À propos des municipales à Paris

À propos des municipales à Paris

Comme la décision de Gauche unitaire de s’inscrire dans la campagne d’Anne Hidalgo sur Paris a fait quelque bruit, je veux ici revenir sur le choix qu’ont été amenés à faire ceux de mes camarades qui militent dans la capitale. D’autant qu’il nous a valu à chacun et chacune, et tout particulièrement à moi en ma qualité de porte-parole de la troisième formation à avoir fondé le Front de gauche, notre bordée d’injures plus violentes les unes que les autres. On se serait même parfois cru, sur Internet, revenu aux temps où l’on désignait, dans une partie de la gauche, ses adversaires comme des ”« vipères lubriques »”, des ”« chiens enragés »” à ”« fusiller »” d’urgence, voire les artisans d’une sombre conspiration ourdie par les ennemis de la classe ouvrière. Tout cela serait parfaitement insignifiant si de tels comportements ne se révélaient fort dangereux par les dynamiques de fragmentation et d’affrontement fratricide qu’elles entretiennent.

J’en viens toutefois au fond. Bien des articles de presse consacrés à notre décision parisienne, et il y en eut beaucoup, auront exprimé la surprise de leurs auteurs devant le soutien apporté par le cofondateur du Front de gauche que je suis à une liste où mes camarades se retrouvent avec le Parti socialiste parisien, le Parti communiste et République et socialisme. Cette décision me paraît pourtant procéder en droite ligne de la démarche à partir de laquelle nous avons fondé, en 2009, la convergence qui allait porter la candidature de Jean-Luc Mélenchon à la dernière présidentielle.

À nos yeux, et il me souvient que ses trois cofondateurs exprimaient alors la même conviction, le Front de gauche n’avait pas pour objet d’être une machine de guerre contre le reste de la gauche. Elle visait, au contraire, à mettre dans le débat public les propositions répondant à l’intérêt général de la gauche. Celles et ceux qui participèrent à cette belle aventure depuis l’origine se souviennent très certainement de m’avoir entendu, sur les estrades, avec l’approbation de mes partenaires, expliquer que nous ne voulions à aucun prix ”« faire notre petite tambouille, dans notre petite cuisine, sur nos petits réchauds »”, mais plutôt changer le centre de gravité de la gauche au bénéfice d’une ligne de rupture avec le libéralisme et le productivisme.

C’est bien ce qui nous a en permanence inspiré : défendre notre vision de l’avenir de la gauche et du pays ; affirmer la politique susceptible, à nos yeux, de favoriser de grandes avancées sociales et démocratiques pour notre peuple ; formuler, sans concession, les critiques qui nous semblaient s’imposer des logiques à l’œuvre du côté du Parti socialiste ou d’Europe écologie, ce que nous continuons aujourd’hui à faire en nous opposant avec détermination aux orientations du gouvernement ; travailler, dans le même temps, à l’unité de la gauche sur une politique permettant à notre camp de se mobiliser et de battre, sur le fond et dans la durée, la droite et l’extrême droite.

Voilà exactement la logique qui a inspiré mes camarades dans la première métropole de l’Hexagone. Les orientations politiques sur lesquelles Anne Hidalgo construit aujourd’hui sa campagne leur ont, elles nous ont, paru permettre le rassemblement le plus large à gauche. Je ne prendrai qu’un exemple à l’appui de mon propos, car il illustre combien la ligne de clivage entre droite et gauche se traduit concrètement dans la vie des Parisiennes et des Parisiens. En 2001, lorsque la coalition conservatrice perd la direction de la municipalité, elle affiche la réalisation de 1500 logements sociaux par an. L’équipe lui ayant succédé peut se targuer, elle, de 70 000 constructions nouvelles, dans ce domaine qui permet de mesurer la réalité d’une politique socialement orientée. Quant au programme de la liste que nous soutenons désormais pour la mandature prochaine, il affiche l’objectif de 7500 logements sociaux supplémentaires par an, avec pour objectif de parvenir aux 30% à la fin de l’exercice.

