Sans plus attendre, relever la gauche !
Ces 28 et 29 mai, se sera tenue la conférence nationale de Gauche unitaire consacrée à la séquence politique qui nous mène à 2012. Avec les délégués venus de toute la France, nous y aurons constaté que le Front de gauche tenait le bon bout, après l’adoption d’un texte définissant sa démarche stratégique, alors que le « programme populaire partagé » est en cours de finalisation, et dans la mesure où il semble désormais acquis qu’une majorité des adhérents communistes fera, comme nous l’avons fait nous-mêmes et confirmé ce week-end, le choix de Jean-Luc Mélenchon pour porter nos couleurs à l’élection présidentielle. Mais nous aurons également dû y constater que les discussions en vue d’un accord aux législatives se trouvaient, à ce stade, bloquées avec nos camarades du Parti communiste.
D’où la motion, adoptée unanimement, et dont les gazettes se sont déjà fait l’écho, pour donner un mandat précis à l’exécutif de notre mouvement : ”« Concernant les législatives, Gauche unitaire entend que l’accord du 31 mars soit respecté. En particulier, elle réaffirme son exigence que les candidat-e-s incarnent” ¨la démarche collective et partagée du Front de gauche » ”et que ceux-ci et celles-ci soient désignés” « en tenant compte de leur aptitude à rassembler un maximum d’électeurs sur notre programme ainsi que d’une représentativité équitable des formations politiques actuelles et à venir du Front de Gauche.” ”Pour l’heure, les conditions d’un accord respectant l’ensemble des composantes du Front de gauche ne sont pas réunies. La conférence nationale de Gauche unitaire mandate le bureau national pour faire valoir dans les négociations son exigence d’une représentation qui reconnaisse son apport à la dynamique du rassemblement et qui garantisse le pluralisme du Front de gauche. Gauche unitaire fera tout pour arriver à un accord national du Front de gauche. En cas d’impossibilité d’arriver à un tel accord, Gauche unitaire cherchera à conclure le maximum d’accords départementaux dans le cadre du Front de gauche. Dans les départements où de tels accords seraient impossibles, la conférence nationale mandate le bureau national pour donner les moyens à Gauche unitaire d’être présente et chercher le rassemblement le plus large avec toutes celles et tous ceux qui partagent les grandes lignes du programme et des objectifs du Front de gauche. »”
Pour le reste, une très large partie de la conférence aura été consacrée à une conjoncture en évolution très rapide et, plus particulièrement, à l’état (que nous jugeons plus que préoccupant) de la gauche. D’un échange singulièrement riche et fourni, sera sortie une déclaration : « Il y a urgence : il faut relever la gauche. » Celle-ci se veut adresse solennelle à toute la gauche et suggestion de réflexion collective aux militantes et militants qui se retrouvent dans et autour de notre Front de gauche. En contribution à ce débat aujourd’hui indispensable, je reproduis ci-dessous mon introduction aux travaux de la conférence de GU.
« Mes Chers Camarades, mon propos introductif sera structuré autour de trois grandes questions : la crise, la France, la gauche. Ce qui veut dire que je ne reprendrai pas nécessairement une série de points ayant fait l’objet de nos discussions passées, préférant me concentrer sur ce qui, ces derniers mois, a transformé la donne en France, en Europe et dans le monde.
« Notre dernier congrès avait conclu que nous étions entrés, à l’échelle internationale, dans une phase de tourmentes, d’aiguisement des concurrences commerciales et économiques, de chaos, de fractures, de tensions et de menaces de guerres. L’horizon de cette configuration est la redéfinition des rapports de force globaux sur la planète, entre firmes autant qu’entre puissances et ensembles régionaux. Les faits ont largement confirmé cette analyse.
« AINSI QUE NOUS L’AVIONS CERNÉ, LA CRISE FINANCIÈRE DE 2008 S’EST MUÉE EN CRISE ÉCONOMIQUE DURABLE, GLOBALE, SYSTÉMIQUE, SANS ÉQUIVALENT DEPUIS LES ANNÉES 1930. Aujourd’hui, en dépit des propos lénifiants des pouvoirs en place, ladite crise économique se prépare à un rebondissement qu’annoncent, tout à la fois, les nouveaux soubresauts sur les marchés financiers, les opérations dont les dettes souveraines de la Grèce, de l’Espagne ou de l’Italie sont de nouveau l’objet sur les places financières, les menées spéculatives sur les marchés des matières premières, sans parler des phénomènes inflationnistes qui minent la compétitivité des pays jusqu’alors les plus dynamiques, Chine comprise.
