Le mouvement social français au coeur des réflexions de la gauche européenne
Du 13 au 15 décembre, s’est tenu, à Malaga, en Andalousie, le congrès du Parti de la gauche européenne. Cet espace, unique en son genre sur le continent, dans la mesure où il regroupe les principales composantes de la gauche qui entend travailler à l’émergence d’une alternative de transformation sociale et écologique, se trouve aujourd’hui confronté à des défis majeurs. Partout, les forces progressistes se voient confrontées à des difficultés ou des recuis, dont les dernières élections européennes comme le grave revers que vient d’essuyer le Labour Party britannique permettent de mesurer l’importance. C’est, dès lors, la situation en France qui a largement retenu l’attention des délégués. Ces derniers ont d’ailleurs adopté une motion de solidarité au mouvement social dans notre pays. J’ai, pour ce qui me concerne, consacré toute mon intervention devant le congrès à la conviction que l’issue de l’épreuve de force en cours ici concernait l’ensemble de l’Europe. Je la reproduis ci-dessous.
« Mes Chers Camarades, vous me permettrez tout d’abord d’excuser Fabien Roussel, le secrétaire national du Parti communiste français, retenu aujourd’hui en France par le mouvement social décisif qui s’y déroule.
« C’est précisément de cet événement que je veux vous parler à présent.
« Depuis dix jours maintenant, un vaste mouvement interprofessionnel ne cesse de gagner en ampleur. C’est le projet d’Emmanuel Macron, visant à démanteler totalement le système des retraites pour le remplacer par un système à points, qui a catalysé la colère sociale dans notre pays. Cette colère sociale dont le mouvement des ‘’Gilets jaunes’’ avait déjà révélé la profondeur.
« Car ce projet a pour conséquence de faire baisser les pensions de toutes et tous, en particulier ceux qui ont eu des carrières hachées et les femmes, et d’allonger le nombre d’années au travail avant de pouvoir bénéficier d’une pension à taux plein.
« Vous l’avez compris, cette volonté se prévalant hypocritement de ‘’l’équité’’ ouvre la voie aux fonds de pension. Elle s’inscrit dans la lignée des recommandations de la Commission européenne, laquelle appelle le gouvernement français à économiser cinq milliards d’euros sur les retraites d’ici 2022.
« En ce sens, l’issue de la grande bataille sociale en cours dans notre pays intéresse toute l’Europe, et tout particulièrement ses forces progressistes.
« Le gouvernement de Monsieur Macron, en se lançant dans cette épreuve de force, cherche à infliger une défaite décisive au monde du travail. Il voudrait profiter d’une victoire des forces capitalistes pour relancer l’Europe néolibérale, qui connaît la crise existentielle que nous avons depuis longtemps analysée au PGE.
« Pour l’heure, la mobilisation sociale tient bon, et elle ne cesse de s’étendre.
« Le peuple français résiste à cette nouvelle tentative de plier la société aux normes de la globalisation capitaliste. C’est patent lorsque sept Français sur dix, interrogés par les sondages, soutiennent le mouvement social. Le 5 décembre dernier, un million et demi de personnes sont descendues dans les rues, à l’appel des organisations syndicales, et singulièrement de la CGT. C’est un chiffre de mobilisation d’ores et déjà supérieur aux premières manifestations des grands mouvements de 1995, 2003 et 2010. Le pays est désormais paralysé par la grève des cheminots et des agents des transports publics. Mardi prochain, c’est l’ensemble des syndicats qui va manifester, par-delà les divergences existantes entre confédérations, contre la politique du gouvernement. Ce sera un moment très important pour la suite de la confrontation.
« Les communistes ont naturellement engagé toutes leurs forces aux côtés des grévistes, des manifestants, des syndicats. Mais nous allons aussi plus loin.
« Pour gagner, le mouvement social a besoin d’un débouché politique. Et la construction de ce débouché politique passe par le rassemblement de toutes les forces de gauche et écologistes.
