“Une majorité rose-vert-rouge est devenue possible”
Comme annoncé en conclusion de ma précédente note, je mets ci-dessous en ligne la tribune que j’avais publiée dans l’avant-dernière livraison de Politis. Je l’avais intitulée : « Une majorité rose-vert-rouge est devenue possible. » Je l’accompagne d’une réflexion bien plus étendue que je ne l’avais imaginée initialement. C’est, en effet, qu’il me paraît que la gauche entre dans une séquence nouvelle, où se révèle posé à elle le décisif problème de son devenir dans une conjoncture susceptible de disloquer toutes ses traditions. J’en tire notamment pour conclusion que cela fixe au Front de gauche un défi auquel il ne répond pas pour l’heure, faute d’avoir su dans la période écoulée clarifier les désaccords stratégiques qui le tourmentent.
Ce n’est pas un hasard si, pour la première fois depuis 2012, ”Médiapart” aura tenu à réunir, pour un débat largement suivi sur Internet, Jean-Christophe Cambadélis, Emmanuelle Cosse et Jean-Luc Mélenchon. Le ton aura d’emblée été donné lorsque le premier secrétaire du Parti socialiste aura lui-même reconnu : ”« Le PS a subi une défaite majeure, les fondations mêmes du parti ont été ébranlées, ces fondations du socialisme municipal, mais dans l’ensemble de la gauche il y a aussi divisions et désarroi. Si nous ne parvenons pas à nous écouter et à échanger, alors nous allons entrer dans une période extrêmement difficile. »” Je ne sais s’il s’agit, pour le successeur d’Harlem Désir rue de Solferino, d’« enjamber » le quinquennat de François Hollande mais, à tout le moins, ses propos révèlent une conscience aiguë du fait que l’action des gouvernants ne laisse augurer aucun « retournement de tendance » qui permettrait de retrouver la confiance du peuple…
Qui, hormis des ministres coupés des réalités par la dérive libérale de l’équipe à laquelle ils appartiennent, peut encore ignorer que les municipales auront représenté un séisme ? De ces séismes qui, simultanément, accélèrent des décompositions jusque-là en suspension et initient des réorganisations potentiellement prometteuses… Chacun le sent bien, le scrutin des européennes du 25 mai pourrait bien constituer une nouvelle manifestation dévastatrice d’un recul général des partis historiquement liés au mouvement ouvrier, et c’est en anticipation de cette possible déflagration que se multiplient ces temps-ci, de manière souvent anarchique, clubs et espaces de discussion.
C’est dans ce contexte qu’il s’est produit, le 29 avril, l’événement qui aura, d’un même mouvement, ouvert une issue éventuelle à la crise multiforme que traverse le pays et marqué une nouvelle étape dans l’épuisement de la V° République. Je veux parler de l’abstention, sur le « programme de stabilité » présenté par Manuel Valls, de ces 41 députés socialistes dont l’attitude s’est conjuguée au vote négatif de douze élus d’Europe écologie, de leurs trois collègues du Mouvement républicain et citoyen et, naturellement, du groupe Front de gauche. Sans compter celles et ceux qu’une dramatisation intense des enjeux de ce vote aura conduit, la mort dans l’âme on le devine, à approuver le plan d’austérité gouvernemental… sans pour autant revenir sur les critiques qu’ils avaient auparavant émises, en compagnie des « 41 », dans une missive dorénavant célèbre. Comme s’ils avaient voulu souligner les limites de leur acceptation de l’orthodoxie budgétaire, il se réunissent d’ailleurs tous ensemble chaque semaine, avant le rendez-vous lui aussi hebdomadaire du groupe PS.
Parlons clair : François Hollande et son Premier ministre n’ont plus de majorité au Palais-Bourbon. Le fait est inédit depuis 1962. Même lorsqu’une coalition gouvernante ne disposait pas d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale, comme ce fut le cas de celle dirigée par Michel Rocard au lendemain de la présidentielle de 1988, les élus du principal parti faisaient bloc pour faire adopter les projets de loi. Cette fois, chacun des textes qui vont venir devant la représentation nationale, du prochain collectif budgétaire à la future loi de finances, sans parler du choc annoncé de la réorganisation territoriale, fera inévitablement l’objet de confrontations intenses. Il faudra, à l’hôte de Matignon, soit faire des concessions à cette large partie du groupe majoritaire qui rechigne à se retourner contre ses mandants, soit trouver à droite les soutiens qu’il lui manque dans sa propre famille. C’est, à bien y regarder, ce dernier scénario qui aura commencé à s’ébaucher, ce 29 avril, l’abstention des députés UDI (et même l’approbation d’une poignée de leurs collègues UMP) ayant été indispensables à la ratification de dispositifs n’ayant plus rien à voir avec des exigences de gauche.