« Dans ce contexte, les politiques monétaires et budgétaires mises en œuvre par les gouvernements ont épuisé leurs effets à court terme sur les économies, y compris celle des États-Unis, pays qui avait largement usé de l’outil de la création monétaire. Dans le même temps, les plans d’austérité, en ralentissant la demande interne des pays concernés, commencent à faire sentir leurs conséquences profondément négatives sur la croissance. De sorte que de très nombreux experts analysent désormais la période à venir comme celle d’une ”¨décélération¨” de l’économie mondiale, doublée d’un dérèglement des mécanismes de la globalisation marchande et financière. Dérèglement qui voit les logiques du ¨sauve qui peut¨ et du ¨chacun pour soi¨ prévaloir, l’Union européenne en étant l’expression la plus évidente, au point que les menaces de désintégration ne se sont à aucun moment relâchées sur la zone euro.
« COMME PRÉVU, LÀ ENCORE, LES CRISES FINANCIÈRES ET ÉCONOMIQUES ALIMENTENT PARTOUT DES CRISES SOCIALES D’AMPLEUR INÉDITE DEPUIS FORT LONGTEMPS. Les crises révolutionnaires qui secouent l’ensemble du monde arabe sont la conséquence d’un rejet majoritaire, de la part des peuples, des logiques de libéralisation des économies et de privatisation des services publics, lesquelles se traduisent uniquement par des régressions sociales considérables, tandis que les pouvoirs en place ne peuvent plus entretenir la moindre illusion sur les effets positifs de leur action sur le moyen et le long terme. Sur le théâtre européen, les mobilisations sociales s’enchaînent, même si, à cette étape, aucune d’entre elles n’est parvenue à remporter une victoire, fût-elle partielle.
« Précisément, sur le continent, il convient de relever trois dimensions nouvelles : 1) c’est l’ensemble de l’Europe qui se trouve dorénavant concernée par des explosions de colère sociale, de la Grèce (qui vient de connaître sa neuvième grève générale en quelques mois) à la Grande-Bretagne (qui se retrouve en proie à un processus de mobilisation et de radicalisation des formes de lutte, fort peu courant dans ce pays) ; 2) par la fuite en avant qu’elles reflètent, les orientations mises en pratique par les gouvernements, sous l’égide notamment du « Pacte euro plus », ne font qu’amplifier les réactions de rejet, celles-ci affectant à présent la construction européenne elle-même, au point que les plus timorées des directions syndicales (à l’image des représentants de la Confédération européenne des syndicats) se voient contraintes de muscler leurs discours ; 3) les irruptions populaires qui surgissent de part et d’autre de la Méditerranée s’alimentent, sans qu’il faille évidemment céder à la facilité des raisonnements analogiques.
« Sans qu’il soit, à ce stade, possible d’émettre un pronostic, ce qui se produit actuellement en Espagne et en Grèce, avec le mouvement des ¨Indignés¨, agit tel un triple révélateur : de la coupure de plus en plus profonde qui se manifeste entre les peuples et les élites politiques et économiques ; de l’entrée en lice d’une jeunesse, frappée de plein fouet par le chômage, la précarité ou l’absence de débouchés, qui recherche les moyens de son expression propre, dans les conditions du nouveau siècle ; 3) de la recherche d’une réponse politique globale à un système en crise et à des représentations politiques traditionnelles révélant leur absolu décalage avec ce qui apparaît, au plus grand nombre, comme un défi de civilisation.
« CE QUI AMÈNE À LA DERNIÈRE DIMENSION DE LA PÉRIODE QUI VIENT DE S’OUVRIR : LA GÉNÉRALISATION DES CRISES POLITIQUES. Ces crises affectent l’autorité et la légitimité de tous les pouvoirs en place. Elles entraînent des effets en retour sur la stabilité même des mécanismes institutionnels, jusqu’à la Grande-Bretagne pourtant réputée pour la longévité de ses procédures politiques. Elles mettent en pleine lumière l’inexistence, du côté de la gauche et du mouvement ouvrier, d’une réponse cohérente aux défis du moment.
