois sanctionner la droite en France et les libéraux européens, défendre une politique de rupture anticapitaliste à même d’opérer une sortie de la crise au bénéfice du plus grand nombre, transformer le vote en un nouveau référendum en faveur d’une autre Europe, construite cette fois par les peuples et pour eux, affirmer en conséquence une gauche fidèle à ses fondamentaux et qui tiendra ses engagements, faire vivre l’esprit de rassemblement que l’on retrouve dans toutes les luttes.

Ne nous y trompons pas : si l’élite politco-médiatique propage insidieusement l’idée que tout est joué, que le parti sarkozyste sortira conforté d’une échéance qui voit le Parti socialiste se désagréger littéralement sous l’effet de sa propre vacuité, que la grande majorité de l’électorat de gauche désertera les isoloirs, son inquiétude est grande. Devant la colère qui monte des profondeurs du pays, on peut redouter tous les coups tordus… Ainsi, le président de la République ne vient-il pas de préempter la date du 6 juin, veille du scrutin, alors que la campagne sera officiellement close et que nul ne pourra lui répondre, pour s’afficher sur les plages du Débarquement en compagnie… de Barack Obama.

Quelque chose bouge en profondeur

Cela étant dit, chaque semaine me confirme un peu plus dans le sentiment que nous menons une belle campagne. Ces huit derniers jours, je suis passé par Mantes-la-Jolie, Gennevilliers, le 20ème arrondissement de Paris. Le 22 mai, j’aurai eu le plaisir de partager une chaleureuse soirée de solidarité avec le peuple palestinien. C’était dans le 18ème arrondissement de la capitale. À la tribune, j’ai retrouvé avec le plus grand des plaisirs (c’était apparemment partagé) Hind Khoury, la déléguée générale de la Palestine en France. Dans la salle, il n’y avait que des visages amis, à commencer par ceux de vieux complices du combat pour une paix dans la justice, Bernard Ravenel par exemple, qui vient tout juste de quitter la présidence de l’Association France-Palestine solidarité, ou encore Marcel-Francis Kahn, l’un des précurseurs des missions civiles d’aujourd’hui puisqu’il organisait, au début des années 1970, l’envoi d’équipes médicales auprès de la Résistance palestinienne.

Ce samedi 23 mai, l’apothéose n’aura pas moins été le grand meeting régional du Mans, en soutien à la liste conduite par Jacques Généreux (sur laquelle figure, en quatrième position, une amie chère, Annick Monot, syndicaliste de la santé, figure de feu la LCR dans le Morbihan, avec qui j’aurai partagé toutes les batailles pour l’union des forces anticapitalistes). Sept à huit cents personnes réunies au Parc des expositions, à vingt bonne minutes du centre-ville, au beau milieu du long pont de l’Ascension, ce n’est évidemment pas rien… Et puis, je l’avoue, j’ai éprouvé de l’émotion à retrouver cette ville qui avait, en novembre 2006, inauguré une série de grands et beaux meetings en faveur de candidatures unitaires antilibérales à la présidentielle et aux législatives de l’année suivante. Nous avions alors échoué… Il n’empêche ! L’aspiration unitaire n’aura pas tardé à renaître dans cette vieille terre de gauche. Cela se sentait à la chaleur d’une salle qui vibrait à chaque discours. Cela se voyait, à la joie qui s’imprimait sur les visages des communistes, des militants du Parti de gauche, des membres de notre toute jeune Gauche unitaire venus en nombre (d’autant que, pour l’occasion, venait de sortir des presses notre manifeste, « Ensemble, pour changer de gauche »). Cela s’est surtout exprimé à travers l’intervention d’une syndicaliste, présentant un appel d’une cinquantaine de ses camarades issus de toutes les centrales, et interpellant la tribune sur le mode : « Nous ne voulons pas être une nouvelle fois déçus, le Front de gauche doit continuer. » Elle a dû savourer, cette camarade, le contenu de toutes les interventions, celle de Jean-Luc Mélenchon, celles des communistes Gilles Leproust ou Gérard Lahellec, ou la mienne, car toutes se sont prononcées pour que cette magnifique expérience connaisse une suite, au lendemain du 7 juin.

