C’est le sort de l’Europe qui se joue à Athènes

Franchement, il est des moments où l’on préférerait devoir reconnaître que l’on s’est trompé. En mars dernier, j’écrivais en effet que si Alexis Tsipras et ses amis avaient incontestablement marqué un point en obtenant de leurs interlocuteurs de la zone euro et du Fonds monétaire international un délai de quatre mois pour renégocier les obligations imposées à leur peuple, d’autres ”« bras-de-fer décisifs »” s’annonçaient, nécessitant le ”« soutien populaire le plus large et le plus massif possible »”, bien au-delà des frontières de la Grèce. En ce début d’été, il convient hélas de prendre acte que, nos frères et nos sœurs hellènes ayant dû se battre tragiquement seuls faute d’appui à la hauteur sur le Vieux Continent, les décideurs de l’Union européenne préparent méthodiquement les opinions au « défaut » du pays sur sa dette souveraine, donc sa mise à l’écart de l’Euroland.

Tout ce que l’Europe compte de thuriféraires du catéchisme néolibéral peuvent bien attribuer à la nouvelle direction grecque la responsabilité d’un dénouement aux retombées incalculables, ils éprouveront bien des difficultés à convaincre du bien-fondé de leur attitude inflexible. Non seulement parce que cinq ans de diktats de la « Troïka » ne seront parvenus qu’à faire sans cesse croître un chômage qui atteint 28% de la population active et à entraîner simultanément dans une chute abyssale, de quelque 40%, le revenu moyen des Grecs (au point que cette petite nation martyrisée fût dorénavant considérée comme la plus inégalitaire de l’espace continental)… Non seulement parce que, dans ces conditions, loin de faire refluer la dette publique, ces prescriptions l’auront portée à des sommets jusque-là inconnus (180% du produit intérieur brut, désormais…)… Mais parce que nul ne peut de bonne foi accuser Athènes de ne pas respecter les obligations souscrites par les prédécesseurs du Premier ministre : depuis 2014, le pays aura acquitté plus de dix-sept milliards d’euros (environ un dixième de son PIB) en remboursements, sans le moindre financement extérieur ces derniers mois, puisque les versements européens sont suspendus depuis le 25 janvier…

Cela ramène l’origine de la confrontation présente à sa plus simple réalité. Alors que nos camarades de Syriza avaient reçu, du suffrage universel, le mandat d’extraire la Grèce des rets d’une austérité qui l’a éloignée de toute perspective de relance dans le même temps qu’elle détruisait son potentiel économique et ses infrastructures publiques, la coalition constituée de la Commission européenne, de la Banque centrale européenne et du FMI les aura confrontés à des exigences inacceptables : en vertu du prétendu principe ”« réformes contre argent frais »”, elle aura fait d’une nouvelle baisse du montant des retraites, d’une augmentation massive de la TVA sur des produits aussi essentiels que l’électricité (pour la porter, dans ce secteur névralgique, à 23%) et de la libéralisation accrue du « marché du travail » les conditions du versement du prêt de 7,2 milliards d’euros qui serait indispensable pour permettre à la Grèce de faire face à ses créances.

Qu‘importe à ces ayatollahs fanatisés que de pareilles mesures eussent pour inévitables conséquences l’appauvrissement d’une population dont une partie vit déjà au-dessous du seuil de pauvreté (44,5% des retraités connaissent ainsi cette plongée dans la misère, après avoir vu leurs pensions diminuer de 20 à 48% selon les cas)… Que leur importe l’inanité d’un système où l’on demande à une population de payer jusqu’à 4% de son PIB d’impôt en plus de ce que nécessiteraient les dépenses publiques pour rembourser l’endettement et le service des intérêts de celui-ci… Que leur importe, comme le soulignait Alexis dans une tribune donnée au Monde du 2 juin, que les nouvelles autorités grecques aient avancé un corps de contre-propositions destiné, entre autres, à affronter la gageure du redressement national en augmentant les recettes de l’État au moyen d’une redistribution des richesses mettant enfin à contribution les revenus les plus élevés et ceux de la spéculation… Que leur importe même qu’ils aient renoncé à toucher pour l’instant, en en modifiant cependant les conditions, le programme de privatisations imposé par la « Troïka », et qu’en matière de droit du travail ils revendiquent simplement sa conformité aux normes validées par le Bureau international du travail (ce qui apparaîtrait, reconnaissons-le, élémentaire sous n’importe quels autres cieux)… Rien ne doit venir contrarier cette règle sous-jacente au traité Merkozy (dit aussi Traité pour la stabilité, la coordination et la gouvernance de la zone euro), qui veut que ce fût aux peuples, et à eux seuls, de faire les frais des inconséquences passées de leurs classes possédantes autant que de la course à la compétitivité devenu un” leit-motiv” dans toute l’Union européenne.

