Derrière “Dieudonné”, le réveil de l’antisémitisme
Il me faut l’avouer, j’ai quelque temps hésité à me lancer dans l’écriture de cette note. Devais-je, à mon tour, plonger dans le maelström qui, depuis les fêtes, ne cesse de rebondir pour focaliser l’attention des médias ? N’allais-je pas, m’y résolvant, contribuer à détourner l’attention des nôtres de questions autrement décisives pour l’avenir de la gauche et de la France ? Si j’ai finalement décidé d’entrer dans le débat, c’est animé de la conviction que nous n’étions nullement en présence d’une banale opération de diversion. Parce que la place qu’un Dieudonné M’Bala M’Bala est aujourd’hui amené à occuper dans notre espace public en dit long, très long même, sur l’état du pays et la gravité de sa crise politique, sociale, morale et idéologique. Et parce qu’à la faveur des controverses de la dernière période, on aura fini par enfermer la République dans un redoutable piège : celui que le ministre de l’Intérieur aura commencé à construire, et dont ses contradicteurs les plus respectables à gauche auront fini, sans s’en apercevoir sans doute, par refermer les mâchoires redoutables…
Commençons par l’origine de ce qui est, en quelques jours, devenu un psychodrame national… Dieudonné… Enfin, ici, je ne veux le désigner que par son patronyme, « Dieudonné » étant un nom de scène dont ce sinistre personnage ne peut plus, à mon sens, revendiquer encore l’usage, ayant troqué l’habit de lumière de l’artiste contre l’uniforme du propagandiste brun de la pire espèce. Je ne nie évidemment pas qu’il demeurât une dimension artistique dans les numéros de scène de Monsieur M’Bala M’Bala, ce qui n’est pas sans expliquer le succès dont il bénéficie, mais en l’occurrence le talent (incontestable !) se voit mis au service d’un exercice d’hystérisation des salles autour d’un discours de stigmatisation à l’état pur.
Qui peut songer à discuter le fait que cet individu fût devenu un antisémite avéré, construisant sa vision du monde autour de l’idée d’un complot ploutocratique dont il serait le pourfendeur, avec pour ambition revendiquée d’organiser la résistance des victimes du prétendu lobby juif qu’il vilipende tout au long de ses prestations ? Qu’il fût, depuis des années déjà, entré dans la secte des négateurs de la Shoah, ce qu’il tint à souligner avec éclat le jour où il fit monter sur ses tréteaux l’ignoble Faurisson, qu’un régisseur en tenue de déporté vint honorer pour son œuvre ? Qu’il eût franchi toutes les limites du supportable en se livrant à l’apologie du génocide hitlérien, n’hésitant pas à regretter les chambres à gaz à propos du journaliste Patrick Cohen et promettant ce dernier au plus sombre destin le jour où… ? Qu’il ne mît dorénavant plus guère de limites à ses délires maladifs, d’autres catégories de population se trouvant associés à ses obsessions, les homosexuels en tête ? Qu’il se retrouvât présentement au nombre des banalisateurs, pour ne pas dire des laudateurs, d’un lepénisme affichant sans vergogne sa convoitise du pouvoir ?
C’est, par conséquent, moins la dérive d’un homme – qui se fit connaître du public, au début des années 1980, par son opposition à un Front national parti à l’assaut de la municipalité de Dreux – qui pose question, que l’encouragement dont il bénéficie et dont témoigne, tout à la fois, l’affluence aux portes des salles où il se produit et le nombre des internautes qui, maintenant, vont visionner ses insanes tirades. D’évidence, M’Bala M’Bala est devenu le symbole du retour en force de l’antisémitisme dans la société française.
