Premier Congrès de Gauche unitaire

Ces 4, 5 et 6 février, se tient le Premier Congrès national de notre Gauche unitaire. Une échéance importante, non seulement pour les adhérentes et adhérents de celle-ci, dont les délégués vont pouvoir se retrouver et débattre de leur organisation, de leurs références programmatiques et stratégiques ainsi que de leur orientation pour les mois à venir, mais aussi, plus généralement, pour le Front de gauche et tous les courants militants soucieux d’ouvrir une vraie perspective de combat pour la gauche. Il n’est, à cet égard, pas anecdotique que l’ami Pierre Laurent ait tenu à nous rendre visite, samedi, quelques heures avant son envol pour le forum de Dakar, que Jacqueline Rouillon, la maire de Saint-Ouen, ait bien voulu venir nous adresser son salut amical, et que plusieurs représentants de formations du Parti de la gauche européenne aient fait le voyage pour participer à un échange sur l’alternative à l’Europe libérale. Et que, cerise sur le gâteau en quelque sorte, Marie-George Buffet et Jean-Luc Mélenchon aient tous deux accepté, en clôture de nos travaux, dimanche matin, de s’adresser en ma compagnie aux délégués, invités et journalistes. C’est ainsi que notre congrès s’achèvera sur une nouvelle manifestation de la vitalité du Front de gauche. Nous n’en sommes pas peu fiers…

À l’ouverture de nos assises, notre mouvement fête, à peu de jours près, son deuxième anniversaire. Il n’est pas rare, à ce propos, que des amis, des camarades appartenant à d’autres composantes du Front de gauche ou inorganisés m’interrogent : qu’est donc cette Gauche unitaire, nouvelle venue sur le théâtre politique hexagonal, quelle peut bien être son rôle alors que la fragmentation des forces d’alternative est déjà si importante ? Nos discussions de samedi et dimanche vont être l’occasion de revenir sur ces questions légitimes, puisque le congrès a commencé par dresser le bilan de l’activité menée depuis notre fondation. C’est, précisément, en partant de ma propre appréciation dudit bilan que je tenterai, une nouvelle fois, dans cette note, de répondre aux questions qui me sont si souvent posées (comme elles sont aussi posées à tous mes camarades…).

UNE AMBITION LARGEMENT CONFIRMÉE

Lorsque, en mars 2009, à quelques responsables de l’ex-Ligue communiste révolutionnaire, nous avons choisi de ne pas accepter l’enfermement du Nouveau Parti anticapitaliste dans une logique sectaire et gauchiste pour nous insérer dans le Front de gauche, c’est que nous considérions que cette dernière construction, pour embryonnaire et balbutiante qu’elle ait alors été, pouvait seule initier un processus de recomposition en profondeur de la gauche.

Je relisais, l’autre jour, en prévision du congrès dont l’échéance se rapprochait, le manifeste fondateur du mouvement, ”Ensemble pour changer de gauche”. Constatant le désastre sur lequel débouchait la formation d’un NPA refusant de se tourner vers toute la gauche afin d’en faire bouger les lignes de fracture, affichant une ambition résolument majoritaire à gauche et dans le pays, désignant l’objectif de ”« nourrir le débat sur la refondation d’un projet de refondation d’un projet de transformation radicale de la société »”, portant sur cette base la perspective à terme d’un nouveau parti qui – à la manière d’un Die Linke en Allemagne – regrouperait l’ensemble des courants refusant de se résigner au grand désordre capitaliste, nous nous définissions en ces termes : ”« Gauche unitaire est née de ce contexte général et, plus particulièrement, de la conviction qu’il ne fallait sous aucun prétexte gâcher une nouvelle opportunité de changer la donne à gauche, de faire confluer des cultures et des traditions différentes dans une affirmation commune d’une politique de rupture anticapitaliste. »”

Notre hypothèse de départ s’est-elle, à l’épreuve de la pratique, révélée pertinente ? Les acquis de deux ans de travail nous ont-ils permis un positionnement adapté pour affronter les défis du présent ? Sans fausse modestie, je le crois ! Renforcée de nouveaux apports militants, issus d’autres cultures et traditions dans la gauche, GU aura joué son rôle – un rôle qu’il faut évidemment apprécié au regard de ses forces limitées – dans la pérennisation du Front de gauche, sa stabilisation, le dégagement à chaque étape de l’expérience commune permettant d’avancer sur le long terme.

Sans doute, les rythmes se sont-ils révélés plus longs encore que nous ne l’imaginions. Les turbulences ont, à plusieurs reprises, secoué fortement l’embarcation. Il y eut des « retards à l’allumage », voire des incapacités à réagir à l’exacte hauteur d’événements aussi essentiels que la dernière mobilisation sur les retraites. À divers moments, les flottements dans la manière d’appréhender la conjoncture, la stratégie ou la visée de long terme n’ont pas été sans conséquences, nous n’avons pas hésité à le dire publiquement lorsqu’il le fallait. Il n’empêche ! Le Front de gauche est devenu la troisième composante de la gauche, en situation (souhaitons-le) d’aborder uni la séquence électorale de 2012. Et nous avons pris notre part à ce résultat…

Évidemment, rien n’est jamais acquis. En l’occurrence, le Front de gauche, s’il veut être autre chose que la construction un peu hésitante qu’il a pu parfois semblé être, s’il veut surtout dépasser son caractère de cartel essentiellement électoral, doit relever un défi majeur : la crise historique de la gauche et du mouvement ouvrier.

