Intransigeance face aux grèves, soumission à la finance
Rupture après rupture, qui soutient encore le président de la République et son Premier ministre, parmi celles et ceux qui assurèrent leur victoire voici deux ans ? Leur intransigeance à l’endroit des cheminots et des intermittents n’a d’égale que leur soumission à la finance, à Monsieur Gattaz, aux ayatollahs libéraux de Bruxelles.
Aujourd’hui, la légitimité du vote populaire du printemps 2012 est du côté des cheminots qui ne sont nullement des privilégiés arc-boutés sur leur statut, mais des agents d’un service public dont ils veulent défendre et accroître la qualité au bénéfice des usagers. Elle est tout autant du côté des professions du spectacle qui refusent l’accord Unedic imposé par le Medef et qui va étendre la précarité, au mépris des besoins culturels et du développement même de nos territoires.
Quelles sont les véritables raisons de ces deux conflits polarisant présentement la situation sociale, moins d’un mois après que la souffrance du pays ait offert au Front national l’occasion de se proclamer premier parti de France ? S’agissant de la SNCF, le projet de loi défendu par Messieurs Valls et Cuvillier ne vise qu’à préparer le terrain à l’ouverture totale du trafic ferroviaire à la concurrence, selon la ligne tracée par les directives libérales adoptées en série dans le cadre de l’Union européenne. On jette en pâture à l’opinion l’idée d’une prétendue réunification de la SNCF, mais on en prépare en réalité la fragmentation afin d’ouvrir demain la voie à une privatisation en bonne et due forme. On prétend affronter le problème de la dette qui s’est accumulée, au fil des années, sur le système ferroviaire, mais on dessine insidieusement la perspective de nouvelles suppressions d’emplois, de la réduction des services offerts aux usagers et de l’augmentation des tarifs. En dépit de campagnes haineuses comme nous n’en avions plus connues depuis longtemps, et qu’encouragent sans vergogne les locataires de l’Élysée et de Matignon, le bon droit, au regard de l’intérêt général, s’avère bel et bien dans le camp des cheminots.
Quant au régime d’assurance chômage, même la ministre de la Culture vient de reconnaître, dans ”Le Monde”, que l’accord signé le 22 mars entre la centrale patronale et trois organisations syndicales, aujourd’hui désavouées par l’immense majorité des professions concernées, était mauvais. S’il venait à s’appliquer, c’est la précarité des acteurs culturels qui s’approfondirait et mettrait sans doute en cause l’existence des plus petites compagnies. Au nom des prétendues économies qui se trouveraient réalisées sur les mécanismes d’indemnisation du chômage, c’est un coup mortel qui serait porté à la création et, en fin de compte, à ce que l’on désigne couramment comme une « exception culturelle ». Et ce sont les collectivités territoriales, qui financent nombre de projets essentiels au développement économique local, qui auraient à en assumer les conséquences désastreuses.
Lorsque l’on est de gauche, il n’est par conséquent pas d’hésitation possible : il faut exiger des gouvernants qu’ils rouvrent les négociations avec les organisations syndicales de la SNCF et retirent, à cette fin, leur projet de loi ferroviaire de la discussion à l’Assemblée nationale. Et ils ne doivent pas davantage ratifier l’accord Unedic, pour entendre les exigences portées par toute une profession et rouvrir les discussions avec les organisations représentatives de cette dernière.
À travers cette confrontation sociale, la plus importante qu’ait eu à connaître le gouvernement depuis son entrée en fonction, il se confirme ce que j’ai plus d’une fois souligné ici : l’austérité et la politique de « l’offre » qui impriment de plus en plus brutalement leur cohérence à tous les choix du pouvoir en place n’ont aucune majorité dans ce pays. Elle sont, en outre, profondément rejetées à gauche, comme en témoigne le nombre croissant de députés socialistes qui militent pour des options économiques ou sociales alternatives.
L’enjeu n’en devient chaque jour que plus crucial. En liaison avec les organisations du mouvement social, les débats qui se multiplient actuellement entre secteurs de la gauche hier encore divisés doivent finir par déboucher sur une nouvelle majorité politique à la tête du pays. Une majorité rose-vert-rouge, qui mette François Hollande et Manuel Valls en minorité et redonne à la gauche ses belles couleurs d’espoir.