Un entretien avec le “Journal du dimanche”

Si je me suis interdit de critiquer le travail des journalistes, auxquels me lie ma longue activité à la tête de la rédaction de « Rouge », il ne m’en faut pas moins constater que l’univers des médias ne s’intéresse à nous que pour autant que nous provoquions de la « perturbation ». Ainsi, la démarche originale de Gauche unitaire, mouvement politique qui se veut transitoire, dans la perspective de la grande recomposition qu’il appelle de ses vœux à gauche, et qui vient de tenir son Premier Congrès national, est-elle généralement ignorée des gazettes, à l’exception notable de “l’Humanité”… évidemment. Le seul point de nature à retenir leur attention aura, cette fois, été la préférence dont j’aurai fait part, en conclusion de nos assises, en faveur de la candidature de Jean-Luc Mélenchon, pour représenter le Front de gauche lors de la compétition présidentielle de 2012.

C’est un peu rageant, mais il faut reconnaître qu’il existe parfois des exceptions. Le ”Journal du dimanche”, par exemple. L’un de ses rédacteurs, Arthur Nazaret, m’a soumis à un questionnaire serré, lequel m’aura donné l’occasion de reprendre divers points de mon propos de ce 6 février (le sens de l’indication donnée sur la présidentielle, ma perception de la candidature de l’ami André Chassaigne au sein du Parti communiste, mon appréciation de la situation à gauche, ou encore la raison pour laquelle j’avais réservé quelques flèches à l’éventuelle candidature de Dominique Strauss-Kahn etc.), preuve qu’il l’avait non seulement écouté mais travaillé, ce dont je tiens ici à lui rendre hommage. Il n’est, cela dit, pas le seul, un journaliste de la rédaction nationale de France 3 ayant fait de même…

Du bon travail, donc… Qui mérite que je vous en livre l’intégralité, en dépit de mon regret de l’avoir retrouvée titrée… sur le NPA, bien que cette question n’ait fait l’objet que de quelques mots de ma part. Toujours, manifestement, le même souci de créer de la « perturbation »…

L’ENTRETIEN DONNÉ AU « JDD »

Dimanche s’est achevé le premier congrès de la Gauche unitaire de Christian Picquet. Ce parti, qui est une des composantes du Front de gauche (avec le PCF de Pierre Laurent et le PG de Jean-Luc Mélenchon), a indiqué sa préférence pour Jean-Luc Mélenchon en vue de la présidentielle de 2012. Christian Picquet explique au JDD.fr ce choix. Et ne ménage pas ses critiques à l’égard de Dominique Strauss-Kahn et d’Olivier Besancenot.

Christian Picquet, vous avez indiqué dimanche votre préférence pour Jean-Luc Mélenchon. Sur quoi se base-t-elle ?

Notre parti, la Gauche unitaire, a fait le choix de ne pas entrer dans la moindre concurrence avec qui que ce soit. Donc de ne pas présenter de candidat à la candidature pour 2012. Après nous regardons la manière dont le débat hexagonal tend à se structurer. Nous en avons tiré la conclusion que Jean-Luc peut être le candidat qui rassemble le Front de gauche et qui porte sa parole à l’élection présidentielle. La question décisive sera notre capacité à mener une campagne collective.

Pourquoi avoir choisi Jean-Luc Mélenchon plutôt qu’André Chassaigne?

André est un ami. J’apprécie énormément son combat de terrain, son travail d’élu et ce qu’il apporte au renouvellement de notre message notamment sur les questions de l’écologie. En même temps, André lui-même peut voir la même chose que moi: aujourd’hui, Jean-Luc Mélenchon est celui qui répond le mieux aux deux critères que nous avons mis en avant. A savoir la capacité de porter avec force la voix commune du Front de gauche sur le théâtre électoral et la capacité à incarner le rassemblement. Toutefois, notre décision définitive n’interviendra qu’au début du printemps, par un vote des militants sur l’ensemble du dispositif électoral de 2012. C’est alors que nous devrons confirmer notre option pour Jean-Luc Mélenchon.

Lors de votre congrès vous avez dit: “le problème c’est la gauche”. Quand on est de gauche, le problème n’est-il pas la droite? 


Notre première adversaire est la droite. Notre message est de dire à Sarkozy, à Fillon, à Copé, et à Parisot: “Dégagez!” Comme on dit “Dégagez” aux gouvernants d’Egypte et de Tunisie. Une fois que j’ai dit cela, notre problème est que la gauche ne dit rigoureusement rien pour permettre au peuple de s’emparer de son destin. Il ne suffit pas de se laisser porter par la certitude des sondages. Nous l’avons vu en 2007: les sondages mirifiques se sont transformés en échec cinglant.

Avec Jean-Luc Mélenchon, vous vous en prenez à Dominique Strauss-Kahn. Ne courrez-vous pas le risque d’être les “idiots utiles” de Sarkozy?

Dominique Strauss-Kahn n’est pas mon obsession. Mais la gauche ne peut pas être dignement représentée par celui qui, à la tête du FMI, a signé toutes les ordonnances libérales qui ont saigné les peuples à blanc. Il ne peut pas porter dignement la parole d’une gauche qui voudrait se tourner vers les attentes populaires. Le FMI, qui inflige des plans d’austérité sans commune mesure avec tout ce qui a existé depuis la Seconde Guerre mondiale, est à l’origine de ce qui se passe aujourd’hui en Tunisie, en Egypte, en Jordanie, au Yémen. Nous nous adressons avec fraternité aux adhérents du Parti socialiste pour leur dire: si on veut gagner, ne partons pas avec des blocs de ciment aux pieds. Strauss-Kahn est le plus mauvais choix possible pour la gauche. Si au deuxième tour nous avions Dominique Strauss-Kahn, je prends le pari que cela risquerait de nous mener au désastre. Peut-être à une nouvelle victoire de Sarkozy ce qui serait une catastrophe. Ou, à tout le moins, à une espèce d’indifférence de la population vis-à-vis du résultat électoral.

Vous avez longtemps été à la LCR qui s’est muée en NPA. Ce parti va bientôt tenir son Congrès. Il ne veut pas d’alliances avec vous. Selon vous, le NPA risque-t-il de s’isoler? 


Le NPA est devant un choix vital pour son avenir. S’il continue, comme Olivier Besancenot semble vouloir le faire, dans cette ligne d’imprécateur vis-à-vis de la gauche, et de refuser les alliances avec qui que ce soit- y compris avec des forces comme le Front de gauche qui prônent la rupture avec le libéralisme et le capitalisme- il va à des déboires considérables. Il va voir ses militants s’enfuir. Il n’y pas de place pour une politique qui explique qu’elle est à elle seule la clef du changement dans la société française. Quand on fait 2 ou 3% aux Européennes ou aux régionales, c’est une absurdité de prétendre que l’on détient les clefs de l’avenir de l’humanité et des travailleurs de France. Je regrette cette ligne dans laquelle s’enferre Olivier Besancenot. Ils sont dans l’impasse, dans la vacuité totale de la gratuité d’un message purement de témoignage. Leurs militants, que je connais et que je respecte, méritent mieux que cette espèce de politique sans la moindre issue qu’Olivier Besancenot leur propose.

S’agissant du sujet de cette dernière question, le congrès du NPA qui s’ouvre ce vendredi 11 février, j’y reviendrai prochainement.

Christian_Picquet

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