Le plan Bayrou enfonce la France dans le déclin

Que l’on ne s’y trompe pas : les annonces successives du président de la République et de son Premier ministre, le premier sur l’accroissement massif des dépenses militaires de la France afin de satisfaire à la pression des États-Unis sur les pays de l’Otan, le second sur les amputations budgétaires censées répondre au creusement de la dette du pays et des déficits publics, signent un coup de force austéritaire comme notre peuple n’en avait pas connu depuis les débuts de la V° République. Pour parvenir à réaliser 43,8 milliards d’économies dès l’an prochain, avant qu’une ponction équivalente voire supérieure ne s’effectue annuellement jusqu’en 2029, année où le déficit doit en théorie redescendre sous la barre des 3% du produit intérieur brut, le gouvernement exprime l’intention de saigner à blanc les services publics, la protection sociale, les collectivités territoriales et les ménages populaires. En pratique, si nos gouvernants parvenaient à leurs fins, l’État verrait amputer ses budgets de 4,8 milliards, les opérateurs publics perdraient 5,2 milliards de financements, les collectivités subiraient un recul de 5,3 milliards de leurs dotations, et la Sécurité sociale serait victime d’une purge de 5,5 milliards. L’« année blanche », décrétée pour les prestations sociales, les barèmes de l’impôt sur le revenu et la CSG, frapperait uniformément les moins dotés des Français, à commencer par les retraités qui se trouveraient doublement frappés par le gel des pensions et la suppression de l’abattement fiscal dont ils bénéficiaient jusqu’à présent. Les dépenses de santé verraient l’augmentation initialement prévue de dix milliards sabrée de moitié, occasionnant entre autres le doublement du plafond des franchises médicales pour les patients et des déremboursements de médicaments pour les treize millions de personnes atteintes d’« affections de longue durée ». Le non-remplacement d’un agent de l’État sur trois détruirait quelque 50 000 postes, sans qu’il soit évidemment expliqué comment cela permettrait de répondre aux immenses besoins insatisfaits de ces secteurs clés que sont, par exemple, l’Éducation nationale, la santé, la transition écologique, la police ou la justice. L’ensemble des fonctionnaires devraient en outre consentir à la pérennisation du gel de leur indice. De très nombreuses agences publiques devraient être purement et simplement liquidées, ou fusionnées entre elles, entraînant la suppression d’au moins un millier d’emplois et un terrible recul de la capacité de l’action publique à se projeter sur le long terme et à accompagner ses décisions. Les privés d’emploi devraient, quant à eux, affronter une énième contre-réforme de l’assurance-chômage, laquelle devrait affecter aussi bien leurs allocations que le RSA. Cerise sur le gâteau, on offrirait annuellement aux entreprises quatorze heures de travail non rémunérées, grâce à la suppression de deux jours fériés, le plus symbolique étant celui du 8 Mai, qui voit pourtant la France se rassembler, du nord au midi et dans sa diversité, pour célébrer la capitulation des fascismes européens.

Tout comme Javier Milei ou Elon Musk, Monsieur Bayrou se révèle donc le nouvel adepte de la tronçonneuse. Avec cette spécificité, partagée avec ces idéologues libertariens, qu’il révèle du même coup sa totale absence de vision d’avenir. La super-austérité annoncée pour le prochain exercice budgétaire a, en effet, toutes les chances de creuser les inégalités en appauvrissant les plus fragiles — l’« année blanche » fera perdre 1% de leur revenu aux 5% des ménages les plus modestes, tandis que les retraités perdront autour de 350 euros en moyenne par ménage —, ce qui n’est pas rien dans un pays dont 9,8 millions d’habitants vivent sous le seuil de pauvreté, selon la plus récente estimation de l’Insee. Dans le même temps, l’activité économique devrait inévitablement se rétracter (on estime que sa progression ne devrait pas excéder 0,4% en 2026), conduisant à de nouvelles fermetures d’entreprises, donc à un chômage en forte hausse (il atteindra vraisemblablement 9% l’an prochain), et à des rentrées fiscales très amoindries pour l’État, ce qui devrait empêcher le déficit de descendre sous la barre des 5% contrairement aux prévisions du pouvoir. Le cercle vicieux serait alors enclenché : pour conserver le cap de cette absurde autant qu’inefficace ponction sur les revenus populaires comme sur les moyens d’action de la République, il faudra nécessairement redoubler la mise austéritaire, autrement dit enfoncer davantage la nation dans la spirale de la stagnation économique, du recul des investissements productifs, de l’appauvrissement généralisé…