TOUT PEUT SORTIR DE CETTE CRISE…
Quoique les institutions octroient toujours aux deux têtes de l’exécutif les moyens de faire passer en force leur volonté contre celle des parlementaires censés les soutenir, une configuration aussi instable ne saurait perdurer jusqu’à la fin du quinquennat. Outre qu’il va devenir plutôt périlleux, pour un pouvoir ne disposant pas même du soutien d’un Français sur cinq et ayant de toute manière perdu celui de son propre électorat, de gouverner à la fois contre le pays et contre son propre parti, ce sont les équilibres mêmes sur lesquels fonctionne la V° République qui se voient minés.
Jusqu’à présent, et au gré de révisions constitutionnelles ayant poussé à son paroxysme la présidentialisation des institutions, le monarque trouvait les moyens de se maintenir en place grâce à une geste bonapartiste censée relégitimer en permanence sa relation au pays, le Premier ministre prenait la place d’un grand chambellan (sauf en période de cohabitation, naturellement), le Parlement se trouvait vassalisé, la vie publique s’organisait autour de deux partis gérant des alternances sans ruptures fondamentales, la technostructure contrôlait les leviers de commande donnant à toute l’architecture une apparence de grande stabilité. Il n’en reste rien, à l’exception de la suprématie de la haute fonction publique. Le président de la République est devenu inaudible des Français et sa perte de crédit lui ôte toute capacité de reprendre la main. Le divorce entre les citoyens et leur représentation se manifeste à travers une abstention si massive qu’elle menace d’engendrer des turbulences totalement incontrôlables. La perte de crédit du Prince entraîne l’entrée en concurrence des deux têtes de l’exécutif. Les deux partis cadenassant la vie institutionnelle accusent, l’un comme l’autre, la même perte d’autorité sur leurs camps respectifs. Le Parlement redevient le théâtre d’un vrai débat sur les grandes options à retenir, dès lors que les élus de la formation dominante refusent de chausser plus longtemps leurs godillots. Et, traduction de ces ébranlements en série, une extrême droite en ascension et influençant chaque jour davantage la droite traditionnelle menace la République d’un affaissement sans équivalent depuis la fin des années 1930…
Tout cela ouvre une crise politique susceptible de dégénérer à chaque instant en convulsions d’où tout peut sortir. Le meilleur et le pire ! C’est la raison pour laquelle, avec mes camarades de la Gauche unitaire, j’estime que la première des responsabilités des forces ayant à cœur l’intérêt de la gauche dans son ensemble consiste à porter une perspective permettant que le meilleur l’emporte sur le pire. Dès lors que les gouvernants ont perdu la majorité à gauche et au Palais-Bourbon, et dans la mesure où cette situation est irrémédiable puisqu’ils se refusent obstinément à changer de cap, c’est la constitution d’un nouveau bloc majoritaire, sur une autre politique, qui vient à l’ordre du jour. Je l’ai désigné, pour la force du symbole, comme une majorité « rose-vert-rouge », en ce sens qu’elle doit viser à rassembler la gauche dans ses forces vives. Pour le dire autrement, il s’agit maintenant d’allier tous ceux qui n’entendent pas voir la tradition socialiste sombrer dans la débâche où les entraîne (où nous entraîne…) François Hollande, aux courants incarnant l’écologie politique et à ceux portant la volonté de transformer radicalement l’ordre existant, ce processus devant reposer sur un partenariat reconstruit avec les organisations du mouvement social.
MENONS ENFIN LE DÉBAT DANS LE FRONT DE GAUCHE !
En écrivant ma tribune de ”Politis”, je l’ai déjà dit, je n’ignorais que j’ouvrais en grand le débat agitant le Front de gauche sur la stratégie à mettre en œuvre. Chacun conviendra, avec l’ébranlement croissant de la gauche, que cette discussion ne peut être plus longtemps différée. Sauf, bien sûr, à ne répondre à une conjoncture toujours plus mouvante et dangereuse que par un immobilisme, sans doute confortable pour quelques-uns, mais catastrophique dans ses conséquences.
Accordant une interview à ”Marianne” du 18 avril, Jean-Luc Mélenchon eut ces mots : ”« Notre heure viendra. »” Il n’est évidemment pas interdit d’afficher cette haute ambition, à condition cependant que l’on veuille par là souligner que notre objectif, celui que nous avons voulu donner au Front de gauche en le créant en 2009, reste de changer le centre de gravité de la gauche. Il n’en reste pas moins à définir les moyens d’y parvenir et, surtout, de dépasser notre difficulté présente à incarner une solution de pouvoir trouvant sa crédibilité très au-delà de la sphère de sympathie gagnée lors de la dernière élection présidentielle.
