Débat budgétaire tendu en Midi-Pyrénées

Le débat budgétaire en Région Midi-Pyrénées vient de se dérouler dans une certaine tension. J’en retraçais le contexte dans ma note du 11 décembre : l’austérité déployée au sommet de l’État va aggraver la situation des collectivités territoriales, déjà lourdement affaiblies par la politique de Nicolas Sarkozy. Plus précisément, les amputations de dotations budgétaires décrétées en vertu de la ”« baisse des dépenses publiques »” risque rapidement de les placer dans des difficultés inextricables. D’autant que la ”« remise à plat »” de la fiscalité, annoncée par le Premier ministre, ne dessine pas vraiment la perspective d’autonomie financière qui serait à la hauteur des missions qui sont désormais dévolues à ces institutions.””

À cet égard, le budget 2014, adopté ce 19 décembre, ne saurait satisfaire des élus soucieux d’assumer les engagements pris devant les électeurs en 2010.
Certes, dans mon intervention devant l’Assemblée régionale, j’ai donné acte à son président, Martin Malvy, de ne pas avoir présenté un budget d’austérité. De même, le groupe Front de gauche s’est félicité des avancées que la discussion a permises, sur la construction de trois nouveaux lycées, le transport ferroviaire, la formation professionnelle ou l’aide aux familles pour l’accès à la restauration scolaire. Ces choix doivent d’ailleurs largement aux propositions d’amendement que nous avions déposées, ainsi qu’à l’accord intervenu au sein de la majorité régionale pour dégrader l’autofinancement de la collectivité et recourir à l’emprunt.

En revanche, le refus opposé à l’amendement que je défendais afin de rappeler, dans le budget, les exigences qui étaient, jusqu’alors, celles de l’ensemble des groupes de la majorité, ne constitue d’évidence pas une très bonne indication pour l’avenir. Il s’agissait notamment de réaffirmer que la Région Midi-Pyrénées était favorable à une autonomie fiscale permettant aux collectivités territoriales de disposer de nouvelles ressources pérennes et dynamiques, qu’elle souhaitait la fin du gel en valeur des dotations de l’État, qu’elle demandait le remboursement des charges nettes non compensées par l’échelon national dans le cadre de la phase II de la décentralisation, qu’elle revendiquait la réduction à 5% du taux de TVA appliqué aux transports publics, et qu’elle en appelait à la généralisation du versement transport et à la taxation des bénéfices des sociétés autoroutières.

Cet amendement a été rejeté, seuls les groupes Front de gauche et Europe écologie s’étant prononcés pour. L’attitude des groupes socialiste et radical ne peut, à cet égard, être interprétée que comme l’expression de leur difficulté à contester les conséquences de l’austérité gouvernementale sur les collectivités. Elle s’avère d’autant plus incompréhensible que d’autres Régions, telle l’Ile-de-France, n’ont pas, quant à elles, hésité à intégrer, dans leurs propres budgets, des exigences similaires à celles de l’amendement que j’avais proposé au nom du Front de gauche.

C’est dans ce contexte que notre groupe a laissé la liberté de vote à ses membres. Pour ma part, dans la mesure où les conseillers ne disposent pas en Midi-Pyrénées (contrairement, là encore, à d’autres Assemblées régionales) de la possibilité de se prononcer par un vote sur des recettes totalement insatisfaisantes du fait des choix de l’exécutif, j’ai refusé de voter le projet de budget. Avec regret, car c’est en réaffirmant son souhait de construire des politiques offensives que la majorité de gauche eût pu le mieux délivrer un message d’espoir aux Midi-Pyrénéens.

Le débat que nous avons initié n’en aura pas, pour autant, été vain. Bien au contraire. Signe que les lignes peuvent à tout instant bouger à gauche et que les propositions que portent un peu partout les élus du Front de gauche sont loin de rester sans écho, sitôt le vote du budget acquis, le groupe socialiste et républicain nous a proposé de rédiger en commun une motion appelant à ”« une fiscalité dynamique »”. Ce que nous avons immédiatement accepté, même si nous aurions préféré que cela se trouvât intégré au document budgétaire, c’est-à-dire à la décision la plus solennelle et la plus importante qu’une institution ait à prendre chaque année.

MOTION… UNANIME « SUR UNE FISCALITÉ DYNAMIQUE »

Je me suis donc mis au travail, avec le président du groupe socialiste, Thierry Suaud, et avec la vice-présidente chargée des finances, Nadia Pellefigue. Pour aboutir à un texte, au final très positif, du moins par sa portée symbolique. Un texte qui, rebondissant sur l’annonce de Jean-Marc Ayrault, demande ”« que la fiscalité locale soit abordée en priorité dans ce débat »” ; qui rappelle ”« la situation financière très difficile »” des collectivités territoriales, ”« et en premier lieu des Régions »” ; qui souligne que la situation présente ”« met en risque la capacité des Régions à investir dans les prochaines années »” ; qui s’adresse au gouvernement pour lui demander ”« que les Régions bénéficient de ressources fiscales nouvelles” » (…), ajoutant que ”« recréer un lien fiscal entre la Région et son territoire permettrait de recouvrer une autonomie fiscale et des marges de manœuvre afin d’assumer pleinement l’exercice de ses compétences, l’éducation et la formation, le développement économique, le développement durable et l’aménagement du territoire »” ; qui demande ”« une compensation des charges nette issues de la phase II de la décentralisation et une évaluation préalable des impacts financiers des transferts de compétences avant tout nouveau transfert »” ; qui souhaite” « un taux de TVA réduit à 5,5% pour les transports publics »”.