L’INÉVITABLE RETOUR DE LA HAINE DU JUIF
Au temps de l’âpre bataille visant à faire reconnaître l’innocence du capitaine Dreyfus, Bernard Lazare avait fort bien résumé le ressort profond de l’antisémitisme militant : ”« À la base, il faut mettre la raison permanente et séculaire, l’antique, l’indéracinable préjugé, la vieille haine plus ou moins avouée contre la nation, déicide, chassée de la terre par des aïeux, poussée de l’Orient à l’Occident, du midi au septentrion, la nation qui, pendant des siècles, fut, comme au soir de la sortie d’Égypte, les reins ceints de la corde, la main armée d’un bâton, prête à fuir par les routes inhospitalières à la recherche d’un sol ami, d’un abri accueillant, d’une pierre où pouvoir poser sa tête. C’est là le modèle qui a supporté les autres, c’est là le sentiment constant qui a permis à d’autres sentiments de s’éveiller, de se développer, de grandir. Sur ce fonds stable qui existera tant qu’il y aura des Juifs” (…) ”on a bâti et, selon les siècles, selon les pays, selon les mœurs, on a bâti d’une façon différente, je veux dire qu’on a justifié autrement la guerre aux Juifs »” (in ”Juifs et antisémites”, éditions Allia 1992).
Depuis une bonne quinzaine d’années, et tout particulièrement à la faveur de l’onde de choc provoquée par le 11 Septembre, beaucoup avaient pu croire que l’Arabe ou le musulman s’était définitivement substitué au Juif dans l’imaginaire auquel s’abreuve la tentation raciste. L’offensive néoconservatrice venue d’outre-Atlantique pouvait légitimement conforter ce sentiment, en accréditant l’idée que la fracture idéologique principale, au sein d’un monde aussi globalisé que convulsif, s’était déplacée autour de l’opposition entre ”« Orient »” et ”« Occident »”, ”« islam »” et tradition ”« judéo-chrétienne »”. Une bonne manière, pour les théoriciens du ”« choc des civilisations »” d’entretenir et de tirer tous les partis possibles des angoisses existentielles et autres pulsions identitaires que provoquent, à l’intérieur des pays développés, les dévastations du modèle libéral et libre-échangiste.
L’infernale dynamique des phobies ethnicistes et xénophobes ne tarde toutefois jamais, l’expérience en fait foi, à retrouver sa cible favorite, la figure démonisée du Juif, réputé insaisissable dans son nomadisme et dominateur dans son appétit inépuisable de pouvoir. On peut même dire que l’obnubilation maladive d’un islam accusé de vouloir saper les bases du monde « occidental » ne pouvait, en miroir, à un moment ou à un autre, que ressusciter les vieux poncifs d’une puissance juive occulte. Ce n’est pas pour rien que le philosophe Theodor Adorno, l’un des animateurs de ce que l’on désigne comme « l’École de Francfort », écrivit un jour que ”« l’antisémitisme est la rumeur qui court sur les Juifs.»”. Aussi, comme nous fûmes un certain nombre à le dire, non seulement la compétition victimaire et la concurrence mémorielle n’avaient-elles aucun sens, mais elles n’avaient surtout pour effet que de diviser profondément ceux qui devaient inévitablement se retrouver les cibles conjointes de campagnes de détestation et d’ostracisation.
De fait, en ce début de XXI° siècle, le nouveau système du monde, remodelé par un capitalisme financiarisé à l’extrême, générateur de crises en série autant que de spéculation effrénée, d’inégalités monstrueuses et de dévastations de toutes sortes, ne pouvait que remettre au goût du jour la théorie paranoïaque associant les Juifs à l’ordre dominant autant qu’au déclin redouté de millions d’hommes et de femmes. Et la politique insupportable des gouvernants israéliens à l’encontre d’un peuple palestinien privé de ses droits fondamentaux devait inévitablement venir apporter la touche finale, et une justification nouvelle, à cette représentation brouillée de la réalité.