De ce point de vue, si l’on ne saurait entretenir l’illusion qu’un meilleur rapport de force pourrait obtenir que Manuel Valls et ses ministres conduisent une action inverse de leurs choix du moment, il est tout aussi inopérant d’attendre que le mouvement populaire vînt redistribuer à chaud les cartes en se dotant d’une majorité politique bâtie sur la dynamique de ses revendications. C’est pourtant cette illusion que je devine chez nos camarades d’« Ensemble ». Me répondant dans la dernière livraison de ”Politis”, quatre d’entre eux écrivent ainsi : ”« Regrouper tous ceux qui refusent cette politique (celle du gouvernement…), n’en rejeter aucune par sectarisme ? Certes, oui, mais n’allons pas proclamer trop vite ”‘’un nouveau bloc majoritaire’”’, comme le fait Christian Picquet en reprenant les termes chatoyants de ’’rose-vert-rouge’’ pour ressusciter la gauche plurielle. Les institutions de la V° République sont telles que, sans grandes mobilisations amenant une crise institutionnelle, nous subirons la majorité actuelle, plus ou moins centriste, pour trois ans de plus, avec la perspective du retour de la droite dure alliée à l’extrême droite. »”
Passons sur la polémique, passablement ridicule quoique digne de la pire époque des sectarismes gauchistes, qui me désigne en nostalgique de ce qui a si tragiquement échoué un certain 21 Avril, en l’occurrence la “gauche plurielle”, et concentrons-nous sur l’essentiel. Pour qui sait lire entre les lignes, et bien qu’ils en appellent ”« à changer de majorité au plus tôt »”, les auteurs de cette contre-tribune nous invitent à ne surtout vouloir concrétiser cet objectif qu’à partir du moment où une grève générale, un Mai 68 ou un Décembre 95 qui réussiraient, conduirait au renvoi de l’actuelle majorité. La donne politique pourrait, si l’on comprend bien, se trouver ce faisant reconfigurée, à l’occasion de nouvelles élections générales donnant enfin une traduction à la radicalité sociale. Pour l’avoir expérimentée au temps de la Ligue communiste révolutionnaire, je connais bien cette attitude qui revient à ne pas vouloir faire bouger les lignes dans la gauche du présent, au nom du bouleversement bien plus radical qu’il serait possible d’espérer d’une confrontation de classe de grande ampleur.
Parlons sans détours. Que la naissance d’une alternative digne de ce nom fût handicapée par la faiblesse des mobilisations populaires, cela ne fait aucun doute. Il n’est, pour autant, guère réaliste d’ignorer que l’entrée en lice du peuple se heurte aujourd’hui à l’inexistence d’un espoir politique, au sentiment diffus que les luttes ont perdu la capacité d’arracher des victoires, à l’impuissance qu’éprouve le monde du travail lorsqu’il ne parvient pas à se faire entendre de la composante de la gauche qu’il a lui-même porté aux affaires. C’est pourquoi, plutôt que d’échafauder des scénarios censés prémunir à coup sûr de tous les risques « d’opportunisme » – c’est toujours comme cela que l’on a habillé, du côté de partis se voulant la « vraie gauche » à eux seuls, le refus d’agir sur le réel au service des intérêts de celles et ceux au nom desquels nous nous battons –, il convient, ici et maintenant, de répondre à une contradiction devenue explosive : celle qui oppose un gouvernement sacrifiant tous ses engagements sur l’autel du libéralisme à l’immense majorité de ses électeurs, dont un nombre croissant de socialistes et d’écologistes s’estime toujours, à juste titre, les mandants.
Ce peuple de gauche en déshérence peut et doit retrouver une majorité politique conforme à ce qu’il avait exprimé dans les urnes au printemps 2012. Et, à moins de penser que le Front de gauche s’avère en mesure de répondre solitairement à cette exigence, il s’impose de réfléchir aux alliances envisageables afin d’avancer dans cette direction. Dit en d’autres termes, de la même manière que l’ensemble des formations dudit Front de gauche considéraient, au soir de la victoire remportée sur la droite voici deux ans, qu’elles seraient prêtes à intégrer un gouvernement décidé à agir contre la finance et les diktats de l’Europe des marchés, comment ne se montreraient-elles pas désormais disponibles à la construction d’une coalition aux équilibres radicalement bouleversés, avec pour objectif de remettre la France sur la voie du progrès et de la justice ? Cela nous fixe l’impérieux devoir, non de spéculer sur un échec qui nous conforterait dans l’illusion que nous serions l’unique alternative imaginable, mais de chercher à aboutir. Donc, de créer les conditions d’un débat productif, de formuler étape après étape les propositions adaptées, de donner à voir à des millions d’hommes et de femmes qu’un sursaut s’amorce.
