Au lendemain du congrès de l’Anecr
((/public/.ancer_m.jpg|Exposé à l’ANECR|L|Exposé à l’ANECR, déc. 2014))J’étais, ce dimanche 7 décembre, au 17° Congrès de l’Association nationale des élus communistes et républicains. Aux côtés de mon camarade Pierre Laurent, et invité à m’exprimer au nom de l’une des formations dont les élus militent au sein de ladite Anecr.
Avec mes amis de Gauche unitaire, nous avons dès 2010 fait le choix de nous intégrer dans ce regroupement au sein duquel nous eûmes souhaité que se retrouve l’ensemble des élus du Front de gauche. On sait que cela ne fut pas possible, le Parti de gauche optant pour la création de sa propre structure. Je dois l’avouer, à l’époque, y compris au sein de GU, la décision suscita des hésitations, pour ne pas dire des oppositions, en particulier de la part de quelques camarades qui devaient par la suite nous quitter. Le poids prédominant du Parti communiste, palpable jusque dans la dénomination de l’association, était à dire vrai de nature à entraîner des préventions.
Nous avions néanmoins fait un triple pari : que la place acquise par l’Anecr la rendrait toujours plus incontournable pour l’échange d’expériences autant que pour la réflexion collective, dont les élus ont un impératif besoin afin d’orienter au mieux leur combat dans les institutions ; que cet acquis confirmerait, et même amplifierait, une capacité d’initiative indispensable pour quiconque souhaite une politique véritablement orientée à gauche, au service notamment de majorités transformatrices dans les collectivités du pays ; que la symbiose entre des élus issus de traditions fort différentes finirait par surmonter les pesanteurs nées des confrontations passées entre ces dernières. Sur tous ces points, les faits nous auront donné raison. Et la modification des statuts de l’Anecr, à l’occasion de ce 17° Congrès, sera venue consacrer la volonté de ses animateurs d’offrir sa pleine portée au pluralisme intérieur dorénavant revendiqué.
Il était, évidemment, inévitable que ces assises débattent de l’état des plus préoccupants de la gauche et de la France. Conséquence de l’électrochoc libéral pratiqué par des gouvernants n’affichant que mépris pour les attentes sociales exprimées au printemps 2012 et depuis, le désarroi, le découragement, le dégoût pour l’action publique s’emparent de la société. De consultations partielles en scrutins nationaux, il en découle l’abstention massive des catégories populaires et de l’électorat de gauche, au prix de déroutes plus calamiteuses les unes que les autres dans les urnes. Les départementales de mars prochain et les régionales qui devraient suivre en décembre s’annoncent ainsi, si rien ne vient du moins s’opposer à cette tendance lourde, synonymes de basculements à droite – pour ne pas dire à l’extrême droite – d’un très grand nombre des collectivités concernées.
C’est, dit d’une autre manière, son tissu d’implantation locale, qui avait historiquement fait l’influence de la gauche en France depuis un siècle, que la conduite des affaires par Messieurs Hollande et Valls menace de déchirement. Comme on le murmure d’ailleurs, avec lucidité, du côté de la rue de Solferino, il faudra au moins dix ans, et sans doute bien davantage, pour parvenir à réparer les dégâts causés. S’il reste dans notre Hexagone, à l’issue d’une semblable épreuve, une gauche digne de ce nom et en situation de conquérir le pouvoir… En attendant, les partis de la réaction et du grand retour en arrière disposeront d’un boulevard pour tenter de plier notre nation à leur projet de société. C’est ce qui m’a amené à dire, devant le congrès de l’Anecr, qu’il nous incombait de tout faire pour éviter à notre peuple une pareille catastrophe.