« Nous touchons ici du doigt la contradiction nodale de la situation présente. Si la lutte des classes redevient une ligne de fracture visible à l’échelle internationale… Si des explosions populaires peuvent à tout instant ébranler n’importe quel pays… Si, sur notre continent, ces phénomènes mettent, comme jamais, objectivement à l’ordre du jour ¨l’Europe des luttes¨ si longtemps revendiquée par le syndicalisme combatif… Si ces facteurs peuvent parfaitement se conjuguer à des processus d’effondrement des systèmes de domination installés, ouvrant le chemin à des affrontements majeurs… L’inexistence du moindre débouché politique n’en représente pas moins l’hypothèque interdisant à ces potentialités de se traduire positivement.
« Deux exemples en font foi. En France, la plus puissante poussée sociale depuis Mai 68, celle qui s’opposa à la contre-réforme sarkozyenne des retraites, s’est soldée par ce qu’il faut bien désigner maintenant comme une défaite (même si la portée de celle-ci a été atténuée par l’affaiblissement politique concomitant d’un régime désavoué par l’immense majorité du pays), faute d’avoir obtenu un prolongement sur la scène politique. Et en Espagne, le mouvement des ¨Indignés¨ n’aura en rien fait évoluer dans le bon sens la configuration électorale, la droite profitant seule de la déroute des socialistes aux affaires et la gauche de transformation, la coalition Izquiera Unida pour être précis, progressant faiblement sans parvenir à faire réellement reculer l’abstention dans les classes populaires.
« Pour prolonger cette réflexion, à gauche, la force sortie dominante de l’effondrement des dictatures bureaucratiques de l’Est européen, la social-démocratie, s’avère à présent l’un des principaux facteurs d’une crise politique globale. Durant les deux décennies passées, elle s’est identifiée par une stratégie d’accompagnement de la mondialisation libérale, jusqu’à en devenir l’un des rouages, comme l’illustrent sa pratique de cogestion de l’Union européenne ou encore la présence de certains des siens à la tête d’institutions telles que le FMI ou l’OMC. Elle se trouve dorénavant prise à contre-pied par le retournement de tendance en cours, jusqu’à se révéler tétanisée par la moindre évolution de ses équilibres internes. Sa subordination au nouvel ordre capitaliste sera, en effet, allée si loin que toute inflexion à gauche se traduirait par des fractures de très grande ampleur. Ce qui explique un immobilisme l’amenant, au pouvoir à se trouver durement sanctionnée du fait de son acceptation des exigences des marchés (le gouvernement Zapatero vient d’en faire la dure expérience) et, dans l’opposition à ne plus apparaître porteuse des aspirations du monde du travail et du peuple.
« Il faut ajouter que cette donnée a des retombées sur le syndicalisme, dont les directions, quoiqu’elles conservent le soutien de la majorité des salariés, n’apparaissent nulle part porteuses d’une alternative sociale à la hauteur des attaques auxquelles se livrent les classes possédantes (le surgissement des ¨Indignés¨ espagnols renvoie, d’évidence, à ce trait profond de la conjoncture).
« VOILÀ CE QUI CONFÈRE À LA POUSSÉE DES EXTRÊMES DROITES UN CARACTÈRE D’AUTANT PLUS DANGEREUX QU’ELLE PROCÈDE DE CES TENDANCES LOURDES ET QU’ELLE S’ANNONCE DURABLE. Même si les contextes se révèlent profondément distincts, la comparaison avec les années 1930 n’est pas entièrement dénuée de fondements. Les formations concernées peuvent finir par devenir, pour les classes dirigeantes, un élément de sortie de la crise autour de solutions autoritaires et ethnicistes. Ce n’est pas le cas dans l’immédiat, les secteurs dominants du capital ne trouvant aucun intérêt à une telle issue. Mais les choses peuvent parfaitement changer, en fonction d’aggravations de la crise du système et de la désagrégation des mécanismes de la globalisation.
