L’appel qui nous vient d’Athènes

Ce 25 janvier, le peuple grec vient d’ouvrir à toute l’Europe un nouveau chemin d’espoir. La victoire de Syriza est sans appel. À l’heure où j’écris ces lignes, il semble bien qu’elle permette à Alexis Tsipras et à ses camarades d’obtenir une majorité absolue de députés. Les partis qui proposaient de continuer à consentir aux diktats de la « Troïka » sont totalement désavoués. Pour la première fois de son histoire, la Grèce va échapper à la prédominance des clans qui dominaient sa vie publique et y ont entretenu une corruption endémique. Il n’est, dès lors, pas abusif de parler d’un événement historique…

La finance mondialisée et les gouvernements de l’Union européenne avaient voulu faire de ce petit pays le laboratoire de la destruction organisée des droits sociaux et protections collectives. Des millions d’hommes et de femmes en ont durement fait les frais. Loin d’avoir redressé le pays, l’austérité l’a enfoncé dans la misère et enseveli sous une dette insoutenable. Une dette que l’on prétendait vouloir résorber mais qui, entre 2009 et aujourd’hui, sera passée de 110 à 175% du produit intérieur brut, à la faveur de choix aussi brutaux dans leurs conséquences sociales que récessionnistes dans leurs retombées économiques…

En se prononçant en faveur de Syriza, les Grecs ont donc dit que c’en est assez d’une politique qui ne profite qu’à une minuscule oligarchie. Ils ont voulu en appeler à un nouveau modèle de développement qui replace l’Humain au centre de tous les choix et qui réponde à l’urgence sociale autant qu’à l’exigence écologique.

Seuls les puissants, la Commission européenne et la droite conservatrice allemande peuvent avoir peur de la victoire de Syriza. Pas les peuples, pas la gauche de notre continent auxquels on prétend imposer une ligne néolibérale dont la faillite économique, sociale et démocratique n’est plus à démontrer.

Ayant rencontré Alexis Tsipras, à Athènes, en novembre dernier, ainsi que je m’en étais fait écho sur ce blog, j’ai pu personnellement mesurer les défis que lui et ses amis étaient conscients de devoir maintenant relever, dans un pays saigné à blanc, dont la richesse nationale a été dilapidée et dont les infrastructures ont été détruites. J’ai entendu son appel à un immense élan solidarité pour contraindre les gouvernants européens à négocier avec les nouveaux représentants du peuple grec.

Il serait absurde, ce soir, de céder aux discours euphorisants, de se laisser emporter par l’illusion lyrique, de croire qu’une révolution citoyenne va mécaniquement déferler sur le Vieux Continent et, plus encore, de chercher à instrumentaliser à des fins franco-françaises une victoire que Syriza aura mis de nombreuses années à arracher. Soyons en effet conscients que nos sœurs et nos frères de Grèce vont avoir à livrer une bataille dure, impitoyable, vitale.

Ils devront, d’un même mouvement, assumer un véritable bras-de-fer avec les sommets de l’Union européenne et de la zone euro pour faire respecter la souveraineté de leur peuple, rendre à la nation hellène la dignité que l’on a tenté de lui dérober, faire refluer l’inégalité et… reconstruire une puissance publique digne de ce nom, un État pour le dire autrement, condition essentielle à un nouveau départ où l’intérêt général soit enfin déterminer la mesure de toutes les décisions. Et il leur faudra s’y employer dans un contexte de forte polarisation politique du pays, où le parti conservateur hier aux affaires n’a reculé que de quelques points, et où les néonazis d’Aube dorée conservent une influence non négligeable quoique ses dirigeants aient été écroués en raison de leur structuration paramilitaire.

L’essentiel est là : Syriza parle aujourd’hui au nom d’une bifurcation de la construction européenne, d’une Europe des peuples pour tout dire. Il est, pour cette raison, du devoir de toutes celles et tous ceux pour qui le mot progrès a encore un sens de se mobiliser. Que l’on soit socialiste, écologiste, engagé dans la gauche transformatrice, actrice ou acteur du mouvement social, vouloir réorienter l’Europe, en faire le vecteur d’une relance sociale et écologique durable, c’est s’engager derrière cette formation, force centrale de la gauche grecque.

Pour ce qui concerne notre pays, le président de la République et son gouvernement sont à présent directement interpellés. À eux de dire s’ils ont entendu le message du peuple grec et s’ils sont prêts à la collaboration loyale avec Alexis Tsipras pour l’aider à libérer son pays de la dictature des marchés. C’est ce qu’attend le peuple de gauche !

Christian_Picquet

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