La législative partielle du Doubs est un nouvel avertissement
Ma dernière note venait à peine d’être mise en ligne que l’élection législative partielle de la 4° circonscription du Doubs confirmait les contradictions et les dangers de la situation de l’Hexagone.
Sa première leçon concerne, évidemment, le très haut taux d’abstentions comptabilisé dans l’une des circonscriptions les plus ouvrières du pays. En participant à moins de 40% au scrutin, les électrices et les électeurs auront exprimé, une fois encore, leur désarroi et leur colère devant la montée du chômage, la dégradation constante de leurs conditions d’existence, l’austérité mise en œuvre par le gouvernement. Un gouvernement dont l’élu sortant de la circonscription, Pierre Moscovici, fut l’un des piliers, au poste de ministre des Finances au surplus, c’est-à-dire en responsabilité de la politique libérale qui ravage notre pays. Il aura ensuite manifestement jugé que son atterrissage à la Commission de Bruxelles lui offrait un plan de carrière plus prometteur…
C’est, une fois de plus, le Front national qui aura tiré les bénéfices de cette détresse. Si sa candidate a accusé un recul en voix, comme tous ses concurrents, elle aura cédé bien moins de terrain qu’eux. Ce qui lui aura permis d’arriver nettement en tête, avec 32,60% des suffrages, alors qu’elle n’en recueillait que 23,87 en 2012.
Les dirigeants du Parti socialiste devraient, par conséquent, se montrer bien plus prudents, lorsqu’ils se félicitent de leur qualification pour le second tour, avant de parler d’un ”« effet 11 janvier »”. Leur candidat vient en effet de perdre près de 10 000 voix, n’obtenant plus que 28,85% des suffrages exprimés quand Pierre Moscovici totalisait presque 41 points voici deux ans et demi.
Quant à l’élimination inattendue du candidat de l’UMP, elle sera venue illustrer la gravité de la crise que traverse la droite française. Si le désabusement des classes populaires devant l’action d’une équipe gouvernante ayant bafoué tous les engagements qui lui avaient valu de l’emporter au printemps 2012, conjugué à la démobilisation massive de l’électorat de gauche, avait jusqu’ici permis à la droite de remporter tous les scrutins, les propositions ultralibérales de cette dernière ne s’en avèrent pas moins en décalage profond avec les attentes du pays. Le revers essuyé, ce 1° février, dans le Doubs, aura donc été de nature à relancer toutes les confrontations au sein de la formation dont Nicolas Sarkozy vient juste de prendre la tête. Et cela est en train de se traduire, à l’occasion de cette législative partielle, par la virulence du débat qui la secoue sur son rapport au Front national, autrement dit sur sa stratégie.
Ultime leçon, aucune alternative de gauche n’aura émergé de ce rendez-vous électoral. Cela concerne, au premier chef, le Front de gauche qui, avec 3,66%, n’aura tiré aucun bénéfice de sa clairvoyance envers une logique libérale en total échec. Comme cela avait été le cas lors des précédentes partielles, son candidat à cette consultation, Vincent Adami, ne sera d’évidence pas apparu porteur d’une offre politique suffisamment crédible pour entraîner un début de remobilisation à gauche et lui valoir le soutien d’au moins une fraction significative de celles et ceux qui n’en peuvent plus de l’austérité. Preuve aura, une nouvelle fois, été administrée qu’il ne suffit ni d’acérer les dénonciations du Parti socialiste (voire, comme cela aura été parfois fait dans cette campagne, d’appeler les électeurs à priver ce dernier de majorité à l’Assemblée nationale), ni d’afficher de manière tonitruante sa distance avec celui-ci, ni de revendiquer sa proximité avec Syriza pour que commencent à changer les rapports de force électoraux.
Il devient vraiment temps d’en tirer les conclusions, afin d’engager la réorientation profonde de la convergence que nous avons créée en 2009. Sans que toutes ses composantes se montrent capables de sortir des postures de repli et de proclamations impuissantes, sans qu’elles retrouvent la capacité de parler à tout le peuple de gauche aujourd’hui désorienté à partir de propositions correspondant réellement à ses besoins (tels qu’il les ressent, et non tels que nous voudrions qu’ils fussent…), sans qu’elles s’accordent de nouveau (comme à l’origine) sur une offre de rassemblement de toute la gauche sur une politique en rupture avec l’austérité, sans qu’elles renouent avec l’intuition républicaine qui leur valut de bénéficier initialement de la dynamique impressionnante que l’on sait (alors que les marches des 10 et 11 janvier en offriraient l’opportunité), il est à craindre que le Front de gauche continue à aller de revers en stagnations.
Au final, la gauche dans toutes ses composantes n’aura, ce 1° février, réuni qu’environ un tiers des voix. Il se confirme ainsi qu’elle se trouve affaiblie et divisée par la gestion mise en œuvre au sommet de l’État depuis plus de deux ans. Même si le candidat du PS parvient, dimanche prochain, à conserver la 4° circonscription du Doubs, le spectre d’une débâcle historique continue de planer sur l’ensemble du camp progressiste. Et cela risque déjà de se traduire, que la rue de Solferino espère ou non limiter les dégâts, par la perte de très nombreux cantons et même d’une majorité de départements les 21 et 28 mars prochains.
À se refuser d’entendre les attentes du pays, à ignorer que les participants du soulèvement civique de janvier avaient exprimé la volonté de reconquérir une République mutilée par la loi des marchés, c’est donc un sombre avenir que l’on prépare à la France et à son peuple.
Le vote de la Grèce, voici une semaine, a pourtant montré qu’un autre chemin pouvait s’ouvrir à l’Europe. Il est urgent d’y donner un prolongement en renonçant à l’impasse des politiques d’austérité.
Le 8 février, les électeurs et les électrices de la 4° circonscription du Doubs, et au premier rang d’entre eux les hommes et les femmes de gauche, devront déjà battre la représentante du Front national. Car celle-ci est la tenante d’une régression sociale et démocratique, d’une politique faite d’exclusions et de xénophobie, qui vont à l’encontre des aspirations d’une majorité de la population. Sans que cela vaille, en quoi que ce soit, approbation de la conduite du président de la République et de ses ministres, ils devront apporter leurs suffrages à Frédéric Barbier, puisque c’est lui qui est arrivé en tête de la gauche et s’est qualifié pour le second tour.