LE CŒUR DU DÉSACCORD
Pour cette raison, je le dis fraternellement à mes camarades du Front de gauche qui se montrent si sceptiques sur cette démarche, je trouve tout aussi inadaptés les appels désincarnés à nous rejoindre que les conseils prodigués de l’extérieur à tous ces socialistes, élus ou militants, qui n’entendent pas sombrer – et faire sombrer la gauche – avec la théorie de « l’offre » si chère au président de la République. Pour être encore plus précis, je ne crois pas nous nous montrions vraiment utiles en sommant les 41 députés, et ceux de leurs collègues qui partagent leur point de vue, de se constituer en groupe autonome dans l’Hémicycle. Même si l’on croit justifiée cette suggestion, c’est à eux, à eux seulement, de choisir les modalités de leur bataille. C’est de nous, en revanche, qu’ils sont en droit d’attendre une contribution déterminée à la convergence sans laquelle on ne saurait imaginer faire basculer positivement la situation de la France.
Nous touchons ici, du moins me semble-t-il, le cœur de l’échange stratégique qui agite le Front de gauche depuis des mois. Deux approches s’y confrontent. Jean-Luc Mélenchon exprime assez fréquemment la première d’entre elles, et il aura encore eu l’occasion de le confirmer dans son interview, déjà citée, à ”Marianne”. Il y indiquait : ”« Il y a d’un côté cette construction moléculaire d’une nouvelle gauche, certes héritière du passé, mais radicalement mutante. Un peu laborieuse ? Mais, jour après jour, elle progresse. De l’autre côté, la nécrose du mouvement socialiste s’étale à chaque choc électoral. »” Autant j’approuve la disponibilité au débat dont Jean-Luc a fait preuve à l’endroit de Jean-Christophe Cambadélis lors de la rencontre de ”Médiapart”, autant je trouve que le point de vue exposée dans ”Marianne” incline insidieusement vers la thèse des « deux gauches » qui a mené feue la LCR puis le NPA à leur irréversible marginalisation. Il peut, au demeurant, y avoir plusieurs manières d’installer la même idée dans le débat de la gauche, que l’on englobe de manière indistincte l’ensemble des socialistes dans un commune opprobre, ou que l’on daigne évoquer (surtout pour la forme) la présence d’une aile socialiste dans la naissance d’une force radicale… Le résultat est le même : on contourne la question de l’unité de la gauche en tant que telle, on ignore qu’aucune conquête progressiste n’a jamais pu être arrachée dans une division décimant les rangs de celles et ceux qui ont un intérêt commun à la rupture avec la toute-puissance du capital, on néglige que les défaites les plus terribles se trouvent généralement au débouché de configurations où le camp du travail se retrouve privé de l’horizon politique susceptible de lui restituer confiance en ses forces.
L’autre réponse, que je n’ai cessé de défendre ici, et mes camarades de la Gauche unitaire avec moi, part au contraire du constat que la gauche de transformation est vouée à l’impuissance si elle se refuse à porter une offre de rassemblement à même de combattre efficacement les fractures paralysantes dont les renoncements sociaux-libéraux sont responsables. Considérant qu’il n’y a d’unité concrétisable que sur un contenu répondant aux attentes de la société, elle s’emploie à rechercher, à chaque moment, les bases qui permettraient à la gauche, ainsi dotée d’une nouvelle ligne directrice, de repartir à l’offensive.
C’est la conviction que je m’efforce de faire partager. En tentant de tirer les conséquences du changement de configuration que connaît la gauche depuis quelques semaines. En proposant quelques pistes pour ce qui pourrait, demain, devenir un pacte anti-austérité à partir duquel un nouveau bloc majoritaire pourrait voir le jour et un autre gouvernement se former. En appelant dans les meilleurs délais au plus vaste débat, sans exclusive ni préalable, jusqu’à la réunion d’assises de la gauche où pourraient se retrouver des énergies venues de tous les horizons et se dégager un socle commun de propositions pour un changement de politique. ”« Au plus tôt »”, écrivent les détracteurs de ma tribune de ”Politis”. Pour moi, ”« au plus tôt »”, c’est maintenant !