LE CHOIX DE PERSISTER DANS L’ERREUR

À titre de comparaison, puisque c’est l’exercice favori auquel se livrent nos éminences ministérielles lorsqu’elles cherchent à culpabiliser les Françaises et les Français accusés d’indolence — voire de fainéantise —, le choix de l’exécutif s’avère exactement inverse à celui des dirigeants d’outre-Rhin. Sans doute, ces derniers n’entendent-il pas sortir des clous de cet ordolibéralisme au nom duquel ils ont fait avaler tant de sacrifices au salariat et à la population laborieuse d’Allemagne, ce qu’ils veulent d’ailleurs prolonger maintenant d’une nouvelle attaque contre les dispositifs protecteurs de l’État, en l’occurrence les aides sociales, le système de santé et les retraites. Sans doute, usent-ils sans vergogne des dispositions restrictives qu’ils ont fait entrer dans les traités européens, afin de faire payer au reste du continent — et singulièrement à notre pays — le financement de la compétitivité internationale de leurs firmes. Mais, désormais confrontés aux immenses et nouveaux défis d’une globalisation entrée dans une phase de confrontations aiguës entre puissances et multinationales pour un nouveau partage des marchés et des zones d’influence, c’est au moyen d’investissements massifs qu’ils cherchent à doter le capitalisme rhénan de marges de manoeuvre renouvelées. À cette fin, Friedrich Merz vient d’annoncer, sous l’égide d’un « Germany is back », la sortie d’un « bazooka » budgétaire destiné à injecter 1500 milliards d’euros dans l’économie sur la prochaine décennie, à la fois pour soutenir ses secteurs stratégiques — éducation, santé, transports, routes, logement, transition climatique, développement urbain ou numérisation —, et pour faire de la Bundeswehr la première armée du Vieux Continent (ce qui n’est pas vraiment de bon augure pour la paix du monde…). Quitte à s’affranchir du fameux « frein à l’endettement » jusqu’ici codifié dans la Constitution du pays.

Au moins, quoi qu’elle ne se départisse pas de ses tropismes conservateurs, la droite chrétienne-démocrate allemande, de retour à la tête de la coalition gouvernante, en est elle-même arrivée à un constat incontournable : aucun des pays de l’Union européenne, pas plus la France que ses voisins, ne vit une crise de l’endettement ou de la dépense publique, mais plutôt une crise des recettes de l’État, engendrée par des décennies de gestions néolibérales plus absurdes les unes que les autres. Il ne s’agit évidemment pas de minimiser le problème que représente une dette publique risquant d’atteindre 118% du PIB en 2027. Simplement de constater que celle-ci n’amène pas les créanciers à fuir la France sur les marchés financiers, puisqu’ils continuent à lui proposer trois à quatre fois plus de financements qu’elle n’en a besoin, à un taux à ce jour toujours inférieur à celui auquel emprunte l’Italie (.3,4% contre 3,6%). Ce n’est donc pas à une quelconque cessation de paiement que nous devrions nous préparer, ou à des convulsions comme la Grèce ou l’Italie en ont connues dans le passé, même si la hausse des taux d’intérêt va nous contraindre à débourser 67 milliards cette année. Mais à réparer les dégâts causés par les politiques conduites depuis 2017, et même bien avant, qui ont abouti — entre austérité exigée par la Commission de Bruxelles, destruction de l’assise industrielle de la nation, et baisse constante des prélèvements obligatoires demandés aux plus fortunés pour un montant équivalent à 72 milliards depuis huit ans — à étouffer l‘activité économique et à priver les caisses publiques de centaines de milliards.

