En Midi-Pyrénées, la gauche dit “non” à l’austérité

Comme pour la plupart de ses homologues, la Région dont je suis l’élu, Midi-Pyrénées, vient de tenir son débat budgétaire pour l’année 2015. Ce sera le dernier de la mandature, un nouveau scrutin étant annoncé à la fin de l’année prochaine, sur la base du redécoupage des Régions et du premier volet de la prétendue réforme territoriale que l’exécutif vient de faire adopter par l’Assemblée nationale.

Enfin, théoriquement, dans la mesure où le Prince élyséen ne cesse d’user de ses prérogatives pour jouer avec le calendrier desdites régionales, annonçant d’abord que les Français devraient se rendre aux urnes en décembre, avant de changer d’avis, en majesté, à partir d’on ne sait trop quel calcul, et de laisser entendre que la consultation pourrait se tenir dès l’automne. J’ai, cela dit, tort d’écrire que l’on ne sait trop quel calcul inspire François Hollande. On le devine trop bien. Si, officiellement, on prétend qu’une consultation en décembre aurait pour effet de parasiter la conférence climat qui se déroulera à Paris au même moment, nul n’ignore que l’année 2016 est, dans l’esprit du président de la République, celle qui pourrait le voir annoncer sa candidature à un second mandat. Ce qui l’amène à certainement souhaiter qu’intervînt au plus tôt le nouveau naufrage dont le second rendez-vous de l’année 2015 pourrait être le théâtre pour la gauche. Triste et cynique conception de la politique, de la part d’un personnage qui se targuait en 2012, face à Nicolas Sarkozy, de vouloir moraliser la V° République !

Refermons donc, au moins provisoirement, la parenthèse. Bien loin du jeu délétère des petits marquis en poste à l’Élysée, l’Assemblée plénière de la Région Midi-Pyrénées aura dû constater l’aggravation extrêmement préoccupante de la situation de l’ensemble des collectivités territoriales. Poursuivant la baisse des dotations globales de fonctionnement engagée sous le précédent quinquennat, celles-ci vont voir leurs ressources amputées de 28 milliards d’euros, en total cumulé, jusqu’en 2017. Ce qui met gravement en cause leur capacité de réaliser les investissements d’avenir, qu’elles assument à plus de 70% en France, et compromet la relance même de l’économie nationale, handicape la réindustrialisation des territoires autant que la transition écologique, affaiblit les politiques publiques déployées à ces divers échelons. De toutes parts, et même de tous les horizons politiques, les voix s’élèvent pour souligner la gravité de ces choix et l’impossibilité de les assumer pour des institutions ayant vu leurs compétences et responsabilités s’accroître considérablement au fil des lois successives de décentralisation.

Les Régions se voient tout particulièrement impactées, privées qu’elles se trouvent de ressources pérennes à la hauteur du rôle de « chefs de file » du développement territorial qui leur est assigné par la loi. Pour Midi-Pyrénées, la diminution de la dotation de l’État atteindra ainsi 20 millions en 2015, soit un manque cumulé de 152 millions jusqu’en 2017.

Il se trouve que, d’année en année, la Région Midi-Pyrénées se sera prononcée contre des politiques d’austérité altérant ses capacités de répondre aux attentes des populations. Et même qu’en décembre 2013, à mon initiative et après un travail réalisé en commun avec le président du groupe socialiste, son Assemblée plénière avait adopté une motion prenant acte que se poursuivaient les amputations budgétaires et se prononçant en faveur d’une ”« fiscalité dynamique »”. Constatant que les Régions avaient ”« perdu la quasi-totalité de leur autonomie fiscale »” et que l’exécutif entendait réduire encore les dotations dont elles sont les bénéficiaires, elle renouvelait l’appel plusieurs fois adressé aux différents gouvernements, afin que des ”« ressources fiscales nouvelles »” lui permettent, comme aux autres Régions, ”« d’assumer pleinement ses compétences, l’éducation et la formation, le développement économique, le développement durable et l’aménagement du territoire »”.

C’est en partant de cet engagement de la majorité régionale que, cette année, au nom du groupe du Front de gauche, j’ai défendu une motion prolongeant celle de 2013. Dans mon intervention, je devais ainsi m’adresser en ces termes aux élus des autres groupes de la majorité : ”« Nous pouvons diverger sur l’appréciation générale de la politique du gouvernement. Nous pouvons même ne pas avoir une approche commune de la justesse ou non de la contribution demandée aux collectivités pour satisfaire à la cure d’austérité que la Commission européenne ou le gouvernement de Madame Merkel exigent de notre pays. Mais nous pouvons au moins nous retrouver sur quelques exigences à même de rassembler notre majorité de gauche. »”