« Nous avons, à cet égard, un devoir de lucidité. La nouveauté du danger vient du fait que les extrêmes droites ne postulent pas simplement à devenir une force d’appoint des droites traditionnelles (suivant, par exemple, le pari du post-fascisme de Gianfranco Fini en Italie). Elles se trouvent à l’initiative, cherchant à faire éclater les représentations traditionnelles de la droite, afin d’en polariser une fraction et recomposer ainsi le camp réactionnaire autour d’elles et de leurs programmes. Leur force propulsive actuelle réside dans leur aptitude à se nourrir du recul du mouvement ouvrier organisé, de la panne de perspectives à gauche, et du délitement des cadres politiques et institutionnels établis. Au point de pouvoir polariser une fraction non négligeable des secteurs populaires.
« LA SITUATION FRANCAISE CONCENTRE TOUS CES TRAITS. Sur fond de désindustrialisation accentuée, de recul de la place internationale du capitalisme français, de croissance molle et de dégradation des conditions d’existence de la population, le pouvoir s’avère frappée d’un discrédit record. Sa politique se voit rejetée par le pays et sa connivence avec l’oligarchie financière mine sa légitimité. Sa pratique des institutions et l’hyper-présidentialisme qui la caractérise, loin d’avoir amorcé de nouveaux équilibres dans le fonctionnement de la V° République, a au contraire profondément déstabilisé ce dernier.
« Bien que le déploiement d’une véritable révolution néoconservatrice à la française ait marqué des points substantiels sur les quatre années écoulées, la droite ne peut plus, dans les conditions présentes, espérer l’emporter qu’au travers d’une logique de destruction tous azimuts : destruction des droits sociaux et conquêtes populaires, afin d’accentuer la dégradation du rapport de force entre capital et travail ; destruction des repères démocratiques issus de l’histoire politique et sociale française, dit autrement de l’héritage républicain du pays, pour pouvoir simultanément concurrencer le Front national dans une partie de l’électorat et en faire l’élément central du jeu politique français ; destruction des concurrences éventuelles que l’affaiblissement de l’autorité présidentielle pourrait faire apparaître à droite (par exemple, derrière la candidature Borloo) ; destruction des adversaires qui pourraient menacer la réélection de Nicolas Sarkozy, mais aussi de toute force qui, à gauche, pourrait lui apparaître comme une menace du fait de sa capacité à impulser une dynamique d’alternative enracinée dans un élan populaire. Nous devons donc nous attendre à un climat empuanti et à l’une des pires campagnes électorales que nous ayons connues.
« Dès lors, le problème majeur se révèle la gauche. Les sondages sont, de ce point de vue, des indicateurs sans réelle fiabilité. Leurs deux composantes qui y sont à ce jour encore dominantes, le Parti socialiste et Europe écologie-Les Verts, se montrent prisonnières de leur crise stratégique. Alors que le rejet du sarkozysme atteint un niveau jamais égalé, pour une équipe en place, depuis les origines de la V° République, le Parti socialiste se montre impuissant à susciter un désir de gauche. Au mieux, il bénéficie d’un réflexe de ¨vote utile¨, sans enthousiasme ni illusions. La raison en incombe, comme pour les autres partis de l’Internationale socialiste, à son incapacité à changer de logiciel pour pouvoir, de nouveau, s’adresser au peuple.
« Le programme actuel du PS comprend bien quelques inflexions à gauche. Reste que, globalement, il demeure empreint de l’idée calamiteuse selon laquelle les ¨contraintes extérieures¨ lui interdiront toute marge de manœuvre sérieuse s’il l’emporte l’an prochain. Et même lorsqu’il annonce des mesures positives, les dispositions du traité de Lisbonne et du « Pacte euro plus » – auxquelles il adhère ! – empêcheront qu’elles soient mises en application. Bien sûr, toutes les composantes socialistes n’entretiennent pas le même rapport à la société française et au peuple de gauche. Sans même parler du courant « Un monde d’avance », Dominique Strauss-Kahn n’est pas François Hollande, lequel n’a pas la même image que Martine Aubry. Néanmoins, sur le fond, le centre de gravité du PS se trouve sur une ligne qui, en lui interdisant d’enclencher une dynamique de mobilisation, entretient dans toute la gauche un climat de scepticisme, de désorientation ou d’inintérêt. Et ce ne sont pas des « primaires » personnalisant à outrance les enjeux qui rectifieront le tir… Autant d’éléments d’où pourrait sortir une terrible défaite en 2012 !