« LE CADAVRE MOMIFIÉ DE L’AUTREFOIS »
Plus particulièrement, une France en proie à l’angoisse quant à son devenir, travaillée depuis 30 ans par le national-lepénisme, privée d’espoir par les échecs enregistrés par son mouvement social comme par les reniements d’un pouvoir qu’elle croyait de gauche, devait très vite se voir rattrapée par le phénomène. Avec d’autant plus de force que l’antisémitisme s’est toujours trouvé associé aux affrontements dont la République a historiquement fait l’objet, et qu’il s’y est toujours révélé capable de fédérer des ressentiments opposés. Il y a dix ans, Nicolas Weill avait, en ce sens et très justement, constaté :” « Le Juif est érigé en symbole d’un Occident mondialisé, qui exerce ses sévices à travers le ‘’turbocapitalisme’’.” (…) ”Cette nouvelle place assignée au Juif comme éponyme de la puissance néolibérale n’en continue pas moins à faire cohabiter des éléments contradictoires, celui-ci servant aussi bien à nommer l’impérialisme et l’arrogance du nouveau capitalisme que sa nature ravageuse. Le Juif reste le révolté et le dominant, le riche et le ‘’chien crevé’’, le dominateur (des médias, de la finance) et l’outsider dont néanmoins la capacité à s’intégrer suscite une morbide jalousie, etc. Bref, une figure démoniaque »” (in ”La République et les antisémites”, Grasset 2004).
C’est à cet égard que la place aujourd’hui occupée par Monsieur M’Bala M’Bala représente un danger qu’il ne faut à aucun prix sous-estimer. Le personnage ne se contente pas de vitupérer contre le « système » ou de dévoyer la colère légitime que provoque la situation dramatique des Palestiniens (manipulation que dénonce, à juste titre, l’Association France-Palestine solidarité). Il recycle la thématique traditionnelle de l’extrême droite antisémite, jusqu’aux arguments puisés à la source des élucubrations nauséabondes des « théoriciens » de cette tradition politique depuis le XIX° siècle. À partir d’un discours aux prétentions radicales, il parvient surtout à coaliser une galaxie hétéroclite, mêlant un public plutôt cultivé et issu de la gauche, des secteurs venus de l’immigration ou des quartiers populaires dont la politisation s’est effectuée à travers le combat pour l’indépendance palestinienne, une mouvance agissant aux franges du Front national.
Nous sommes très loin, ici, des analyses abondamment véhiculées par les thuriféraires de la politique israélienne. La remontée de l’antisémitisme, à laquelle on assiste présentement, n’est ni fille de la solidarité avec un peuple privé de liberté sur sa terre, ni consubstantielle à l’islamisation supposée d’une partie de la société française. Elle s’alimente à des sources diverses et, plus encore, comme indiqué précédemment, elle s’inscrit dans la continuité d’une judéophobie ayant servi de marqueur aux grands soubresauts ayant jalonné l’histoire de la République, avec une violence d’autant plus grande qu’à ses origines, celle-ci avait tenu à traduire le principe d’égalité dans l’émancipation des Juifs. Pour cette raison, comme le constate fort justement l’historien Jean-Paul Gautier dans ”L’Humanité” du 20 janvier, le comique qui ne fait plus rire prend de plus en plus le chemin de ce racialisme antijuif dont un Édouard Drumont était le porte-drapeau au temps de l’Affaire Dreyfus. C’est à propos de ce dernier que Lazare évoquait d’ailleurs si bien une ”« réaction révolutionnaire »” mettant ”« perpétuellement en face de l’aujourd’hui le cadavre momifié de l’autrefois »”. Les mots s’appliquent parfaitement à la logorrhée complotiste et prétendument antisioniste de M’Bala M’Bala.
DU DANGER DE L’INSTRUMENTALISATION…
C’est à l’aune d’un pareil danger que l’on se doit de mesurer le danger du piège par la désignation duquel j’entamais cette chronique. En se lançant comme il l’a fait, en plein milieu de la Trêve des confiseurs, dans l’épreuve de force ayant eu pour résultat de placer Monsieur M’Bala M’Bala au cœur de l’espace public, le ministre de l’Intérieur n’aura nullement servi un sursaut républicain n’ayant que trop tardé. Au contraire ! Certes, personne ne saurait lui reprocher d’avoir mobilisé les moyens de l’État pour sanctionner une parole innommable. Comment, néanmoins, ignorer l’opération de promotion personnelle consistant, pour le résident de la place Beauvau, à effacer la trace d’un comportement choquant quand il fait des Roms, des sans-papiers ou des populations de culture musulmane la cible de ses services, tout en construisant méthodiquement l’image – très bonapartiste – d’une personnalité à poigne ? Comment, encore, ne pas percevoir le caractère contre-productif de cette action hautement médiatisée, eu égard à ses motivations revendiquées ?