L’appréciation de l’enjeu de la période et la défense d’une série de pistes de travail nous permettant d’être utile à notre camp social et politique auront, par conséquent, structuré mon propos. Quelques heures seulement après être descendu de la tribune, le résultat de la législative partielle de la troisième circonscription de l’Aube sera venu souligner l’avertissement. En résumé, alors que seul un électeur sur quatre aura fait le déplacement vers les bureaux de vote, l’élection se jouera entre la droite et l’extrême droite dimanche prochain, le Parti socialiste aura vu s’évaporer les quatre cinquièmes de ses soutiens de 2012 (2315 voix contre 10 900), tandis que le Front de gauche, s’il progresse légèrement en pourcentage, n’aura retrouvé que 43% de ses électeurs (à titre de comparaison, le Front national, lui aussi percuté par l’abstention, en aura tout de même conservé 65%). Pire, le total des voix recueillies par les quatre candidats de gauche (PS, EELV, FDG et Nouvelle Donne) n’aura pas atteint les 12,5% des inscrits nécessaire pour ne pas laisser la compétition de deuxième tour se résumer à un duel entre l’UMP et le Front national.
Le scénario de l’élimination de la gauche dès le premier tour, dans bien des cantons, en mars 2015, acquiert donc au fil des jours une crédibilité croissante. D’autant que, avec l’expression d’un électeur sur deux seulement, il faudrait 25% des voix pour se maintenir d’un tour de scrutin à l’autre.
Nul ne pourra, dès lors, dire qu’il ne s’y attendait pas. Nul ne devrait, sauf à révéler son inconsistance ou… son cynisme, se dérober aux responsabilités propres à éviter un désastre. Je vous livre ici mon discours devant les congressistes de l’Anecr.
MON DISCOURS DEVANT LE CONGRÈS DE l’ANECR
« Mes Chers Amis, Mes Chers Camarades, après Pierre Laurent, je voudrais remercier la direction de l’Anecr et son président, Dominique Adenot, de m’avoir invité à prendre la parole devant vous ce matin. Et, plus encore, de nous avoir fait vivre à l’instant, ce beau moment de solidarité internationale en présence de nos amis palestinien et kurde.
« Notre collègue et camarade le maire de Grigny citait, à cette occasion, Jaurès et son appel à l’affirmation permanente de la paix. Je partage intégralement ce propos, à un moment où la guerre s’invite à notre horizon, que ce soit à l’Est de l’Europe ou de l’autre côté de la Méditerranée, démontrant que décidément il n’y a pas de ”‘’mondialisation heureuse’’”, le capitalisme, hier comme aujourd’hui, portant en lui la guerre comme la nuée porte l’orage, ainsi que le disait précisément Jean Jaurès.
« Pour en venir au fond de vos débats, je serais tenté de dire : que de chemin parcouru, et même que de différences, depuis notre dernier congrès de Douai ! En 2012, nous orientions notre action vers la contre-offensive que nous espérions voir surgir de la victoire, alors toute proche, remportée contre Nicolas Sarkozy et la droite.
« AUJOURD’HUI, DE LA PLACE Où NOUS SOMMES, ÉLUS NATIONAUX OU ÉLUS DES COLLECTIVITÉS, NOUS VOYONS SE METTRE EN PLACE TOUS LES ÉLÉMENTS D’UN POSSIBLE DÉSASTRE. Pour la France… Pour la République… Pour la gauche… De l’action d’un président de la République et d’un gouvernement qui ont trahi tous leurs engagements, ou peu s’en faut, pour satisfaire aux désidératas du Medef et des marchés, il commence à émerger un paysage terrible. J’allais dire un paysage d’Apocalypse :
« – une impasse économique, à la mesure d’une austérité et d’une politique de ‘’l’offre’’ qui ne font que générer des tendances récessives, le recul de l’investissement, la désindustrialisation poursuivie de nos territoires…
« – une catastrophe sociale, où au chômage de masse et à la précarité, s’ajoutent la destruction méthodique des protections collectives de notre peuple, et même le détricotage sournois de tout ce qu’il subsiste de l’héritage du Conseil national de la Résistance…
« – la remise en cause des principes fondateurs de la République – ceux d’égalité entre les citoyens, de solidarité entre les territoires, de primat de l’intérêt général –, lorsqu’une prétendue réforme de notre ”‘’organisation territoriale’’” prétend soumettre les collectivités aux impératifs de compétitivité et de mise en concurrence sans limites…
« – la formidable crise d’identité d’un pays qui voit niée sa souveraineté et celle de son peuple, de soumission au pacte budgétaire européen en négociation clandestine du ‘’Grand marché transatlantique’’…
« – tout cela, pour déboucher sur l’immense désarroi qui traverse la société française, la division de la gauche et du mouvement populaire, une colère grandissante mais s’abîmant dans un sentiment d’impuissance ravageur, faute de victoires remportées et de perspective d’espoir crédible…
« MES AMIS, NOUS AVONS LA LUCIDITÉ POUR PREMIER DEVOIR.