« Nous ne cherchons pas seulement, comme d’autres le font, à occuper le terrain des médias. Nous voulons être une force utile à la mobilisation, donc prendre des initiatives.
« C’est ce qui nous a conduits, le 11 décembre, à inviter, à notre initiative, et en soumettant à la plus large discussion un contre-projet d’amélioration juste et solidaire du système de retraites, l’ensemble des partis de gauche et les écologistes à dialoguer avec les organisations syndicales. Être parvenu à mettre sur la mème tribune, devant une salle archicomble, des forces aussi différentes que le Parti socialiste, les écologistes, la France insoumise et l’extrême gauche, pour un débat loyal et respectueux avec l’intersyndicale, c’était du jamais vu depuis des années… De cette initiative est déjà sortie la proposition d’un comité de liaison des partis de gauche, qui doit permettre d’exiger en commun le retrait du projet gouvernemental et de travailler à des contre-propositions pour l’amélioration du système de retraites.
« En agissant comme nous le faisons, nous voulons nous hisser à la hauteur d’un véritable défi de civilisation en montrant qu’il existe une démarche alternative aux plans du pouvoir en place, si l’on met à contribution les revenus du capital, si l’on rend effective l’égalité salariale entre femmes et hommes et si l’on augmente tout de suite les salaires afin d’accroître les cotisations sociales, et si l’on déploie des politiques ambitieuses au service de l’emploi et de la transition écologique.
« Je l’ai dit, ce qui se passe dans notre pays concerne toute l’Europe. En Belgique, le gouvernement qui portait un projet similaire a dû reculer. Ici, en Espagne, les retraites et le pouvoir d’achat des retraités sont également au centre des mobilisations populaires. J’en profite d’ailleurs pour saluer et soutenir les efforts de nos camarades du Parti communiste d’Espagne et de la Gauche unie dans le combat qu’ils ont engagé pour ”‘’récupérer’’” (comme ils disent) les droits sociaux perdus du fait des politiques néolibérales mises en oeuvre au fil des années. Un combat qui a contrant le PSOE à ouvrir des discussions avec eux…
« Nous sommes là, mes camarades, au coeur des débats de notre congrès.
« Partout en Europe, les classes dirigeantes s’emploient à reprendre les conquêtes que les peuples ont arraché depuis 70 ans. Cette offensive appelle une alternative qui remette en cause la domination du capital. Faute de quoi, c’est l’extrême droite, c’est un nouveau fascisme qui profitera d’une colère laissée sans réponse de progrès.
« C’est tout l’enjeu qui se pose à chacun de nos partis : faire renaître l’espoir du changement social et écologique.
« Nous avons, pour cela, besoin d’une Gauche européenne qui soit encore plus utile aux partis membres et qui soit un outil toujours plus performant au service de batailles concrètes, aptes à ouvrir des brèches dans la construction capitaliste de l’Union européenne. Des batailles concrètes, des campagnes pour des retraites, des salaires, des mécanismes de protection sociale alignées vers le haut… Pour la lutte contre l’évasion fiscale, qui représente près de 900 milliards sur notre continent… Pour la remise en cause du pacte budgétaire européen et de la logique libérale des traités… Pour la souveraineté démocratique des peuples et des nations…
« Nous avons besoin, dit autrement, d’un PGE à l’offensive. D’un PGE qui rassemble aussi largement que possible, comme nous cherchons nous-mêmes à le faire en France. D’un PGE qui fasse pour cela du respect de sa diversité, du respect de ses équilibres fondamentaux, une force d’attraction.
« Nos adversaires n’attendent pas. Le capital, la droite et l’extrême droite sont à l’offensive. Alors, soyons la force qui apporte des réponses aux défis qui s’imposent à toute la gauche européenne. Soyons la force qui contribue de manière décisive à faire bouger les rapports de force politiques et sociaux. Vous pouvez compter sur l’engagement des communistes français pour aider à construire les actions concrètes comme les propositions ambitieuses et novatrices que recense le document politique que nous allons adopter. Tous et toutes ensemble, nous allons dessiner un autre avenir. Pour l’humain et la planète… »
«