« Je n’entrerai pas dans le détail s’agissant d’EELV. Si ce n’est pour dire que sa propre implication dans l’organisation de « primaires », et l’unification de sa direction sur la candidature de Nicolas Hulot, très droitière et aux accents plutôt libéraux, sont de nature à aggraver la crise d’identité qui tenaille cette famille politique depuis un certain temps déjà. Il n’est pas inutile de nous adresser fraternellement à ceux des militants que nous côtoyons, au quotidien, dans les actions de terrain : c’est ce qu’il reste de la portée transformatrice de l’exigence écologique, affirmée par Les Verts à leur fondation, qui pourrait ce faisant se voir anéanti…
« MARASME ÉCONOMIQUE, CRISE SOCIALE, AFFAIBLISSEMENT DE LA LÉGITIMITÉ DU POUVOIR, PERTE DE SENS ET DE PROJET À GAUCHE : TOUS CES TRAITS OUVRENT, HÉLAS, UN BOULEVARD AU FRONT NATIONAL. Il ne faut à aucun prix sous-estimer la menace. Pour l’heure, sous la houlette de Madame Le Pen, le Front national récupère ce secteur de l’électorat populaire qui se portait sur lui avant que Nicolas Sarkozy ne le siphonne en 2007. Pour l’essentiel, il s’agit d’un électorat en butte au chômage et victime des processus de libéralisation ou de délocalisation, qui s’était écarté de la gauche depuis la fin des années Mitterrand. Il ne nous en faut pas moins constater que le lepénisme commence à s’extraire de ces limites : il mord sur une fraction de l’électorat de la droite traditionnelle (ce fut manifeste à l’occasion des élections cantonales) et ouvre de premières brèches dans l’électorat de gauche. Sa stratégie n’en apparaît que plus redoutable. Elle consiste à recouvrir son adhésion aux mécanismes fondamentaux du capitalisme au moyen d’un discours aux intonations antilibérales et d’une démagogie sociale destinée à disputer à la gauche le terrain des classes travailleuses, le tout avec l’objectif de recomposer la droite à ses conditions. Une démarche qui renoue avec celle dont Mégret avait été l’inspirateur avant la grande scission du FN.
« DANS CE CADRE HAUTEMENT MENACANT, ¨L’AFFAIRE DSK¨ EST DE NATURE À ACCÉLÉRER LES MOUVEMENTS À L’ŒUVRE DE DÉSAGRÉGATION POLITIQUE, SOCIALE, IDÉOLOGIQUE, MORALE. Car elle révèle les mœurs et le fonctionnement d’élites intimement associées à l’oligarchie et aux pratiques de la finance mondialisée. Elle approfondit le délitement politique et moral de la gauche, dès lors que, formatée par les campagnes du monde de la com’, une large majorité de l’opinion antisarkozyste s’était déjà habituée à l’idée de reporter ses suffrages sur Strauss-Kahn au second tour de 2012, tandis que les sommets du PS peinent à définir ce que sera le cœur de cible de leur campagne (les réactions cacophoniques de leurs figures les plus marquantes à propos de l’éventuelle désignation de Christine Lagarde à la tête du FMI, sans parler de la note de la Fondation Terra Nova suggérant de se détourner des classes populaires pour mieux jouer la partie au ¨centre¨, en disent long sur ce plan…) Plus, elle va alimenter le fonds de commerce de l’extrême droite : rejet des élites et du cosmopolitisme ; démagogie sociale associée à la dénonciation conjointe du pouvoir de l’argent et de ¨l’UMPS¨ ; rejet du mouvement ouvrier organisé et de l’idée même du socialisme ; réactivation de l’antisémitisme, avec le probable retour des poncifs particuliers à cette culture, qui ont toujours associé (avec plus ou moins de discrétion) les Juifs à l’argent et à la jouissance…
« DE TOUT CELA, IL DÉCOULE QUE, POUR UN COURANT COMME LE NÔTRE, LA QUESTION CENTRALE DEVIENT : COMMENT RELEVER LA GAUCHE ? COMMENT CONJURER UNE CATASTROPHE QUI PEUT ÊTRE IMMINENTE ? Le Front de gauche est, naturellement, l’élément pivot de la réponse. À condition qu’il sache, jusqu’au bout, éviter un triple écueil : celui du ¨sauve qui peut¨, qui peut s’emparer de la gauche et la conduire à l’unité de candidature dès le premier tour de la présidentielle, au nom du risque d’une défaite face au président sortant, voire d’un ¨nouveau 21 Avril¨ ; celui de l’illusion selon laquelle, pour échapper au rejet massif dont sont menacées les élites, il conviendrait de muscler la radicalité du discours antisystème et d’oser concurrencer le FN sur ce terrain ; celui, enfin, qui conclurait de la panne de crédibilité de la gauche, qu’il suffirait de postuler à l’incarnation solitaire de la gauche…
« Ne nous cachons pas ce qui peut menacer la gauche d’un authentique désastre : une exaspération populaire, dépourvue de toute perspective, hormis celle que semble procurer l’envie du ¨coup de balai¨, pourrait nourrir une percée du Front national ; à l’inverse, le réflexe du ¨moindre mal¨, censé débarrasser le pays du double danger d’une droite ultraréactionnaire et de l’extrême droite, pourrait bien en fin de compte priver le camp progressiste de tout ce qui l’identifie en principe, à savoir l’espoir populaire de voir la vie changer.