Je ne veux pas omettre, puisque je tiens ici une sorte de journal de campagne, le banquet citoyen auquel j’étais invité, à Drancy, en Seine-Saint-Denis, ce dimanche 24. Évidemment, l’assistance n’était pas celle du Mans. Mais les organisateurs auront dû, au fur et à mesure des arrivées, ajouter tables et chaises, se retrouvant même, sur le coup de 14 heures, à court de nourriture… Sous un soleil de plomb, Patrick Le Hyaric, Juliette Prado (du PG montreuillois) et moi auront appelé au dernier « coup de rein » indispensable pour garder le siège jusqu’alors détenu par Francis Wurtz en région parisienne. L’assistance, où se mêlaient tous les âges, avec un fort contingent de jeunes traduisant manifestement l’activité locale de la JC, avait de toutes façons entamé le travail avant notre venue. Reste que c’est toujours une joie de savoir (parce que l’on vient vous le dire) que, sur le terrain, ces hommes et ces femmes qui se battent souvent dans des conditions difficiles (Drancy a été conquise par une droite de combat voilà déjà des années…) apprécient ce que vous faites, la qualité de vos argumentations, l’importance de votre engagement, et la campagne que vous conduisez…

À l’étape où nous sommes parvenus, il est clair que nous avons déjà atteint deux objectifs. D’abord, notre mobilisation est sans équivalent ailleurs, sur l’échiquier politique. Lorsque nous ferons les comptes, il s’avérera que nous aurons sans doute réuni des centaines de milliers de participants dans nos meetings ou réunions de proximité. Quelqu’un me disait, l’autre jour, que les équipes du Front de gauche avaient été les seules à se rendre dans un village éloigné du Sud-Ouest, pour y découvrir que les dernières affiches collées dataient… de 2007. Vous me direz certainement que cela ne suffit pas à réaliser un score. Certes. Sauf que l’engagement du premier cercle de la gauche, la présence de plus en plus ostensible de socialistes ou d’adhérents du Nouveau Parti anticapitaliste dans les salles, l’implication qui se confirme jour après jour d’acteurs des mouvements sociaux (ici, je croise telle figure « historique » de la lutte pour le droit au logement, là, ce sont de vieux copains des réseaux altermondialistes, et ainsi de suite…) ne peuvent que se traduire dans le résultat final. Ensuite, nous aurons déjà imposé un changement du climat médiatique. Hier, on nous ignorait, pour ne pas dire qu’on nous méprisait. Désormais, on constate – avec la même surprise, au fond, qu’au printemps 2005 – que nous progressons constamment dans les enquêtes d’opinion, et que nous ne le devons qu’à nous-mêmes.

« Trou d’air » au NPA ?

Du coup, voilà que d’aucuns mettent en scène une prétendue « lutte frontale pour la gauche radicale », que symboliserait le coude à coude entre Front de gauche et NPA. ”Libération” y consacrait ses pages d’ouverture hier. Nous n’avons, pour notre part, jamais situé à ce niveau l’enjeu du 7 juin. Mieux, nous avons toujours indiqué que nous n’avions pas d’ennemi à gauche et, surtout pas, du côté des amis d’Olivier Besancenot, auxquels nous n’avons cessé de tendre la main. Le seul dessein qui nous importe vraiment est que la droite fût largement minoritaire et, qu’à gauche, les tenants d’une politique de rupture franche avec les règles du système capitaliste commencent à battre en brèche la suprématie des sociaux-libéraux.

Toutefois, il faut hélas reconnaître que, sous cet effet de loupe médiatique, mes camarades du NPA touchent les dividendes amers de l’orientation qu’ils développent depuis trop longtemps. Ils n’ont cessé de laisser entendre que la jeunesse de leur électorat putatif et sa radicalité feraient haut la main la différence avec cette « gauche institutionnelle » envers laquelle ils affichent un souverain dédain. Péché d’orgueil et illusion funeste, ils ont limité leur ambition à l’occupation, par leur seule formation, de l’espace à la gauche du PS. Ils ont multiplié les mauvais procès pour justifier leur rejet de l’union de la gauche de gauche, ironisant d’abord sur le caractère timoré du programme du Front de gauche, pour accuser ensuite les composantes de ce dernier de préparer leur ralliement à la rue de Solferino. Dans la livraison évoquée de ”Libération”, un anonyme visionnaire des hautes sphères du NPA y va, par exemple, de sa sentence : « ”Mélenchon ne polarise rien du tout. Le PCF retournera avec le PS aux régionales. Ils discutent déjà pour les primaires de 2012”. » C’est triste de voir la tradition politique dont on est soi-même originaire se vautrer avec une pareille grossièreté. Faire comme si l’histoire était inéluctablement écrite. Refuser cette évidence qu’un premier bouger des lignes au sein de la gauche, un changement du rapport des forces au profit des forces d’alternative, modifieraient profondément les termes des débats futurs sur la stratégie.