NE PAS PERMETTRE À UNE ALTERNATIVE D’ÉMERGER

Car tel est bien le cœur de l’affrontement en cours. Un temps bousculée par le désaveu que venaient de lui infliger les électeurs grecs, puis frappée d’effroi devant la montée en puissance de la gauche anti-austérité en Espagne, l’élite dirigeante européenne aura très vite pris la mesure de l’enjeu. Accepter des concessions significatives à la Grèce, quoique les exhortations en ce sens n’aient pas manqué jusqu’au plus haut niveau de la citadelle américaine, et quoique la folie économique autant que la bassesse morale des injonctions de la « Troïka » soient de plus en plus reconnues, n’eût d’évidence pas manqué de modifier les équilibres sur tout le continent. Sans même qu’il fût question de restructurer la dette, ou d’en effacer au moins la partie la plus manifestement illégitime (à la manière dont la communauté internationale avait procédé à l’égard de l’Allemagne elle-même, afin de lui permettre de sortir du marasme où elle se retrouvait à la suite de ses terribles défaites militaires de 1918 et 1945), desserrer pour un pays l’étau d’un ordolibéralisme inspiré du sacro-saint « modèle allemand » eût assurément contraint à faire des gestes similaires pour les États les plus fragilisés par le dogme de l’austérité perpétuelle, à commencer par le Portugal, l’Espagne, voire l’Italie ou la France.

La situation du continent en s’en serait pas plus mal portée, me direz-vous. C’est l’évidence, tant il est vrai que l’obsession de l’équilibre des comptes publics au prix d’une déréglementation des économies et d’une destruction des protections collectives sans précédent depuis 70 ans n’aura abouti qu’à un enchaînement de récessions, de tendances déflationnistes, de paupérisation pour des millions d’hommes et de femmes, de déséquilibres grandissants entre pays pourtant théoriquement réunis par une monnaie identique. À ceci près qu’une inflexion de la donne européenne, sous l’impact d’une victoire arrachée par la gauche grecque, démontrerait qu’il existe un autre chemin, pour une relance socialement utile et écologiquement soutenable, que l’orthodoxie budgétaire, la baisse du coût prétendument trop élevé du travail, la concurrence mortifère entre nations, ensembles économiques et multinationales. C’est alors une dynamique incontrôlable, de la part des pouvoirs établis et des marchés, qui s’ouvrirait. Le durcissement de l’attitude des négociateurs mandatés par ce que les Grecs appellent, avec le mépris mérité, « les institutions » reflète parfaitement cette prise de conscience du danger imminent guettant des gouvernants pressés d’engager définitivement leurs sociétés dans un grand retour en arrière.

À quitte ou double, ces derniers jouent la carte de la déstabilisation politique de la Grèce, dans l’objectif de faire tomber Alexis Tsipras, ou de l’amener à résipiscence en ruinant son autorité sur le pays, ce qui aurait sans doute les mêmes conséquences. Dans un accès de cynisme haineux, Arnaud Leparmentier révélait cette arrière-pensée inqualifiable, où l’on considère que le vote des peuples n’a aucune importance en comparaison d’intérêts géopolitiques les dépassant, dans sa dernière chronique du” Monde” : «” La Grèce doit trouver un accord avec les Européens. Signé par Alexis Tsipras ou un autre, peu importe. Il existe des précédents peu reluisants. C’était en novembre 2011, au G20 de Cannes, au plus fort de la crise de l’euro : le Premier ministre grec, Georges Papandréou, et l’Italien Silvio Berlusconi avaient comparu au ‘’tribunal de l’euro’’ devant Sarkozy, Merkel et… Obama. Bien sûr, ils ne furent pas renversés par un putsch comme de malheureux démocrates sud-américains victimes de la CIA. Mais, de retour dans leur pays, ils ont comme par miracle perdu leur majorité. Papandréou fut remplacé par le banquier central Loukas Papademos, et Berlusconi, par l’ex-commissaire européen Mario Monti. Imaginons donc un scénario de crise : 30 juin, constat de défaut de la Grèce ; 1er juillet, panique bancaire et instauration d’un contrôle des changes par Tsipras, contraint et forcé ; 2 juillet, mise en minorité du gouvernement Tsipras par les irréductibles de Syriza ; 3 juillet, constitution d’un gouvernement d’union nationale, avec ou sans Tsipras ; 4 juillet, retour des négociateurs à Bruxelles-Canossa. Odieusement antidémocratique ? Les Grecs jouent au poker. Pourquoi pas nous ? » ”