« Ce n’est pas la révolution citoyenne, que nous appelions de nos vœux à l’occasion de la dernière présidentielle avec la campagne du Front de gauche, qui se profile devant nous. C’est plutôt une débâcle qui peut laisser la gauche en ruines pour de très nombreuses années.
« C’est une droite, en proie à une radicalisation libérale et néoconservatrice sans précédent depuis la Libération, qui profite de ce contexte.
« C’est un patronat, animé de l’esprit de revanche sociale qui l’a toujours caractérisé, qui ne se sent plus aucune limite.
« C’est, surtout, une extrême droite, habillant son projet de haine et de discrimination d’une démagogie sociale sans bornes, qui se rapproche dangereusement du pouvoir.
« LES DEUX SCRUTINS QUE NOUS ALLONS AFFRONTER EN 2015 RISQUENT, À CET ÉGARD, DE CONFIRMER LES MUNICIPALES ET LES EUROPÉENNES DE CETTE ANNÉE.
« Lorsque notre camp social et politique se retrouve sur la défensive, comme il l’est présentement, l’effondrement d’un Parti socialiste acquittant la facture des méfaits gouvernementaux ne profite nullement à une gauche anti-austérité qui se trouverait, ”ipso facto”, auréolée de sa clairvoyance. Il entraîne la défaite de la gauche dans son ensemble.
« De ce point de vue, nous nous devons de redouter que les élections départementales de mars voient basculer à droite une majorité de Conseils généraux, que l’extrême droite bénéficie d’une nouvelle poussée, et même que, victime d’un mode de scrutin et d’un découpage électoral inique, la gauche se voit purement et simplement éliminée du second tour dans nombre de cantons. Au prix de la perte possible, du même coup, de nombreux cantons que certains des nôtres avaient conquis et dont ils font au quotidien les leviers de la mise en œuvre d’une politique de gauche.
« Quant au scrutin de décembre, celui des régionales, il menace, nous le savons, de voir l’immense majorité des Régions dirigée demain par la droite, voire par le Front national.
« Nous savons quelles en seraient les conséquences, pour les politiques publiques appliquées à ces échelons, comme pour les résistances et les rapports de force dans le pays.
« IL NOUS INCOMBE DONC LE DEVOIR DE TOUT FAIRE POUR ÉVITER À NOTRE PEUPLE CETTE NOUVELLE CATASTROPHE.
« Nous, qui n’avons jamais joué la politique du pire car nous savons pertinemment que c’est la pire des politiques, nous ne voulons pas nous réfugier dans les incantations, résumer notre action à la dénonciation stérile, nous bercer de l’illusion que nous serions à nous seuls l’alternative à la hauteur d’une situation de tous les dangers.
« Faire élire le plus grand nombre possible d’hommes et de femmes de gauche qui auront défendu des politiques publiques au service du plus grand nombre ; barrer la route des départements et des Régions à un adversaire qui veut en faire le tremplin d’une contre-révolution ultralibérale et conservatrice : il n’y a pas de plus grande urgence !