En vérité, mes camarades rencontrent à présent les limites d’une politique contre laquelle, avec les courants unitaires de la LCR puis du NPA, je m’étais élevé tant elle m’apparaissait aventurière. Quels que soient les résultats finaux, la majorité du NPA a ruiné une grande part de son crédit en s’évertuant à expliquer que les élections européennes n’avaient aucune importance, qu’il n’y avait rien à faire dans l’enceinte du Parlement de Strasbourg, hormis l’adoption d’une posture de témoignage. Elle a ensuite concentré son argumentaire sur la nécessité de la grève générale, perspective que l’on ne peut que partager, à ceci près que sa construction revêt une incroyable complexité dans un contexte où les mobilisations sociales buttent en permanence sur l’inexistence d’une plate-forme de revendications unifiantes, ainsi que sur l’absence de débouché politique. Inévitablement, l’horizon d’un « ”nouveau Mai 68 qui réussirait” » ne cessant de reculer, elle a fini par résumer son propos à la dénonciation virulente de toutes les directions syndicales. Avant qu’Olivier Besancenot ne fasse du refus de « ”l’éparpillement des luttes” » l’unique identifiant de ses prestations médiatiques.

À la chaleur d’une confrontation électorale de première importance – le rendez-vous du 7 juin sera le premier scrutin politique national depuis 2007, et le dernier avant 2012, les régionales de l’année suivante étant surchargées d’autres déterminants, sur fond de réorganisation sarkozyenne des collectivités territoriales notamment -, le « parti des luttes » réussit le tour de force d’évacuer l’enjeu politique du moment, à savoir l’impérieuse nécessité de sanctionner radicalement la droite au pouvoir, d’ignorer l’importance de l’affrontement qui se dessine autour du traité de Lisbonne, qui condense tous les dogmes qui ont mis le monde dans le marasme que l’on sait, de contourner la question pourtant primordiale de la panne d’alternative à gauche.

Des failles d’autant mieux perceptibles, à une large échelle, qu’Olivier Besancenot et ses amis ne peuvent justifier leur attitude solitaire par des divergences essentielles avec le Front de gauche (Patrick Le Hyaric me confiait récemment que, participant à un débat contradictoire au côté de la tête de liste du NPA en Île-de-France, il avait eu la surprise d’entendre ce dernier lui suggérer de se partager les réponses aux autres candidats…). Et que, obligés d’admettre dorénavant qu’il n’y aurait pas de listes de la « gauche anticapitaliste » dans d’autres pays du continent, si ce n’est à une échelle groupusculaire, ils indiquent que leurs éventuels élus demanderont à siéger… au groupe de la Gauche unitaire européenne (où se retrouvaient, lors de la session passée, les députés du PCF, de Die Linke ou de la coalition grecque Syriza). Tout cela pour arriver là ! Quel effarant gâchis !

Allez, il fallait bien dire quelques mots sur qui agitent nos gazettes. Il n’empêche ! Pas plus qu’hier, nous ne cèderons pas aux facilités délétères de la polémique. Demain, pour les luttes comme pour les élections, la question se reposera de rassembler l’ensemble des composantes de la gauche transformatrice. Ce 7 juin comme les autres électeurs et électrices de gauche, sans rien renier de leurs convictions et de leurs préférences, sans faire preuve de la moindre hostilité envers la tradition dont ils se sentent proches, ceux du Nouveau Parti anticapitaliste disposent d’un moyen efficace d’exprimer qu’ils ne veulent à aucun prix que se renouvellent des divisions désastreuses : ce sera le bulletin du Front de gauche.

  • PS. Au moment où j’achevais cette note, mes camarades qui gèrent le site Internet de la Gauche unitaire me ré-expédiaient ce petit mot d’encouragement d’un socialiste du Nord : « ”Mon cher Christian, « non » de gauche au référendum sur le traité constitutionnel européen, de la lutte contre le racisme, du combat pour les droits et les libertés, « non » à la politique dévastatrice de Sarkozy et sa politique bling-bling, etencore « non » aux listes de parade et de poudre de perlimpinpin ( UMPS, Europe écologie, Modem et consorts, encore une fois « non »). Vive le Front de gauche, je serai présent ce lundi à Cuincy aux côtés de Michèle Ernis, dont je ne cesse de crier haut et fort son combat qui est le nôtre. Issu du PS, je ne décrypte pas la feuille de route de sa première secrétaire qui veut faire rêver sur des mesures ancestrales, une feuille de route jaunie. Enfin,je souhaite faire partie de vos amis, adhérer et développer notre action dans la région. Cordialement vôtre.” »

Merci de ces paroles, mon camarade socialiste. Mieux que je ne peux le faire, tu nous dis finalement que la vraie gauche de demain passe par la synthèse du meilleur des histoires qui ont façonné le combat pour l’émancipation humaine. Bienvenue à toi. Tu as raison, le Front de gauche est un bel espoir…

Christian_Picquet

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