C’EST L’AVENIR DE LA GAUCHE QUI SE JOUE

Face à la tempête qu’a déclenchée le nouveau mode d’accumulation du capital, à la crise de civilisation qu’elle engendre et menace l’humanité des pires catastrophes, à la délégitimation qui frappe le modèle libéral, à la colère qui s’empare des peuples confrontés à des régressions sans précédent depuis la Deuxième Guerre mondiale, la gauche a révélé un total décalage. Sa composante dominante, la social-démocratie, parce que sa dynamique de renoncement lui a interdit de profiter de la crise du capitalisme, au point de la faire entrer dans une spirale d’échecs dans toute l’Europe, et au-delà. Les forces de transformation dès lors que, nulle part, du moins à cette étape, elles n’ont pu ou su incarner une alternative crédible.

La France est, à son tour, menacée de phénomènes similaires, avec la très possible désignation de « DSK » comme candidat du PS, avec une incapacité régulièrement avérée des sommets de la rue de Solferino à s’extraire de la spirale perdante du social-libéralisme (et ce, quel que soit son candidat à la prochaine présidentielle), et avec la remontée – simultanée et inquiétante – d’un Front national surfant sur les souffrances du peuple. Au prix, infiniment probable, d’une crise majeure de la gauche et, sans doute, d’une série de reclassements en son sein, qui n’épargneront ni le Parti socialiste, ni Europe écologie-Les Verts. Moins que jamais, dans ce cadre, le Front de gauche ne doit se claquemurer dans l’incantation, ni limiter son champ d’intervention à la « petite gauche ».

Il doit, au contraire, devenir une force utile à la réflexion sur l’avenir même de la gauche, apparaître comme l’aile marchante de cette dernière. Dit autrement, sauf à se voir emporté par la tentation du « moindre mal » (qui, si elle s’empare d’un peuple de gauche effrayée de la possible reconduction de Nicolas Sarkozy à l’Élysée, peut vite devenir la voie la plus rapide vers une dislocation à l’italienne), il lui faut se porter aux avant-postes de la bataille pour battre la droite, dessiner l’objectif d’une majorité et d’un gouvernement décidés à affronter les intérêts dominants, répondre à l’aspiration unitaire que traduisit le dernier mouvement social et se faire, à cette fin, candidat au rassemblement des forces vives de la gauche autour de la politique pouvant le mieux assurer la défaite de l’UMP… sur le fond et dans la durée.

C’est ainsi, en répondant à une question vitale, « qu’est-ce qu’être de gauche aujourd’hui ? », que le Front de gauche pourra, d’un même mouvement, se tourner vers le cœur de la gauche, interpeller les autres composantes de la gauche et leurs militants, poursuivre sa tâche d’enracinement et d’élargissement (en direction notamment des acteurs du mouvement social), et répondre à l’échéance de 2012.

UTILE AU FRONT DE GAUCHE… ET À LA GAUCHE

C’est ici que GU entend démontrer son utilité… au Front de gauche et à la gauche. Plus qu’un vague réseau ou un vecteur d’idées, nous nous voulons un mouvement politique, même si nous ne prétendons qu’à nous dépasser dès que possible dans la construction plus large que nous appelons de nos vœux. Et nous entendons nous identifier, tout à la fois, par une visée (la refondation à terme d’un projet socialiste et démocratique adapté au nouveau siècle), un projet (un nouveau parti rassembleur, sitôt que les conditions pourront en être réunies) et une vision pour la gauche (celle que j’ai ici tenté d’esquisser). C’est l’objet du congrès de ces 5 et 6 février.

Bien sûr, j’entends déjà l’objection : « Vos forces sont encore bien faibles… ». Je ne le nie pas, c’est une difficulté. Mais, dans le chaos et l’enchevêtrement des crises qui se dessinent, j’ai la faiblesse de penser que les cohérences qui nous animent (je ne conteste d’ailleurs pas qu’ils puissent en exister d’autres que celle de GU…) doivent se donner tous les moyens possibles d’agir avec efficacité, de faire preuve de réactivité, de cultiver l’esprit d’initiative. Donc, de se renforcer !

Très loin de moi, inutile de le préciser, l’idée littéralement démentielle que les réorganisations souhaitables pour l’avenir puissent s’opérer autour d’une seule force, ”a fortiori” Gauche unitaire. Cela dit, pour que les transitions qui vont inévitablement se faire jour puissent accoucher d’avancées déterminantes pour le changement des rapports de force politique et sociaux dans le pays, mieux vaut tout de même peser le plus lourd possible sur les orientations que l’on pense pertinentes. Que celles et ceux qui partagent la démarche de GU, tout en hésitant à franchir le pas, y songent bien… Comme le disait, déjà, notre manifeste fondateur : « L’heure est par trop décisive pour que chacun et chacune ne prenne pas le chemin d’un engagement aussi unitaire que résolu. »

Christian_Picquet

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