En mettant délibérément M’Bala M’Bala sous les projecteurs du théâtre médiatico-politicien, fusse pour quelques semaines, Manuel Valls lui aura offert une publicité inespérée. En faisant de la dénonciation d’un ”« petit entrepreneur de haine »” son combat personnel, il lui aura conféré le statut de premier adversaire de l’ordre en place, aux yeux d’une catégorie de population que seule une exaspération pervertie pouvait parvenir à rassembler. Pire, en recourant à un arsenal juridique pour le moins hasardeux, allant à rebours du principe selon lequel on ne peut interdire ”a priori” des réunions publiques dont le caractère délictueux doit être constaté à chaque occasion, puis en faisant le forcing afin d’obtenir l’onction du Conseil d’État, il aura aidé son odieux adversaire à revêtir le costume de victime d’un prétendu acharnement institutionnel.
Prenons bien garde à ce résultat : c’est Adorno, encore lui, qui constatait, peu après la chute du III° Reich, que l’habileté suprême des propagateurs de la phobie antijuive consistait à retourner contre leurs opposants la charge accusatoire. ”« L’un des trucs favoris des antisémites d’aujourd’hui,” écrivait-il, ”est de spéculer effectivement là-dessus : on se présente comme des persécutés ; on se comporte comme si, par le biais de l’opinion publique qui rend de nos jours impossibles des déclarations d’antisémitisme, l’antisémite était à vrai dire celui contre qui se tourne le dard de la société avec le plus de cruauté et de succès. »”
… ET DE LA SOUS-ESTIMATION DU MAL
Cela dit, il me faut également exprimer mon désaccord avec les voix qui, même lorsqu’elles sont celles d’amis, s’opposent au ministre de l’Intérieur au nom de la liberté d’expression. Naturellement, je comprends l’inquiétude suscitée, ici ou là, par un possible précédent juridique pouvant demain justifier des atteintes généralisées aux libertés fondamentales. Il est, de ce point de vue, permis de redouter tout ce que sa posture autoritaire pourrait conduire Manuel Valls à faire dans l’avenir. Il n’empêche ! C’est à mon sens se tromper de confrontation que d’exprimer principalement sa réprobation sur le terrain de la censure.
Si, en effet, dans la tradition démocratique anglo-saxonne, l’État est censé demeurer neutre devant l’expression de toute opinion quelle qu’elle soit, seule l’instance judiciaire étant en droit de sanctionner si toutefois elle se voit saisi par une tierce partie, le principe républicain français repose sur des considérations radicalement différentes. Il y incombe à la puissance publique de construire et entretenir en permanence un rapport de force politique face à ceux dont l’action vise à abattre les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité qui, intrinsèquement associées entre elles, fondent la République. C’est ainsi que, sur les deux dernières décennies, la loi Gayssot sera venue doter les pouvoirs publics de moyens renforcés de combattre, en les poursuivant devant les tribunaux, les entreprises négationnistes autant que ”« toute discrimination fondée sur l’appartenance ou la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion »”.
Voilà pourquoi il me paraît si dangereux de paraître, avec les meilleures justifications du monde, apporter son concours à l’affaiblissement d’une digue qui, dans ce pays et à l’inverse d’autres, a interdit à des réseaux bien plus organisés qu’on ne l’imagine de répandre librement leur venin dans le corps social. On m’objectera que cela n’a pas empêché le racisme d’exister et même de progresser. Sans doute, mais cela l’a, au moins, freiné en bridant son discours et en dotant la collectivité des bases juridiques permettant de l’affronter. Par conséquent, autant je peux me retrouver dans la critique de l’action pour le moins problématique du gouvernement dans l’affaire qui nous occupe, autant je ne saurais adhérer ni aux propos selon lesquels, y compris face à des saillies immondes, ”« le principe doit rester celui de la liberté d’expression »”, ni à ceux qui seront allés jusqu’à considérer que M’Bala M’Bala posait moins de problèmes aux droits des citoyens que… Monsieur Valls.