Tels sont pourtant les choix que François Bayrou se propose de perpétuer dans les prochaines années. Ne va-t-il pas jusqu’à refuser, pour ne prendre que cet aspect aussi anecdotique que symptomatique, de renouveler l’an prochain la contribution exceptionnelle exigée des puissants en 2025 (elle avait, tout de même, rapporté huit milliards), n’envisageant que des mesures cosmétiques qui devraient rapporter un peu plus d’un milliard seulement (soit 0,1% du patrimoine cumulé des 500 premières fortunes françaises, évalué à 1 228 milliards) ? Que dire, au surplus, des 211 milliards qu’ont coûté au budget national les aides déversées, sans contrôle ni contreparties, aux grandes entreprises — il faut, à cet égard, faire largement connaître les travaux de la commission sénatoriale formée sur le sujet, dont Fabien Gay était le rapporteur, qui vient d’éclairer l’ampleur de ce qu’il faut bien appeler un braquage de la richesse nationale ?

L’exécutif fait délibérément le choix de persister dans l’erreur d’une politique qui a mené la France au bord d’un déclin irréversible. Aucune de ses arguties ne vient confirmer « l’Himalaya » si abondamment décrit pour frapper de tétanie nos compatriotes. Ni le danger imminent que représenterait la dette (je viens de l’évoquer). Ni l’accusation portée à l’endroit du peuple travailleur de se montrer insuffisamment productif (l’OCDE comme Eurostat, dans leurs études, dépeignent plutôt une productivité française parmi les meilleures du monde). Ni la quantité de travail fournie par nos concitoyens et concitoyennes en activité (le très officiel Conseil d’analyse économique a fort bien démontré que les salariés de France travaillent davantage que leurs semblables des pays européens les plus riches, l’Allemagne, les Pays-Bas, le Danemark ou la Suède). La vraie question posée au pays n’est pas le temps passé à l’usine ou au bureau, mais le déficit d’emplois frappant aussi bien les jeunes que les séniors. Dans cette incapacité absolue d’esquisser le moindre début de changement de cap, afin de tirer le bilan désastreux de l’enfermement du macronisme dans les impasses de la « politique de l’offre », et d’éviter du même coup à la nation de sombrer dans le précipice au bord duquel elle se retrouve, se mesure la profondeur de la crise de direction affectant la bourgeoisie française. Comme le constate Charles de Courson, le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, que je rejoins sur ce point précis, « le Premier ministre a cédé aux ultrariches » (Le Monde, 22 juillet 2025). Même à droite de l’Hémicycle, on en vient donc à s’alarmer que cela soit l’unique fil à plomb de la politique imaginée au sommet de nos institutions.

ÇA PASSE OU ÇA CASSE…

Qui s’en étonnera ? Le capital, par l’entremise des principales figures du Medef ou de la CGPME, vite rejointes par tout ce que le petit cénacle médiatique compte d’adeptes de la pensée unique néolibérale, a bruyamment appuyé un plan de nature à combler sa soif court-termiste d’accroissement de ses profits. Comme toujours, seul lui importe de faire basculer le rapport de force social à son avantage, en faisant payer au monde du travail, et plus généralement à la société, la crise d’accumulation qui caractérise présentement le capitalisme. C’est une vieille leçon de l’histoire, rarement démentie, la finance et les gros actionnaires ne raisonnent généralement qu’à partir de leur intérêt égoïste immédiat, et non de l’intérêt général humain, même lorsque les solutions qu’ils plébiscitent aboutissent à porter à leur paroxysme les crises de l’humanité et des nations. Ce qui se révèle particulièrement vrai dans notre pays, où la classe dirigeante subit les effets de la désintégration du projet qu’avait porté, en son nom, Emmanuel Macron en 2017. Elle se retrouve pour l’heure privée de la moindre perspective à même d’unifier ses diverses fractions face aux défis colossaux auxquels la confrontent les mutations système.

Au fond, emporté par sa gestion à courte vue, François Bayrou n’a manifestement qu’une philosophie, significative de la médiocrité de sa démarche : ça passe ou ça casse… Si cela passe, il sera incontestablement parvenu à infliger au pays un recul social comme celui-ci n’en avait pas connu depuis des décennies, à défaire une nouvelle fois le mouvement syndical, et à marquer très à droite les équilibres politiques en réussissant à porter des coups décisifs au pacte républicain. Si, en revanche, cela casse, il ne lui restera qu’à plier bagage au terme de l’adoption, alors probable, d’une motion de censure. Dans ce dernier cas, Emmanuel Macron, qui ne parvient plus à dissimuler son désir d’incarner un recours en enjambant la prochaine présidentielle à laquelle il lui est impossible de se représenter, pourrait en profiter pour dissoudre une nouvelle fois l’Assemblée. Avec pour objectif manifeste de précipiter les recompositions en gestation à droite, et de favoriser dans ce cadre l’accession du Rassemblement national aux affaires.