« Car nous savons le rôle irremplaçable des élus, lorsque celles et ceux au nom desquels nous nous battons sont dans la difficulté : ils sont la pointe avancée de la résistance à l’inacceptable, de la construction des mobilisations indispensables, du redressement politique et moral de la gauche.
« Mes Amis, rien n’est encore joué ! Le président de la République et l’exécutif sont aujourd’hui désavoués par le pays, mais ils sont surtout minoritaires au sein de la gauche. Les critiques de plus en plus vives qui se font entendre jusqu’au cœur du Parti socialiste en sont la démonstration quotidienne. Pierre avait raison de le souligner avec force avant moi, on le voit encore en cet instant où la loi Macron va être présentée à l’Assemblée nationale et où un certain nombre de parlementaires socialistes, telle Marie-Noëlle Lienemann, ont fait savoir qu’ils s’y opposeraient.
« Une autre majorité, un autre gouvernement, sont devenus possibles. Qui allieraient les couleurs constitutives de la gauche – le rouge, le vert, le rose – pour retrouver enfin le chemin du peuple et des aspirations du printemps 2012.
« Cette autre majorité ne verra pas le jour facilement. Elle aura besoin de l’intervention déterminée de la gauche de transformation, dont nous sommes, quelque part, les porte-parole dans les institutions. Pour être plus précis, elle aura besoin de notre intervention, afin de faire converger les énergies dispersées, de reconstruire un rapport de force politique à même de battre dans la gauche les orientations libérales suivies au sommet de l’État, d’unir à cette fin toutes les forces disponibles autour d’un pacte national de redressement social, écologique, démocratique. Ce pacte dont notre pays a tant besoin à présent…
« Bref, nous ne sommes pas, nous ne devons pas être, les spectateurs de la déroute où d’aucuns nous entraînent, il nous faut être les acteurs d’une autre issue. La nouvelle majorité qui se cherche encore a besoin de notre capacité d’initiative pour rouvrir un chemin d’espoir à notre peuple.
« De ce point de vue, les consultations de l’an prochain vont être une étape décisive de cette bataille… Elles doivent en être une étape décisive !
« Nous avons pour atouts l’ambition de nos propositions et le bilan de nos élus.
« IL NOUS APPARTIENT, À PARTIR DE LÀ, D’ÊTRE L’AILE MARCHANTE DES PLUS LARGES RASSEMBLEMENTS, AU SERVICE DE MAJORITÉS ANTI-AUSTÉRITÉ, DE DÉPARTEMENTS ET DE RÉGIONS AGISSANT EN BOUCLIERS POUR LES POPULATIONS.
« Des rassemblements où puissent se coaliser, sans exclusives ni préalables ”a priori”, toutes les forces pour lesquelles les mots ‘’gauche’’, ‘’socialisme’’, ‘’communisme’’ ont encore un sens, contrairement à Monsieur Valls. Où puissent, encore, se retrouver tous ces acteurs du mouvement social qui savent à quel point il manque un espoir politique au redémarrage des mobilisations. Où puissent, enfin, s’engager tous les regroupements citoyens qui ont à cœur de ne pas laisser s’éteindre la flamme allumée hier par le programme du Conseil national de la Résistance, lequel était intitulé : ”Les Jours heureux”.
« Amis et camarades, je terminerai mon propos en vous disant que, depuis qu’ils ont fait le choix d’y militer, les élus et élues de Gauche unitaire n’ont cessé de se féliciter d’appartenir à une association comme l’Anecr.
« Ils et elles y ont retrouvé des hommes et des femmes qui n’entendaient pas faire leur petite popote, sur leur petit réchaud, dans leur petite cuisine, mais qui voulaient avant toute chose porter une ambition au service de toute la gauche !
« Nous avons maintenant devant nous un immense chantier… Nous avons une responsabilité comme nous en avons rarement eue… Ensemble, nous pouvons contribuer à faire bifurquer le destin de la gauche et de la France… »