Indice que la conscience grandit, à gauche, des dégâts provoqués par la politique gouvernementale, une délibération réunissant tous les groupes de la gauche (à l’exception des radicaux) a pu être votée, donnant mandat au président pour agir auprès du gouvernement en faveur de la suspension des amputations de dotations aux collectivités et d’une grande réforme de la fiscalité locale. Un acte politique fort, puisqu’à la différence de la motion de l’année passée, ladite délibération se voit jointe aux votes budgétaires. Certes, le texte adopté s’avère un compromis (il ne reprend, notamment, pas la formulation initialement proposée par le Front de gauche pour revendiquer que la progression des dotations d’État soit au minimum indexée sur l’inflation), mais le refus de la pression de plus en plus insupportable organisée sur les Régions n’en est pas moins clairement exprimé.

Dans le même temps, refusant en pratique d’entrer dans la logique de l’austérité appliquée à l’échelon national, l’Assemblée plénière décidait d’avoir fortement recours à l’emprunt pour conserver son niveau d’intervention dans ses domaines de compétences, elle décidait également d’accroître fortement l’abondement du Fonds social lycéen et, par la voix de son président, elle s’engageait à accroître significativement son engagement financier en faveur des travaux d’économies d’énergie. Autant de points positifs, sur lesquels les élus du Front de gauche avaient auparavant porté le fer, qu’il convient de noter comme une démonstration que la gauche n’est pas condamnée à subir le libéralisme gouvernemental comme une fatalité. Un changement de cap est parfaitement possible, avant la fin du quinquennat, et il permettrait sans aucun doute de sortir de la division des rangs progressistes que ne cessent d’approfondir les choix du pouvoir.

Tout en regrettant que les autres propositions de mon groupe (pour renforcer l’engagement au bénéfice de l’économie sociale et solidaire ou encore de l’action culturelle, pour aider les emplois associatifs et pour ramener la subvention accordée aux lycées privés au strict niveau des obligations légales), qui auraient encore renforcé le message social et écologique porté par la Région, n’aient pas été retenues, j’ai tout de même tenu à saluer, par mon vote, l’effort global consenti par ce budget. Je vous livre ci-dessous le communiqué par lequel j’en aurai rendu compte.

DÉCLARATION SUR LE BUDGET 2015 DE LA RÉGION MIDI-PYRÉNÉES

« La Région Midi-Pyrénées vient d’adopter son budget pour l’année 2015.

« Ce budget est malheureusement contraint par la politique gouvernementale d’austérité, qui menace aujourd’hui l’ensemble des collectivités territoriales de ne plus pouvoir assumer les compétences qui leur sont dévolues par la loi.

« Les Régions sont tout particulièrement impactées, alors qu’elles ne disposent pratiquement pas de ressources fiscales propres et pérennes. Midi-Pyrénées voit, dans ce cadre, amputées de 20 millions d’euros les dotations de l’Etat en sa faveur, le manque cumulé des gels et baisses dont elle est victime depuis des années devant atteindre 152 millions en 2017.

« Pour autant, le projet de budget présenté par l’exécutif régional s’est refusé à entrer dans une logique d’austérité, assumant ses responsabilités sociales les plus essentielles et le rôle d’investisseur public de la collectivité grâce au recours à l’emprunt.

« Je me félicite de cette volonté, qui rejoint sur nombre d’aspects, les souhaits constamment exprimés par le groupe Front de gauche. Même si je regrette que les amendements déposés, ce 18 décembre, par mon groupe n’aient pas été retenus, alors qu’ils auraient amélioré l’engagement de la Région au service des Midi-Pyrénéens.

« Je salue tout particulièrement l’adoption, par l’Assemblée plénière, sur ma proposition et celle de mon groupe, d’une délibération additionnelle donnant mandat au président de la Région afin que soit mise en chantier une grande réforme de la fiscalité locale, que soit en l’état actuel des choses gelée la baisse des dotations de l’État, que soient compensées les charges nettes issues de la phase II de la décentralisation et qu’il soit procédé à une évaluation préalable des impacts financiers de tout nouveau transfert de compétence. Dans le même texte, la Région a réitéré son souhait, s’agissant des transports publics, que soit appliqué un taux de TVA réduit à 5,5%, que soit généralisé le versement transports, et que soit instaurée une taxation des bénéfices des sociétés autoroutières. Par ailleurs la Région Midi-Pyrénées s’est prononcée pour une grande concertation avec les représentants de l’ensemble des collectivités à propos de la réforme de la fiscalité locale.

« Cet acte politique fort traduit la volonté de la Région de poursuivre une politique de gauche, en dépit des régressions auxquelles conduit l’action de Messieurs Hollande et Valls à l’échelon national. Cela m’a conduit à voter le budget de la Région pour 2015. »

Christian_Picquet

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