C’est dire combien sont immenses les responsabilités du camp progressiste. Ce dernier ne peut se contenter — comme le fait la France insoumise, avec une délectation si obsessionnelle qu’elle détourne malheureusement de la gauche des électeurs inquiets d’une instabilité récurrente —, d’en appeler à la censure parlementaire du gouvernement. Quoique parfaitement justifiée, cette dernière ne saurait en effet, dès l’instant où elle mêlera inévitablement les voix des députés de gauche et d’extrême droite, suffire à porter une alternative politique crédible. C’est plutôt dans la formation d’un très large front politique et social, réunissant organisations syndicales, associations de défense des droits des citoyens et formations politiques — dans le respect scrupuleux de l’indépendance de chacune, et derrière le syndicalisme rassemblé auquel il revient naturellement de prendre la tête du refus de cette casse sociale généralisée —, que réside la possibilité d’une riposte à la hauteur de l’enjeu.

MOBILISER ET DÉFENDRE D’AUTRES SOLUTIONS

Ce front, auquel il appartiendra d’entraîner une majorité populaire, est d’ores et déjà rendu possible par le rejet que suscitent les annonces de l’hôte de Matignon, autant que par les failles qu’elles n’ont pas tardé à laisser apparaître. Dans les sondages, si nos compatriotes ne se montrent pas insensibles aux discours alarmistes dont on les abreuve à propos des finances publiques, ils ne s’en opposent pas moins très massivement aux régressions dont ils se voient menacés, le tandem présidant à notre destinée commune se révélant le plus impopulaire de tous ceux qui l’ont précédé depuis 1958. C’est que le plan Bayrou, par sa détermination à protéger les grandes fortunes et les plus hauts patrimoines pour des résultats que chacune et chacun devine parfaitement aléatoires, a rendu visibles au grand nombre sa véritable nature et ses contradictions.

Ainsi, son injustice foncière a-t-elle immédiatement éclaté au vu du déséquilibre considérable qui apparaît entre l’ampleur des sacrifices demandés aux salariés ou aux retraités — le dogme macronien du « pas d’augmentation des impôts » ne valant, en l’occurrence, que pour ceux qui ont déjà tout mais ne se rassasient jamais — et le refus gouvernemental de taxer, fût-ce a minima, les premières fortunes de France ou les revenus du capital réinvestis dans les sociétés financières, sans parler de la récupération — elle aussi obstinément rejetée — d’une fraction au moins des cadeaux fiscaux consentis aux grandes entreprises et ayant seulement profité aux actionnaires ; toutes mesures qui rapporteraient pourtant, tous les experts en conviennent, des dizaines de milliards aux caisses de l’État. Ainsi, sa totale absence de projection stratégique s’est-elle manifestée, à peine le discours primo-ministériel prononcé, dans le silence assourdissant observé sur le renouveau industriel de notre Hexagone, bien que chacun en reconnaisse le caractère impératif. Ainsi, l’inféodation de la politique de défense française aux injonctions de l’administration nord-américaine, qui vient de conduire notre ministre des Armées à envisager 100 milliards de dépenses militaires annuelles dans la prochaine période, est-elle apparue invraisemblable au moment où, précisément, Donald Trump annonçait la taxation à 30% (finalement ramenée à 15% le 27 juillet, la présidente de la Commission européenne n’ayant rien eu de plus pressé que d’avaliser les exigences nord-américaines pour surtout sauvegarder les intérêts des firmes allemandes) des importations européennes de l’autre côté de l’Atlantique.

C’est, de toute évidence, cette incontournable réalité qui a favorisé l’unanimité avec laquelle les organisations syndicales ont immédiatement rejeté une purge insupportable. Une pétition vient d’ailleurs d’être lancée par l’intersyndicale qui avait organisé la bataille des retraites en 2023. Cette reconstitution au coeur de l’été, période généralement considérée comme peu propice à l’action collective, s’avère de bon augure pour préparer une puissante mobilisation à la rentrée.

