Dans le Doubs, l’austérité a tué “l’esprit du 11 janvier”
Un avertissement, écrivais-je, dans ma dernière note, à propos de la législative partielle de la 4° circonscription du Doubs. Le dernier avertissement, adressé à des gouvernants et à des responsables politiques sourds à la détresse des électeurs, aurais-je plutôt dû écrire, tant le résultat du second tour est éloquent…
Ce 8 février, en effet, si la candidate du Front national aura heureusement été battue, elle n’en aura pas moins manqué la victoire d’un cheveu. En dépit de l’augmentation de dix points de la participation électorale, elle aura réuni pas moins de 48,57% de suffrages exprimés, progressant d’un peu plus de 5000 voix par rapport au même tour de 2012 (et même de 6000 d’une semaine à l’autre) quand le candidat du Parti socialiste en perdait, lui, presque 4000. Et ce, dans l’une des circonscriptions les plus ouvrières et populaires du pays (la représentante du FN arrive, il faut le noter, en tête dans nombre de petites communes du péri-urbain et dans le quartier de Sochaux)… Dans une zone qui n’est pas particulièrement un fief lepéniste, et qui fut même longtemps marqué par une très forte influence communiste et socialiste… Il faut vraiment une incroyable légèreté, une insoutenable légèreté devrais-je même dire, pour oser parler d’un ”« retour de la gauche »” comme vient de la faire Frédéric Barbier en se félicitant de sa « victoire » !
Les responsables de cette situation sont connus. En manifestant leur volonté de ne rien changer à une politique d’austérité qui démoralise et écœure les Français, François Hollande et Manuel Valls auront déjà dilapidé une grande partie de ”« l’esprit du 11 janvier »” : il ne suffit pas, comme le fait à tout propos le Premier ministre, d’exalter les valeurs de la République, lorsque c’est pour mieux oublier que ladite République c’est d’abord l’emploi, le progrès, la garantie des droits arrachés au fil d’un combat séculaire pour faire triompher l’intérêt général, le respect scrupuleux de la souveraineté du peuple. De leur côté, en se refusant à s’opposer franchement à l’extrême droite, et en reprenant même à leur compte bon nombre des thématiques de cette dernière, Nicolas Sarkozy et les dirigeants de l’UMP auront fait le lit d’un parti qui menace notre Hexagone de la plus terrible des régressions.
Résultat, même lorsque les électeurs font un peu plus volontiers le déplacement aux urnes, comme cela aura été le cas ce dimanche dans le Doubs, un grand nombre d’entre eux n’hésitent pas à le faire pour voter en faveur de la représentante du parti de la haine et de la xénophobie ; et si davantage de sympathisants de gauche se mobilisent d’un tour sur l’autre, ils se révèlent tout aussi nombreux à manifester leur indifférence envers l’enjeu d’un scrutin pouvant pourtant se solder par la défaite d’un socialiste face à la candidate frontiste. Voilà à quel type de scénario nous risquons d’être confrontés dès les élections départementales de mars.
Ce scrutin sonne par conséquent le tocsin. À détruire sans fin des conquêtes ouvrières et des protections collectives, à laisser s’accroître le chômage de masse et la précarité pour satisfaire aux exigences des traités austéritaires européens, on répand la désespérance et on mène la France à la catastrophe.
Ceux qui continuent de prôner la rigueur budgétaire et la purge sociale, à l’instar de l’élu sortant de la 4° circonscription du Doubs, le pitoyable Pierre Moscovici qui adresse ses injonctions à la France depuis son bureau douillet de Bruxelles, ont perdu tout honneur et toute crédibilité. Ils sont, tout simplement, devenus les principaux agents électoraux de Madame Le Pen.
Il est maintenant urgent de changer radicalement de politique, d’engager une relance sociale et écologique de l’activité économique, de profiter du débat que vient de rouvrir la victoire de Syriza en Grèce pour provoquer une renégociation des règles libérales qui conduisent toute l’Europe à sa perte.
Seul un sursaut rassemblant les forces vives de la gauche, autour d’un nouveau pacte républicain répondant aux attentes des citoyens, peut encore inverser la tendance. ”« Il y a le feu au lac »”, vient de constater, ce matin, le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis… Il a parfaitement raison… À ceci près que les mots sont vains s’ils ne sont pas suivis d’actes visant à infléchir le cours des choses !