QUAND LES EUROCRATES JOUENT AVEC LE FEU…

Nul doute que Monsieur Leparmentier exprime-là le scénario auquel on réfléchit dans les hautes sphères où il se meut. Comme par hasard, la polarisation se fait, au fil des jours, plus forte au sein de la société grecque, entre secteurs qui ont repris espoir en la politique grâce au courage de Tsipras comme des siens, et ceux qui pensent sans doute pouvoir échapper à l’appauvrissement auquel conduisent les oukases des eurocrates. Derrière la manifestation récemment organisée à Athènes pour que le gouvernement consente à ce qu’on lui torde le bras, manifestation s’inscrivant en réplique de celles qui apportent régulièrement le soutien du peuple à la fermeté de ses dirigeants, on devine sans peine les entreprises de réseaux à l’influence non négligeable, préparant souterrainement le choc dont ils espèrent être les bénéficiaires.

En prenant délibérément le risque du « Grexit », la technostructure bruxelloise et l’oligarchie financière risquent cependant de se voir simultanément confrontés et à la première séparation qui interviendrait dans la construction européenne depuis ses origines, et à une crise aux conséquences probablement déflagratrices. Dans un contexte où la volatilité des transactions boursières ces dernières semaines reflète l’immense fragilité d’une économie globalisée en proie à des menées spéculatives incontrôlables, où l’Organisation de coopération et de développement économique vient elle-même de reconnaître que l’activité des pays développés se révélera extrêmement limitée en 2015 et 2016 (à l’inverse des coups de clairon pathétiques de notre exécutif sur la croissance qui reviendrait à l’échelle internationale…), la Grèce serait évidemment menacée par une dévaluation d’au moins 50% de sa devise redevenue nationale, ce qui renchérirait la dette de ses grands groupes autant que ses importations, provoquerait de possibles faillites en chaîne de ses banques, entraînerait des difficultés accrues pour sa population. Mais elle ne serait pas la seule à faire les frais de la fuite en avant de ses têtes couronnées.
Comme le soulignent nombre d’experts, un « défaut » grec conduirait, par exemple, les pays ayant contribué au rachat de la dette hellène aux banques privées (en la faisant prendre en charge par des organismes tels que le FESF, le MES ou la BCE) à provisionner eux-mêmes les créances que le gouvernement Tsipras répudierait. La Banque européenne pour la reconstruction et le développement souligne, de son côté, que si la Grèce” « retomberait probablement dans une profonde récession dont l’ampleur et la durée sont difficiles à évaluer »”, la rupture de l’Eurozone viendrait immanquablement ”« assombrir les perspectives »” pour tout le continent, et tout particulièrement pour une Europe centrale déjà amplement éprouvée par l’affrontement que les Occidentaux ont provoqué avec la Russie.

Plus globalement, si le Conseil européen exceptionnel convoqué ce 22 juin se concluait par la rupture annoncée de toute part, bien que l’ami Alexis ne cessât d’affirmer sa disponibilité à un accord juste, c’est probablement à l’ébranlement de tous les piliers de la démarche suivie depuis le Traité de Maastricht que l’on assisterait. Sans doute, dans un premier temps, tout serait-il mis en œuvre pour minimiser la portée de l’événement. Il n’en reste pas moins qu’aurait, à cette occasion, été prouvé que la spirale folle imposée à l’Union par le pouvoir conservateur allemand ne pouvait aboutir qu’à des fractures profondes et à la rétraction du club des États censés communier aux mirifiques promesses de la monnaie unique. Dit autrement, c’est une page de la construction capitaliste de l’Europe qui aurait toute chance de se tourner, atteignant un peu plus celle-ci dans sa légitimité. Ce n’est pas tout à fait un hasard si de manifestes dissensions ont commencé à se faire jour parmi les créanciers d’Athènes, entre ceux qui paraissent redouter « l’effet domino » d’un « Grexit » et ceux qui, emportés par leur comportement inquisitorial, assènent à qui veut les entendre qu’un pareil dénouement n’aurait pas de conséquences graves pour l’UE et la zone euro.