MA TRIBUNE DE « POLITIS »
« L’abstention de 41 députés socialistes, ce 29 avril, sur le ‘’programme de stabilité’’ dont Manuel Valls demandait l’approbation à la représentation nationale, vient de nous faire entrer dans un nouveau moment politique. Un moment aux enjeux cruciaux… Jusqu’alors, de ‘’choc de compétitivité’’ en ‘’pacte de responsabilité’’, d’amputations à la hache de la dépense publique en soumission à la sacro-sainte orthodoxie budgétaire chère à Madame Merkel et aux bonzes de la Commission européenne, le président de la République et son Premier ministre nous menaient à un désastre assuré. À un échec économique doublé d’une catastrophe sociale, qui offraient pour seule perspective à la gauche des déroutes électorales encore plus terribles que celle des élections municipales. Pour le plus grand bénéfice d’une droite ultraradicalisée dans ses rêves de revanche et d’une extrême droite surfant sur la souffrance sociale au point de gagner régulièrement en crédibilité.
« Par leur refus de ce choix suicidaire pour le camp progressiste dans son ensemble, les ‘’41’’ auront exprimé une colère qui les dépasse et s’est emparée, nul ne l’ignore, d’un très grand nombre d’élus, de responsables et de militants du Parti socialiste. À leur manière, ils auront prolongé ce qu’avait auparavant signifié le départ des ministres écologistes. Et ils se seront faits l’écho du refus que la plus grande partie du mouvement syndical oppose désormais au ‘’pacte’’ mortifère qu’un pouvoir né de la volonté de changement des citoyens veut à toute force conclure avec le grand patronat. Pour le dire autrement, ils auront mis en évidence que la fuite en avant libérale du gouvernement n’a pas de majorité à gauche.
« Une nouvelle majorité, rose-vert-rouge, ne relève donc plus seulement de la nécessité, elle est devenue possible. Ici et maintenant ! D’autant que, des propositions qui se font entendre dans toutes les sensibilités de la gauche, commencent à émerger les contours d’un véritable pacte anti-austérité. Un pacte qui, au service de la relance et de l’emploi, privilégierait une dépense publique réorientée en direction de l’investissement, de la conversion écologique de l’économie, des besoins populaires en services publics de qualité. Qui redonnerait à l’État les moyens d’une politique volontaire et ambitieuse, grâce à une fiscalité cessant de se dérober à la mise à contribution des revenus de la finance et de la spéculation. Qui permettrait à la puissance publique de libérer le crédit et l’aide aux petites et moyennes entreprises de la logique du rendement financier de court terme inspirant les banques… et même une Banque publique d’investissement très loin d’honorer ses promesses originelles. Qui dynamiserait la consommation des ménages en augmentant le pouvoir d’achat des salaires et des retraites. Qui, pour conduire enfin une action conforme au vote du printemps 2012, refuserait d’appliquer plus longtemps les absurdes préconisations d’un traité budgétaire enfermant la France et l’Europe dans le marasme et la régression sociale.
« Le Front de gauche se doit d’être l’artisan de cette solution de salut public, dans la mesure où il se veut depuis deux ans porteur d’une alternative à la théorie de « l’offre » à laquelle François Hollande a sacrifié tous les principes fondateurs de la gauche. Ce qui lui impose, comme vient de l’y appeler publiquement la Gauche unitaire, de se réorienter de toute urgence.
« Le temps est moins que jamais aux incantations, aux dénonciations, aux proclamations d’une « opposition de gauche », car nos concitoyens ressentent ces postures comme l’alibi d’une impuissance à changer concrètement les rapports de force politiques. Il n’est pas davantage aux appels à un ralliement qui n’ont aucune chance d’être entendus de celles et ceux qui en arrivent à manifester leur défiance envers des choix gouvernementaux mettant la France à l’heure de tous les dangers. Il est à la volonté de rassembler la gauche sur la seule politique qui puisse rouvrir au peuple un chemin d’espoir.
« Rien n’est donc plus important que de donner à voir, dès les prochaines semaines, que les choses bougent, que le découragement et le désespoir peuvent céder le pas à la remobilisation des forces vives du camp progressiste, qu’il n’y a pas de fatalité à la casse sociale, que l’on peut parfaitement rompre avec le libéralisme et le productivisme. C’est à des assises de la gauche pour une nouvelle politique, respectueuses des identités et histoires de chacun mais préfigurant le nouveau bloc majoritaire qui se cherche encore, qu’il faut à présent travailler. Car c’est dans un tel sursaut que l’on pourra conjurer la débâcle qui menace… »