« Dans de telles circonstances, il n’existe qu’une ligne de crête à tenir pour le Front de gauche : défendre, pour le pays, un projet global d’alternative à un système en faillite ; œuvrer, à partir des éléments clés de son programme, à l’unification dans un même bloc anticapitaliste de ces classes populaires qui ont un commun intérêt à s’affranchir de la loi du marché et du dogme libéral de la profitabilité ; porter une offre globale à destination de l’ensemble de la gauche, offre définie en fonction du seul intérêt bien compris de ladite gauche.
« Pratiquement, tout en finalisant son dispositif pour les campagnes de 2012, tout en construisant une bataille collective dans la foulée de la désignation de Jean-Luc Mélenchon comme son candidat à la présidentielle et d’un accord équilibré pour les législatives qui suivront, tout en finalisant son ¨programme populaire partagé¨, il s’agit de travailler les débats traversant actuellement la gauche sans obtenir de réponses à la hauteur.
« Donc, il importe de se tourner vers toutes les composantes de la gauche, non seulement ses électeurs et ses militants mais aussi ses partis, du Parti socialiste au Nouveau Parti anticapitaliste, pour nouer avec elles une confrontation programmatique, à partir de la nécessité de relever la gauche et de lui permettre de renouer avec le peuple. De proposer tout à la fois, par ce mouvement même, une méthode (celle de l’enracinement, à la base entre militants des diverses formations, ainsi que sur les lieux de travail et d’études, de ce vaste échange public) et un contenu (les points essentiels d’une plate-forme de rupture avec l’ordre capitaliste et productiviste) susceptibles d’amener à un rassemblement majoritaire des forces vives de la gauche, rassemblement à même de rouvrir le chemin, aujourd’hui très obstrué, d’une vraie victoire politique. De sortir, de cette manière, la gauche de l’engluement social-libéral qui ne peut en aucun cas lui octroyer les moyens d’affronter la crise et de mettre au pas les banques, les actionnaires et les marchés. De prendre sans attendre les initiatives de nature à enclencher une telle redistribution des cartes.
« Je conviens que la ligne de crête proposée est étroite autant qu’escarpée. Je n’ignore pas que notre Gauche unitaire n’est qu’une toute petite partie de la gauche et que, par ailleurs, il n’est pas toujours simple d’aboutir à un Front de gauche en ordre de bataille, les difficultés que nous rencontrons présentement pour finaliser un accord sur les législatives en font foi. Il n’empêche ! Tenir cette orientation est la seule manière pour le Front de gauche d’apparaître utile à une gauche qui se trouve à la croisée des chemins, c’est-à-dire d’occuper un espace pertinent. Et, pour ce qui nous concerne, c’est aussi l’unique façon de nous montrer utile au Front de gauche, tout en tenant la place particulière qui est la nôtre dans la gauche. Le texte dont nous vous proposons l’adoption, qui a pour vocation d’ouvrir une réflexion que nous pensons nécessaire avec nos camarades du Parti communiste et du Parti de gauche, qui entend au-delà interpeller tous ceux et toutes celles qui partagent nos préoccupations s’intitule volontairement : ¨Il y a urgence : il faut relever la gauche.¨ Il se veut en quelque sorte une déclaration d’alarme, sur la base de laquelle il nous faudra, dans la prochaine période, savoir imaginer et nourrir des initiatives… »