Monsieur Patrick Artus, de Natixis, ne figure pas particulièrement au nombre des économistes lanceurs d’alertes à propos des dégâts de l’orthodoxie budgétaire et de la doxa monétariste. Il n’en aura pas moins adressé, dans ”Les Échos” des 19 et 20 juin, cet avertissement aux dirigeants européens : ”« La crise grecque nous a beaucoup appris sur le fonctionnement de la zone euro et sur la façon de réagir à une crise. Nous comprenons maintenant qu’il est difficile d’avoir dans une Union monétaire des pays de niveaux de revenu très différents ; qu’il faut que tous les pays d’une Union monétaire aient une croissance soutenable ; que si un pays subit une crise de sa dette souveraine ou de sa dette extérieure, il faut absolument essayer de savoir s’il s’agit d’une crise de solvabilité ou de liquidité ; et enfin, qu’il faut réfléchir à nouveau à la nature des règles de politique économique que doivent respecter les pays. »” Ce qui résonne d’autant plus comme un réquisitoire de la ligne Merkel-Draghi-Lagarde que l’auteur aura tenu à conclure sa réflexion en soulignant en creuxle bien-fondé de la revendication grecque : ”« Le gouvernement grec d’Alexis Tsipras accepte que l’Union européenne lui donne des objectifs macro-économiques (excédent budgétaire primaire, excédent extérieur…) mais refuse de se voir dicter le détail de ses politiques économiques (niveau des retraites ou du salaire minimum, nombre de fonctionnaires, taux de TVA, privatisations…). Dans quel degré de détail le contrôle des politiques économiques par les autorités monétaires doit-il être réalisé sans restreindre considérablement la souveraineté des pays ? Dans quelle mesure peut-on réduire de manière acceptable la souveraineté de la Grèce ? »”

POUR LA GAUCHE EUROPÉENNE, L’ÉPREUVE DE VÉRITÉ

À lire ce genre de propos, on mesure à quel point la gauche européenne se retrouve devant un défi majeur. Si ses diverses composantes n’ont eu de cesse, ces derniers temps du moins, de prendre quelques distances avec des décisions pouvant mener le continent tout entier au précipice (ou de s’y opposer franchement, à l’instar des formations du Parti de la gauche européenne), et si logiquement les processus en cours devraient renforcer ces critiques, il s’imposerait maintenant à elles de tout faire pour que l’irresponsabilité des gouvernants en place n’entraîne pas davantage de souffrances pour les peuples. Il serait, pour le moins, paradoxal qu’à l’instant où un édifice construit sur une visée absurde vacille, où c’est l’idée européenne elle-même qui pourrait s’en retrouver emportée pour longtemps, elles laissent les Grecs seuls face à une coalition d’apprentis-sorciers. Donc, qu’elles se dérobent devant l’un de ces moments décisifs où se joue l’avenir.

Certains lecteurs s’en montreront peut-être surpris, d’autres s’en offusqueront certainement, mais c’est tout à fait volontairement que j’ai parlé de la gauche européenne dans toutes ses réalités. Souvenez-vous… Au lendemain de la victoire de Syriza, il ne manqua pas de voix, jusqu’au sein du Parti socialiste européen, pour appeler l’UE à donner droit aux demandes des nouvelles autorités grecques, dès lors que celles-ci résultaient d’un mandat populaire et qu’il ne pouvait être question, pour quiconque se revendique du camp du progrès, de bafouer la souveraineté d’une partie quelconque des citoyens de notre Vieux Continent. Au congrès de Poitiers du Parti socialiste, auquel j’avais été convié avec une délégation de la Gauche unitaire, j’ai d’ailleurs pu entendre certains orateurs en appeler avec vigueur au soutien de la gauche grecque. Au demeurant, jusque dans la motion qui recueillit une majorité des votes au sein de ce parti, on pouvait lire les phrases suivantes : «” La confrontation avec les droites européennes – et particulièrement la CDU-CSU allemande – s’impose. Les difficultés qu’éprouve le nouveau gouvernement grec montrent que les fondements d’une politique de solidarité européenne sont toujours en débat. Alexis Tsipras et la grande majorité des Grecs veulent demeurer dans l’euro. Nous devons les aider pour en trouver les solutions. Les socialistes français, qui peuvent jouer un rôle d’entraînement dans le socialisme, doivent présenter une vision d’ensemble et proposer des actions concrètes. »” Plus récemment encore, dans une tribune du ”Monde” intitulée « Sauver la Grèce pour sauver l’Europe », deux élèves de l’École normale supérieure, de sensibilité socialiste affichée, concluaient leur texte sur ces mots : ”« L’intransigeance comporte pour tous des risques incalculables. Mieux vaut aujourd’hui une restructuration de la dette publique grecque qu’attendre non seulement un défaut souverain, mais une succession de faillites privées. Faudra-t-il voir brûler Athènes pour le comprendre ? »” Et je m’en voudrais d’ignorer la fort juste remarque de Thomas Piketty, économiste ayant longtemps gravité dans les eaux sociales-démocrates, pour qui ”« on finira de toute façon par le faire : restructurer la dette grecque, et avec elle l’ensemble de celles des pays de la zone euro.” (…) ”La crise a fait exploser la dette et, avec elle, le poids de l’endettement public, en France, en Grèce ou en Italie. Pour ces deux dernières le service de la dette représente 4% voire 5% du PIB. On a institutionnalisé la solution de sortie de l’endettement du XIX° siècle (…). L’Allemagne (avec l’appui de la France) prend cette base comme socle du futur approfondissement de l’intégration de la zone euro. Ce n’est pas acceptable, dans un espace démocratique, de s’interdire des solutions différentes. (…) Le moment est venu pour la France de dénoncer le traité de 2012 »” (in ”Marianne,” 12 juin 2015)

