“Le mouvement social est une chance pour la France et pour la gauche”
Dans la provocation et la geste autoritaire, François Hollande et Manuel Valls n’auront décidément reculé devant rien. Alors que la mobilisation sociale contre la destruction du code du travail aura franchi l’épreuve de la durée, ce 5 juillet, réunissant de nouveau des dizaines de milliers de manifestants… Alors que plus de la moitié des députés socialistes se sera, le même jour, retrouvée, contre l’avis du Premier ministre, sur une proposition d’amendement à la loi El Khomri consistant à refuser qu’un employeur puise déroger à la majoration, à hauteur de 25%, des heures supplémentaires s’il parvient à contraindre ses salariés à renoncer à ce droit au terme de l’un de ces fameux « accords d’entreprise » qui renverserait la hiérarchie des normes jusqu’alors en vigueur dans le droit du travail… Alors qu’il se sera ainsi confirmé que l’exécutif n’était pas simplement minoritaire dans le pays et parmi le peuple de gauche, mais aussi au sein de sa majorité parlementaire… Les deux personnages présidant aux destinées du pays auront choisi le passage en force, grâce à un nouveau recours à l’article 49-3, ce qui aura eu pour principale conséquence de priver la représentation nationale de toute discussion sur un projet contesté de toutes parts. Indice s’il en fût de son incessante dérive libérale, ce gouvernement aura pu déployer sa manœuvre avec la complicité d’une droite ayant très logiquement renoncé à chercher à le censurer, comme elle l’avait fait en première lecture. Cela rend encore plus indispensable le dépôt d’une motion de censure de gauche, afin que les attentes de nos concitoyens ne puissent être bafouées impunément par un pouvoir n’écoutant que les marchés financiers et les oracles de la Commission de Bruxelles. J’y reviendrai très prochainement.
En attendant, je vous livre ici l’entretien que j’ai accordé aux ”Nouvelles 31”, l’organe de la fédération de Haute-Garonne du Parti communiste français. J’y reprends en effet une série de questions sur le moment politique présent, telles que je les aurai vues aborder lors d’initiatives auxquelles il m’aura été donné de participer ces derniers jours : à la Fête des Coteaux, dans le Calvados, le 26 juin ; lors d’un débat co-organisé à Reims, le 28 juin, entre la fédération communiste de la Marne et le courant socialiste « À gauche pour gagner », débat à l’occasion duquel j’aurai pu longuement échanger avec Marie-Noëlle Lienemann ; à Toulouse, le lendemain, lors d’une rencontre militante organnisée autour de la grande consultation citoyenne, organisée par le PCF, autour du questionnaire « Que demande le peuple ? »
”Tu viens d’être élu au conseil national puis à l’exécutif du PCF. Comment l’as-tu vécu ?”
Je remercie les camarades de la fédération d’avoir proposé ma candidature à ces responsabilités, et j’en mesure l’importance. Surtout en un moment où, comme le dit mon ami Pierre Laurent, ”« c’est le PCF qui tient la gauche debout »”. Et où il lui revient, conformément à son histoire, de prendre les initiatives à même de nous éviter la débâcle, à la fin d’un quinquennat nauséeux.
”Nous venons d’assister au vote du « Brexit » en Angleterre. N’est-ce pas la face cachée de l’iceberg ?”
Les politiques néolibérales et libre-échangistes conduisent l’idée européenne à sa perte. Les peuples se sentent méprisés, attaqués sur leurs conquêtes. Dans le rapport actuel des forces, leur colère nourrit souvent la montée de droites extrêmisées et de formations xénophobes. Comme pour le « Brexit »…
De nouveaux fondements s’imposent pour la construction européenne, ceux d’une union de nations souveraines et de peuples associés, déterminant démocratiquement leur destin commun. À cette fin, il faut en finir avec l’austérité, renégocier les traités, tourner les politiques européennes vers l’emploi, les services publics ou la conversion écologique de l’économie. Remettre à plat l’architecture institutionnelle de l’espace communautaire, changer les orientations comme le statut de la Banque centrale, rediscuter le rôle de la monnaie unique et la place de la zone euro. La France doit proposer une conférence citoyenne sur tous ces points.
”François Hollande est rejeté par une large majorité de nos concitoyens qui refusent de le voir candidat. Poutou, Mélenchon et d’autres sont déjà, depuis des mois, en campagne. Comment vois-tu la situation politique à gauche pour 2017 et le rôle du PCF ?”
L’exécutif et ses soutiens sont rejetés par le pays. Leur divorce est même consommé avec la majorité du peuple de gauche, y compris avec les électeurs socialistes. François Hollande peut bien, avec l’ersatz de « primaire » que veut organiser la direction du PS, tenter de se remettre en selle, son bilan lui interdit de pouvoir rassembler la gauche et remporter la prochaine présidentielle.
Des énergies nombreuses se dégagent, de toutes les composantes de la gauche, du mouvement social, de l’aspiration montant de la société à un renouveau démocratique. Elles peuvent aboutir à l’émergence d’une proposition ayant l’ambition de reconquérir une majorité politique, sur des choix de transformation. Faute d’y parvenir, la gauche risque d’être éliminée de la présidentielle, marginalisée dans la future Assemblée, condamnée à l’impuissance face à une droite réactionnaire comme jamais et à un Front national aux portes du pouvoir.
C’est pour conjurer ce qui serait une catastrophe pour notre peuple que nous appelons à enclencher une vaste dynamique populaire. En commençant par traiter des questions de contenus : le « Pacte d’engagements » dont nous proposons l’élaboration à des milliers de mains répond à ce souci, et nous voudrions qu’il soit validé par une grande votation citoyenne à l’automne. Le plus large rassemblement, à gauche, dans un tel processus, est possible. Ce qui permettrait, pour la présidentielle, l’émergence d’une candidature commune n’apparaissant pas vouloir seulement témoigner mais gagner. Et aux législatives, pourraient être désignés des candidates et candidats portant un mandat élaboré au plus près des citoyens.
”Nous sommes depuis des mois face à un mouvement social fort et à un gouvernement qui choisit la stratégie de la tension. Penses-tu que nous puissions faire revoir sa copie à Valls ?”
Hollande, Valls et leurs ministres sont d’autant plus provocateurs qu’ils se savent désavoués par l’opinion sur la loi El Khomri. Ils n’ont même plus de majorité à l’Assemblée, d’où leur recours au 49-3. Il est donc possible de gagner, d’obtenir le retrait de ce projet ou sa suspension afin de rouvrir la négociation avec les syndicats. Le mouvement social est violemment attaqué, mais il est une chance pour la France et la gauche. Car il démontre que la régression n’est pas une fatalité et que d’autres choix sont possibles à gauche.