La droite ayant alors choisi de quitter l’Hémicycle, la motion aura été adoptée à l’unanimité… Un succès qui n’est pas encore au niveau de l’action conjointe des Régions que nous demandons pour faire face à la politique de la coalition gouvernante, mais qui pourrait en être une préfiguration. En complément de ce compte rendu ponctuel du mandat que j’exerce, je vous livre ci dessous mon intervention devant l’Assemblée régionale, en défense de l’amendement que nous présentions au budget.

MON INTERVENTION DEVANT L’ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU 19 DÉCEMBRE

« Monsieur le Président, l’amendement que je défends concerne le positionnement général de la Région.

« Ce matin, en remerciant mon amie Nicole Fréchou pour sa contribution à la discussion budgétaire, vous lui avez attribué l’idée selon laquelle le Front de gauche considérerait vos propositions en certains domaines comme une catastrophe.

« Tel n’est pas nullement notre point de vue. Nous saluons au contraire votre souhait de ne pas présenter un budget d’austérité. Et la gestion saine des années passées, qui permet aujourd’hui la dégradation de l’autofinancement, est l’acquis collectif de notre majorité régionale.
« Cela dit, vous me permettrez de vous faire remarquer qu’il est tout de même problématique que ce soit sous un gouvernement de gauche qu’il nous faille, précisément, dégrader l’autofinancement.

« Nous divergeons ici, sans doute, sur la logique d’ensemble de la politique mise en œuvre par le gouvernement. Contrairement à ce que vous avez dit ce matin, nous pensons que l’intérêt de la France commande de ne pas poursuivre plus longtemps les politiques d’austérité qui, en étranglant de possibles politiques de relance ambitieuses, ont fait augmenter la dette dans l’ensemble de l’Union européenne, y compris depuis – et du fait de – la mise en application du traité budgétaire.

« Cela dit, notre majorité régionale dispose dans le même temps d’une visée commune selon laquelle une sortie volontaire de la crise suppose nécessairement de donner aux collectivités bien plus de moyens financiers, afin qu’elles retrouvent enfin des marges d’action dans un contexte où elles assument 73% de l’investissement public. En ce sens, nous vous donnons raison, Monsieur le Président, sur le fait que nos Régions doivent être des « chefs de file » du développement de nos territoires. Encore ne faut-il pas leur en retirer la possibilité…

« Nous ne pouvons donc, collectivement, ne pas nous exprimer fortement devant la spirale des baisses de dotation nous sommes l’objet.
« Bien sûr, vous m’aviez dit, à l’occasion de la précédente discussion sur les orientations budgétaires pour 2014, que l’impact en était limité. Mais, à partir du moment où ce serrage de vis est annoncé comme devant se renouveler ces prochaines années, nous allons vite nous retrouver devant une situation littéralement intenable.

« L’amendement que nous soumettons à notre Assemblée reprend, par conséquent, ce que nous avons déjà, à plusieurs reprises, défendu ensemble : premièrement, la conquête de notre indispensable autonomie fiscale, à laquelle vous avez d’ailleurs rappelé notre attachement commun dans votre propos liminaire ; deuxièmement, la progression des dotations de l’État, au moins au simple niveau de l’inflation ; troisièmement, le remboursement des charges nettes non compensées par l’État, dans le cadre de la phase II de la décentralisation, son non-remboursement n’étant pas plus acceptable aujourd’hui qu’il ne l’était lorsque nous nous opposions à la politique de Nicolas Sarkozy ; quatrièmement, l’application aux transports publics d’un taux réduit de TVA, dès lors que nous savons non seulement que son augmentation à dater du 1° janvier aggravera la situation des ménages, mais qu’elle sera une contrainte budgétaire supplémentaire pour les Régions ; cinquièmement, enfin, la généralisation du « versement transport » et l’instauration d’une taxation des bénéfices des sociétés autoroutières, exigences qui font un large accord des Régions dirigées à gauche.

« J’ai confiance dans le fait d’être entendu de vous, Mes Chers Collègues. D’autres Assemblées régionales se sont déjà exprimées en ce sens. Hier soir, par exemple, l’Ile-de-France, sur proposition de son exécutif et en réponse à un amendement des groupes Front de gauche et Europe écologie, a adopté un amendement à son budget reprenant des exigences proches, en les inscrivant dans le grand débat sur la fiscalité souhaitée par le Premier ministre.

« Nous pensons, au Front de gauche, que notre majorité, rassemblée sur ces points, délivrera aux Midi-Pyrénéens le message de sa détermination à ne pas sortir du chemin de la justice et du progrès. »

Christian_Picquet

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