Voilà qui atteste d’une conscience grandissante des périls qui s’accumulent à l’horizon. Hélas, ces avertissements contrastent de manière stupéfiante avec l’attitude de l’exécutif français. Alors que, dans un premier temps, le président de la République s’était voulu une sorte de « go-between » entre les sommets de l’Union européenne et la direction grecque, les derniers temps l’auront vu privilégier, contre Syriza, sa subordination à la ligne de Madame Merkel et de son ministre Monsieur Schauble. En phase avec Sigmar Gabriel, allié social-démocrate de la chancelière allemande à Berlin, qui vient d’exhaler sa détestation de Syriza dans une tirade hallucinante selon laquelle ”« à travers toute l’Europe il y a un sentiment croissant : ça suffit »,” nos gouvernants répètent désormais à l’envi que les souverainetés populaires ne sauraient s’exercer à l’encontre des traités conclus depuis 20 ans et plus. Des traités, rappelons-le, au moyen desquels on aura longtemps bercé d’illusions des populations qui ne sont dorénavant plus dupes, au point que François Hollande ait dû s’engager à les renégocier pour se faire élire en 2012… Évidemment, la duplicité des plus hautes autorités hexagonales s’explique par le fait que l’on ne peut expliquer aux Français, matin et soir, qu’il est incontournable de consentir aux purges austéritaires, et prendre le parti de ceux dont l’action prouve exactement le contraire. Clairement, une victoire d’Alexis Tsipras dans l’affrontement qui l’oppose à ses détracteurs deviendrait la propre défaite de Messieurs Hollande, Valls et Macron…

Il reste à présent fort peu de temps pour éviter l’irréparable. C’est la raison pour laquelle, avec d’autres personnalités de gauche, toutes sensibilités confondues, je viens de signer un « Appel au président de la République », afin que la France prenne ”« la place qui est la sienne dans l’histoire »”. J’en extraie ce passage : ”« Nous attendons de vous que vous preniez une initiative de nature à débloquer les négociations entre ‘’l’Eurogroupe’’ et les autorités grecques. Nous n’évoquerons pas ici les transformations profondes à promouvoir en Europe qui font débat entre nous. L’acte urgent que nous vous demandons d’accomplir est de refuser de participer à la stratégie d’isolement de la Grèce, concernant en particulier le chantage financier et la nature des ‘’réformes’’ exigées du gouvernement et du Parlement de ce pays. Apportez un soutien explicite aux mesures saines prises par les autorités grecques, telles que celles qui s’attaquent à la crise humanitaire en Grèce, ou qui permettent enfin de lutter contre l’évasion fiscale. Désolidarisez-vous en revanche nettement des exigences insoutenables de ‘’l’Eurogroupe’’ en matière de dérégulation du marché du travail, de révision du système des retraites ou de privatisations. Acceptez enfin le principe d’une renégociation de la dette grecque, dont une large partie est notoirement illégitime. »”

À l’action maintenant, dans un rassemblement aussi large que sans exclusives, autour de ces exigences de simple justice et de retour à la démocratie…

Christian_Picquet

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