Celle-ci va maintenant dépendre de la capacité du syndicalisme, et derrière lui de l’ensemble des forces attachées au progrès, à avancer des contre-propositions en vue d’un autre budget, s’attaquant à la crise des recettes — qui est la première responsable du creusement des déficits —, défendant la justice sociale — hors de laquelle il n’est pas imaginable de réparer les fractures françaises —, offrant à la France de véritables moyens de se reconstruire un avenir — afin qu’elle puisse enfin sortir de la spirale du déclin qui la menace. Ce que commence à dessiner la pétition intersyndicale lorsqu’elle se conclut sur cette exigence vitale : « Ce que nous attendons, c’est un projet respectueux pour le pays, porteur d’espoir et de justice. »

Attention néanmoins au piège qui consisterait à mettre exclusivement l’accent, pour nous libérer du carcan de l’austérité, sur l’exigence d’une fiscalité fortement redistributive. Certes, celle-ci est une nécessité, et ceux qui le font ont raison, entre autres, de faire connaître la fameuse « taxe Zucman », adoptée par l’Assemblée. Dans le but de déconstruire le discours dominant, elle démontre qu’une taxation minimale de 2% sur les patrimoines des 1800 foyers possédant plus de 100 millions d’euros pourrait rapporter entre 15 et 25 milliards au budget chaque année. Dispositif que pourraient compléter des mesures de dissuasion s’opposant à l’expatriation de ces utrariches, en les rendant notamment imposables durant cinq années après leur départ.

Cela dit, pour redresser la situation du pays, le levier fiscal ne sera pas suffisant. Une cohérence alternative d’ensemble exigera une véritable politique de relance, destinée à produire davantage au services des besoins du grand nombre, créant du même coup de la richesse qui, elle-même, favorisera la consommation populaire, créera des emplois, abondera par conséquent les rentrés fiscales et développera le volume des cotisations indispensables à l’équilibre de notre modèle de protection sociale. Ce qui devra s’accompagner, pour aider à la reconquête de nos filières industrielles stratégiques et à la relocalisation des productions, d’investissements massifs que permettraient, tout à la fois, la constitution d’un pôle public bancaire et financier reposant sur des nationalisations d’établissements bancaires privés, et la mobilisation de la création monétaire aux mains de la Banque centrale européenne, dans un fonds dédié au développement des services publics, de l’emploi, de la formation et de la lutte contre le dérèglement climatique. Autant d’objectifs ambitieux qui nécessiteront l’intervention déterminée des salariés au sein de leurs entreprises et des citoyens sur leurs territoires. Telles sont les idées novatrices que les communistes versent au débat public, dans le cadre des dix objectifs qu’ils viennent d’adopter à l’occasion de leur dernier conseil national, et autour desquels ils proposent de bâtir, avec nos concitoyennes et concitoyens, un « Pacte national pour l’avenir de la France ».

Pour me résumer, la rentrée s’annonce tendue. Assailli depuis trop d’années par des contre-réformes ayant démantelé des protections conquises depuis la Libération, révolté par une inégalité qui voit la richesse s’accumuler du côté d’une minuscule minorité tandis que l’immense majorité se débat dans des difficultés grandissantes, ivre de colère à force de n’être jamais entendu ni respecté dans ses attentes, le pays est devenu un volcan bouillonnant. C’est moins l’acceptation des recettes éculées du néolibéralisme qui explique le découragement ou les hésitations de ceux d’en bas et l’arrogance de ceux d’en haut, que le sentiment s’étant au fil du temps répandu que des succès exigeaient dorénavant des épreuves de force d’immense ampleur. Il survient cependant toujours des moments où l’exaspération sociale, autant que l’aspiration démocratique, submergent les obstacles réputés infranchissables. Cela s’est vérifié hier avec l’irruption du mouvement des « Gilets jaunes ». Et cela vient de se confirmer dans le succès inattendu de la pétition citoyenne lancée contre l’adoption par le Parlement de la loi Duplomb. En ce sens, le plan Bayrou pourrait être la provocation de trop d’une élite possédante trop sûre d’elle et trop ignorante de l’état de la France. D’autant qu’elle survient après l’arnaque du prétendu « conclave » dont le gouvernement s’est uniquement servi pour tenter de diviser le front syndical et gagner du temps avant la présentation de son budget de guerre sociale. Dans la mesure où rien n’est acquis, veillons maintenant à réunir toutes les conditions d’une action victorieuse : l’annonce d’un calendrier crédible, à travers lequel toutes les composantes du monde du travail et de la société pourront dépasser leurs divisions et leurs hésitations ; le respect par toutes les forces progressistes de l’unité et de l’agenda que se donneront les organisations syndicales engagées dans une riposte déterminante pour notre futur collectif ; le souci, à gauche, de nourrir la mobilisation de solutions alternatives à même de conforter sa détermination et d’aide à sa dynamique rassembleuse. Le repos de l’été sera le bienvenu pour nous préparer au rendez-vous…