UNE VICTOIRE DE LA DROITE SERAIT RESSENTI COMME UN NOUVEAU RECUL PAR LE PEUPLE

Dès lors, il était d’autant moins envisageable de céder à l’hésitation que la bataille de la capitale est très loin d’être jouée, ainsi que les sondages en attestent. La marge y séparant gauche et droite apparaît, au premier tour, des plus serrées, laissant réellement incertaine l’issue du second tour. Il ne saurait, évidemment, nous être indifférent de savoir si Paris restera ou non à gauche. La victoire de la droite, d’une droite qui ne dissimule pas sa volonté de détruire pan après pan tout ce qu’il reste de l’héritage du Conseil national de la Résistance, ne serait pas seulement un échec pour le Parti socialiste qui dirige la ville depuis 2001. Elle serait une défaite de la gauche tout entière et, au-delà, un nouveau recul pour un peuple qui se trouverait un peu plus désarçonné par cette énième mauvaise nouvelle. Dès lors, Madame Kosciusko-Morizet, qui n’est que le visage avenant de tout ce que le sarkozysme avait de plus détestable, doit être battu aussi sèchement que ne le fut le candidat dont elle était la porte-parole en 2012.

Pour le dire avec d’autres mots, je peux comprendre que, au sein de notre Front de gauche, les opinions puissent être partagées sur les options tactiques à retenir pour le premier tour des municipales qui approchent. Je peux tout autant comprendre l’exaspération soulevée par les régressions mises en œuvre au sommet de l’État, et je la partage en considérant décisif que le Front de gauche dispose dans ce contexte difficile d’une visibilité maximale. Pas que l’on nie, dans un tel scrutin, qu’il pût y avoir des configurations diverses d’une ville à l’autre, ni que l’on refuse par principe l’alliance avec des sections du Parti socialiste dès lors que son contenu échapperait aux rets de l’austérité gouvernementale. Dès juin 2013, la conférence nationale de Gauche unitaire envisageait d’ailleurs de semblables cas de figure : ”« Dans toutes les communes où cela est possible, le Front de gauche doit s’adresser aux autres forces de gauche (Parti socialiste, Europe écologie-Les Verts, extrême gauche, regroupements locaux…) afin de confronter les projets et chercher les alliances qui dès le premier tour permettront de donner force à un éventuel projet commun. »”

Il me faut encore ajouter que le contenu fort positif de la campagne d’Anne Hidalgo me paraît pouvoir être mis à l’actif de l’excellent bilan du groupe Front de gauche au Conseil de Paris, et singulièrement de nos camarades communistes. C’est donc cet esprit de responsabilité qui aura présidé au choix de Gauche unitaire, et qui aura conduit mes camarades Béatrice Bonneau (dans le 2° arrondissement), Charly Janodet (dans le 12°), Vincent Boulet (dans le 13°) et Alain Faradji (dans le 15°) à s’engager dans le combat pour faire élire une nouvelle majorité de gauche à Paris.

LE FRONT DE GAUCHE A UN AVENIR

Je terminerai sur le devenir du Front de gauche, que certains articles de presse évoquent désormais avec insistance. Je ne crois nullement que notre décision, après celle des communistes parisiens, fût de nature à faire éclater la convergence que nous formons avec nos amis du Parti de gauche.

Dans une configuration pluraliste, il peut exister des désaccords d’orientation voire de stratégie, autant que des choix locaux différents. Comme je l’ai déjà plusieurs fois écrit ici, et comme je l’ai dit et répété à mes partenaires, il importe de pouvoir en débattre publiquement afin de maîtriser ces divergences, tout en gardant en permanence à l’esprit que notre unité est fondée sur la politique que nous défendons en commun pour le pays. Rien de fondamental ne nous sépare présentement sur l’appréciation de la politique conduite par François Hollande, sur l’objectif de bouleverser le rapport des forces au sein du camp progressiste, sur la nécessité impérieuse d’imposer un changement de cap, sur l’action indispensable pour faire émerger une autre majorité et un autre gouvernement de gauche. Ce qui représente tout de même l’essentiel…

Je regrette, à cet égard, que Jean-Luc Mélenchon ait cru bon, sur son blog, de me faire à mon tour monter dans la charrette des condamnés pour compromission avec la social-démocratie, où je me retrouve, entre autres, en la compagnie de Pierre Laurent ou de Ian Brossat, le chef de file des communistes sur Paris. Il y écrit notamment, à mon propos : ”« Ici, le profit personnel d’un individu se fait au prix de la confusion et de la tromperie. »” Diable ! La politique ne serait-elle plus pour nous que ce théâtre à l’ombre duquel agiraient quelques comploteurs uniquement mus par d’inavouables plans de carrière ? Je ne sais quel ”« profit personnel »” je puis tirer de la décision de mes camarades. Ce que je sais, en revanche, c’est que le Front de gauche a un avenir pour rouvrir un horizon de progrès au plus grand nombre de nos concitoyens. Et que c’est la raison pour laquelle je plaide, depuis des mois, pour que l’on en finisse avec les petites phrases assassines, les sentences définitives ou les attaques ad hominem…

Christian_Picquet

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