PRENDRE LES BONS MOYENS DE COMBATTRE LA HAINE
Que l’on me permette, dans ce débat politico-juridique, de faire remarquer que l’on a tôt fait, du discours général (et généreux) en défense de la liberté d’expression, de dériver vers la revendication du droit de rire, dans des représentations publiques, de la négation des droits humains. La ligne rouge a, par exemple, été franchie par un Daniel Schneidermann qui, dans ”Libération” du 13 janvier, avouait : ”« On rit de l’ignoble culot de ces deux desperados” (il s’agit de M’Bala M’Bala et… de Faurisson) ”contre les bien-pensants. »” Nous y voilà… Les ”« bien-pensants »” seraient désormais, du moins pour l’auteur de ce papier, tous ceux qui n’admettent pas plus la négation ou la banalisation du génocide hitlérien que la relativisation de ces autres crimes contre l’humanité que représentent, entre autres, la traite des Noirs ou l’extermination des Arméniens. Le refus de la haine meurtrière de l’autre ne saurait se diviser et, en tout cas, il ne doit souffrir d’aucune complaisance ou relâchement.
J’ai déjà beaucoup appelé Bernard Lazare à la rescousse. Je le fais une dernière fois. Voici en quels termes il répondait à des contradicteurs qui feignaient de s’étonner que lui, le libre-penseur et l’athée, pût s’indigner des attaques contre le judaïsme : ”« D’autres ont ajouté : vous qui êtes un athée, qu’allez-vous faire dans cette galère, cela ne vous est-il pas indifférent de voir attaquer les Juifs ? À cela, j’ai répliqué qu’il m’était absolument indifférent d’entendre attaquer la religion juive, mais que les bons antisémites, le jour où ils m’enlèveront mes droits de citoyen et d’homme ne me demanderont pas si je pratique ou non le judaïsme.” (…) ”Je dois donc défendre mes prérogatives d’individu. Je suis Juif étant né tel. Il ne me plaît ni de changer de nom, ni de m’affilier à une église, ou à un temple, ou à une mosquée. J’ai le droit de rester tel et je soutiendrai ce droit. Qui peut me donner tort ? »”
S’il est une chose que l’on doive regretter, au terme d’une longue et nauséeuse polémique, c’est plutôt que les pouvoirs publics n’aient pas recouru à des armes autrement efficaces pour contrecarrer les entreprises du sinistre personnage qui se produit dans les théâtres sous le nom de Dieudonné. Pour ne pas avoir à acquitter le coût de ces innombrables condamnations par les tribunaux, l’homme s’est déclaré insolvable. Ce qui n’a manifestement pas entravé sa faculté à faire financièrement prospérer ses activités commerciales et de pratiquer allègrement l’évasion fiscale. La justice et l’administration de Bercy disposaient dès lors, depuis bien des mois, de toutes les justifications les autorisant à frapper le vociférateur à la caisse en n’hésitant pas à mettre sous séquestre les sociétés qui organisent ses « spectacles », de le poursuivre pour ses pratiques frauduleuses, de révéler à son public qui il était vraiment. C’eût été une arme bien plus performante que les gesticulations d’un ministre surtout intéressé par son plan de carrière. Pourquoi l’échelon ministériel est-il resté si longtemps passif ?
J’en termine en disant qu’à mes yeux, trois leçons méritent d’être retenues d’une séquence qui connaîtra certainement d’autres rebondissements. Un, que Brecht avait raison de nous avertir que le ventre de la bête immonde restait fécond, malgré la connaissance que l’opinion possède dorénavant des horreurs génocidaires perpétrées par le régime hitlérien. Deux, qu’il est dangereux d’oublier que tous les racismes s’entretiennent et que l’on eût dû tirer le signal d’alarme dès que les manifestations d’hostilité au « mariage pour tous » virent de nouveau flamber les diatribes antijuives et antimaçonniques, ou que la garde des Sceaux fut ignoblement conspuée dans la rue en raison de ses origines. Trois, qu’il est grand temps d’en finir avec les rétrécissements communautaires qui n’ont pour seul effet que de dresser les unes contre les autres les victimes de l’exécration et d’alimenter un confusionnisme dévastateur.