Post-scriptum. J’achevais la rédaction de cette note lorsqu’est tombée l’annonce que le président de la République se préparait à reconnaître l’État de Palestine, sur la base des résolutions des Nations unies et dans les frontières de 1967, à l’occasion de la prochaine Assemblée générale de l’ONU, au mois de septembre. Enfin ! Après trop d’atermoiements et de déclarations contradictoires ayant entretenu le sentiment d’impuissance — ou, pire, de complicité — du monde occidental devant la politique criminelle des dirigeants israéliens actuels, la France retrouve une voix conforme aux principes proclamés par sa République. Cette décision est, tout d’abord, de nature à faire renaître l’espoir du côté du peuple palestinien, dont la composante gazaouie est menacée d’une famine cyniquement organisée pour préparer l’épuration ethnique de l’enclave où elle vit, et dont la composante cisjordanienne subit au quotidien les attaques de colons enivrés de haine qui ne rêvent que d’annexion. Venant, par surcroît, d’un des membres permanents du Conseil de sécurité et de l’une des puissances du G7, elle est de nature à entraîner de nouveaux États dans une dynamique qui permettra à la Palestine d’entrer de plein droit dans la communauté des nations. Il s’agit, en ce sens, d’un pas essentiel franchi en direction d’une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens, que seule l’existence de deux États, vivant côte-à-côte dans des frontières sûres et reconnues par la communauté internationale, permettra. Honte à ceux qui, devant l’annonce d’Emmanuel Macron, osent dire que le moment n’était pas venu. Sauf à vouloir laisser s’accomplir le plan du gouvernement d’extrême droite que préside Benyamin Netanyahou, qui eût à tout jamais fait disparaître les bases de l’existence nationale palestinienne, il était impossible de perdre davantage de temps. C’est ce que nombre d’entre nous n’ont cessé de défendre. Quant à ceux qui prétendent que cette reconnaissance offrirait une victoire au Hamas, auteur des odieux massacres terroristes du 7 octobre 2023, ils font semblant d’ignorer — à moins qu’ils ne préfèrent s’aveugler sur ce point — la nature innommable de la politique présentement conduite à la tête de l’État hébreu, contre laquelle s’élève d’ailleurs un nombre croissant d’Israéliens. Le mouvement jihadiste a toujours refusé la solution à deux États et il y oppose l’islamisation de toute la Palestine, contrairement à l’OLP, seule représentante légitime du combat pour l’émancipation d’un peuple privé de ses droits depuis toujours, qui a reconnu l’État d’Israël dès la signature des accords d’Oslo, en 1973. Voilà 32 ans ! Ladite OLP a, au demeurant, dans une lettre adressée voici quelques semaines à Emmanuel Macron, condamné sans ambiguïté les abominations islamistes du 7 Octobre, et elle a exigé la libération des otages toujours aux mains du Hamas. Cela dit, au lendemain de l’annonce présidentielle, il y a cependant un « mais ». La reconnaissance de l’État de Palestine ne peut, en effet, obérer les deux urgences vitales du moment. Notre pays doit, en premier lieu, oeuvrer à ce qu’une aide humanitaire massive soit au plus vite apportée à la population de Gaza, et qu’elle brise le blocus scélérat qu’organise l’extrême droite israélienne. Et il doit agir afin que des sanctions soient immédiatement adoptées contre ce pouvoir qui bafoue honteusement le droit international, et en particulier afin que soit immédiatement suspendu l’accord d’association liant l’Union européenne à Israël. Sur ces deux urgences, il appartient à la France héritière des Lumières de prendre la tête d’une coalition d’États disposés à agir sans plus tarder afin de mettre fin à l’une de ces horreurs qui, au détour du premier quart de notre XXI° siècle, défigure l’humanité.





















































Christian_Picquet

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